Entre la date à laquelle doit théoriquement intervenir une décision de retrait de points et la date à laquelle l’administration procède au retrait, plusieurs mois et même plusieurs années peuvent s’écouler. Les conseils et surtout les mises en garde de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Président de la Commission ouverte Droit routier du Barreau de Paris.
Date théorique de survenance de la décision de retrait de points de permis de conduire
Le Code de la route prévoit différents facteurs qui vont permettre à l’administration de prononcer la décision de retrait de points.
Parmi ces facteurs déclencheur de la décision de retrait de points : le paiement de l’amende forfaitaire, l’émission de l’amende forfaitaire majorée ou encore une condamnation définitive.
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Un retard dans enregistrement des retraits de points qui peut parfois bénéficier aux conducteurs
Le décalage entre la date théorique de survenance du retrait de points et la date à laquelle cette décision est effectivement enregistrée sur le Fichier National des Permis de Conduire peut parfois permettre au conducteur de sauver non pas sa peau mais son permis de conduire.
On pense, par exemple, à un conducteur à qui il ne resterait que quatre points sur son permis de conduire et qui aurait été verbalisé pour franchissement d’un feu de signalisation au rouge. Cette infraction entraînant normalement à terme une décision de retrait de quatre points. L’enregistrement de la décision de retrait de quatre points, cinq ou six mois en retard pourra, par exemple, permettre à ce conducteur de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour porter son capital de points à huit et avoir ainsi un solde suffisant.
Un enregistrement tardif de la décision de retrait de points de permis de conduire parfois très préjudiciable aux conducteurs
Nombreux sont les conducteurs à ne pas suivre très régulièrement l’évolution de leurs soldes de points.
Les mécanismes de récupération de points souvent un peu obscurs n’aident pas véritablement les conducteurs à y voir plus clair.
Beaucoup de ces conducteurs ont tendance à faire confiance aux courriers envoyés par l’administration pour les informer de l’évolution du solde de points (courrier référencé 48 envoyé en courrier simple). Ces courriers peuvent parfois induire le conducteur en erreur en lui faisant croire à un solde de points rassurant alors que certaines décisions de retrait de points pourtant anciennes n’ont toujours pas été enregistrées.
Des conducteurs incrédules face à l’absence de délai de prescription
Se voir retirer des points sur son permis un an, deux ans, encore trois ans après les faits peut bien évidemment interpeller les conducteurs et y compris les conducteurs les plus prudents. Et de nombreux contrevenant n’imaginent, d’ailleurs pas, qu’un tel retard dans l’enregistrement puisse être légal ou régulier.
Certains conducteurs en infraction à qui certains points n’ont pas été retirés pensent, parfois, bénéficier d’une clémence de la part du magistrat ou d’une défaillance de l’administration et partent du principe qu’il ne sera plus possible de venir, par la suite leur faire perdre leurs points.
C’est sans doute ce qui est arrivé à ce conducteur qui a été informé au début de l’année 2022 de la perte de six points sur son permis à la suite d’un jugement de juin 2021. Le courrier envoyé par l’administration lui a indiqué qu’il disposait désormais de six points sur son permis de conduire.
Ayant même oublié que sa première affaire jugée à Bordeaux n’avait pas généré de décision de retrait de points, ce conducteur était persuadé de disposer de six points sur son capital de permis de conduire.
Ce conducteur avait certes dans l’idée de s’inscrire à un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour récupérer quatre points sur son permis de conduire, néanmoins rien ne pressait pour lui puisqu’un courrier de l’administration lui certifiait qu’il disposer de six points sur son permis de conduire.
Quelques mois après ce premier courrier rassurant, ce conducteur reçoit un nouveau courrier, le redouté courrier recommandé 48 SI l’informant de l’invalidation de son permis de conduire. Ce courrier lui notifiait, en effet, la survenance d’une décision de retrait de six points sur son permis de conduire du fait d’une condamnation définitive prononcée par le Tribunal de grande instance de Bordeaux pour une infraction d’avril 2019.
Pour ce conducteur il est trop tard aujourd’hui pour suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière, il ne lui reste plus qu’à restituer aux autorités son permis de conduire et s’abstenir de reprendre le volant pendant au moins six mois.
S’il avait été informé dans les délais de la survenance des décisions de retraits de points, il aurait pu s’inscrire à un stage de sensibilisation à la sécurité routière et préserver la validité de son permis de conduire en récupérant 4 points.
Il ne fait guère de tout ce que si ce conducteur avait compris qu’il allait être destinataire de ces deux décisions de retrait de points, son inscription au stage de sensibilisation à la sécurité routière aurait été beaucoup plus précoce…
Certains observateurs pourraient estimer que ce conducteur ne peut se prendre qu’à lui-même. Certes ce conducteur a été condamné par la justice, mais précisément la justice a prononcé une sanction considérée comme adaptée aux faits et aux antécédents du conducteur et n’a à aucun moment procédé à une annulation judiciaire du titre de conduite.
Une leçon à en tirer
Souvent les conducteurs ont tendance à croire à ce qui les arrangent, et il est tentant de se fier à la parole d’autres conducteurs ayant traversé les mêmes épreuves, ayant assumé les mêmes sanctions, ayant répondu aux mêmes convocations en justice… Et comment ne pas croire son voisin lorsqu’il prouve courrier de l’administration à l’appui que « le juge ne lui a pas retiré les points ». Le lecteur l’aura compris, ce voisin est sans doute de bonne foi et se verra certainement infliger une décision de retrait de points quelques mois après avoir conseillé son voisin…
Le courrier 48Si qui illustre cet article rappellera donc aux conducteurs incrédules que malgré les mois et même les années qui passent… l’administration ne les oublient pas.
Un enregistrement tardif du retrait de points de permis de conduire légal
En matière contraventionnelle, ce délai de prescription est d’un an. Ce délai peut être interrompu par un certain nombre d’actes (et y compris les plus simples comme la consultation d’un banal relevé d’information intégral par un Officier du Ministère Public). Ces actes interruptifs de prescription ne sont, pour la plupart, pas portés à la connaissance des intéressés. Les contrevenants peuvent néanmoins tabler sur la protection du mécanisme de prescriptions pour de veilles infractions lorsque l’on commence à parler de faits remontant à deux ou trois ans…
Mais ce qui est applicable à la chose pénale ne l’est pas forcément à la chose administrative
La mesure de retrait de points n’est en effet, d’un point de vue juridique, pas une peine mais une simple mesure de police administrative (Voir par exemple : Crim., 6 juill. 1993, n° 92-86.855 : « Il résulte de l’article L. 11-4 du code de la route, excluant l’application des articles 55-1 du code pénal et 799 du code de procédure pénale à la perte de points affectant le permis de conduire, que cette mesure ne présente pas le caractère d’une sanction pénale, accessoire à une condamnation. »).
La jurisprudence n’a, sur cette question jamais évolué depuis l’instauration du permis à points en 1992. La Cour européenne des droits de l’homme considère, de son côté, depuis un arrêt Malige du 23 septembre 1998, que la mesure de retrait de points est une bien une peine. « La Cour relève que le retrait de points peut entraîner à terme la perte de la validité du permis de conduire. Or il est incontestable que le droit de conduire un véhicule à moteur se révèle de grande utilité pour la vie courante et l’exercice d’une activité professionnelle. La Cour, avec la Commission, en déduit que si la mesure de retrait présente un caractère préventif, elle revêt également un caractère punitif et dissuasif et s’apparente donc à une peine accessoire. La volonté du législateur de dissocier la sanction de retrait de points des autres peines prononcées par le juge pénal ne saurait en changer la nature. »
A lire également un article co rédigé dans la revue spécialisé la Jurisprudence automobile dans le numéro d’octobre 2010:
La mesure de retrait de points échappe au mécanisme de prescription
La mesure de retrait de point du permis de conduire n’est donc pas concernée par les règles protectrices du droit pénal. Malgré les dossiers plus ou moins médiatisés qui ont parfois fait la une des quotidiens avec des situations ubuesques, rien n’a été envisagé pour faire évoluer les règles.
Le cabinet a pu par le passé accompagner de trop nombreux conducteurs à l’évidence pénalisés injustement par des retards de l’administration. Le problème n’est pas nouveau déjà en 2210, le cabinet assistait un chauffeur routier qui s’était vu notifier son invalidation de permis de conduire 12 ans après la survenance de la décision…
voir à ce sujet Le Figaro, 17 mars 2010 « Son retrait de permis lui est signifié au bout de douze ans », Angélique Négroni
Jean-Baptiste le Dall
Avocat à la Cour – Docteur en Droit
Droit automobile
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