Un automobiliste allemand a été condamné à une amende de 75 fois le montant habituel pour avoir levé son doigt à destination du radar… Que risque-t-on en France pour doigt d’honneur au radar automatique ? Jean-Baptiste le Dall, Avocat et praticien venant quotidiennement en aide aux conducteurs en froid avec les radars avait déjà eu l’occasion de répondre à cette question en 2020 à l’occasion de cet amusant fait divers allemand. Mais depuis les juridictions françaises ont eu, à nouveau, la possibilité de se pencher elles aussi sur ces outrages à radar automatique ! Le point de droit méritait donc une mise à jour avec un retour sur ces nouvelles confrontations de la justice française avec ces gestes discourtois envers le contrôle sanction automatisé.
En 2020, la presse allemande s’est faite l’écho de la lourde condamnation subie par un conducteur allemand contrôlé en excès de vitesse. Le cliché photographique pris au moment de l’infraction montre le conducteur avec le doigt levé dans un geste non équivoque.
Ce conducteur aurait donc été condamné à 75 fois le montant de l’amende initialement prévu, ce passage devant la justice s’accompagnant d’une suspension provisoire de son permis de conduire pendant un mois.
On rappellera aux conducteurs français et plus largement aux conducteurs francophones que la loi allemande s’applique sur le territoire allemand quelle que soit la nationalité du contrevenant. Le lecteur aura donc compris qu’il lui est déconseillé de reproduire le même geste outre-Rhin…
Quid en France en cas de doigt d’honneur devant le radar automatique ?
Si l’idée du doigt d’honneur en Allemagne peut en intéresser certains, d’autres se poseront immédiatement la question du risque encouru en France.
Le conducteur français étant par essence très respectueux des règles et surtout des radars automatiques, la jurisprudence française a déjà eu à connaître de cette question des plus sensibles.
Les réquisitions du procureur de Roanne à l’époque (en 2018) avaient été particulièrement lourdes puisque avaient été demandés entre deux et quatre mois d’emprisonnement pour outrage à une personne chargée d’une mission de service public.
Le parquet considérait effectivement que le doigt d’honneur ne s’adressait pas au radar automatique mais bien au personnel de chair et d’os décryptant les clichés derrière leurs ordinateurs
Le conducteur poursuivi niait les faits, en expliquant que le geste était en réalité adressé à sa passagère et non aux radars.
D’un point de vue plus juridique son conseil avait insisté sur le fait qu’aucun texte n’incriminait un « outrage à machine ».
Pas de texte d’incrimination pour l’outrage à radar
Le conducteur a finalement été relaxé du chef de prévention d’outrage, il n’est cependant pas reparti les mains vides du tribunal… mais avec les poches vides et un relevé de condamnation pénale. Un bout de ruban adhésif s’était malencontreusement collé à sa plaque le jour où ce conducteur avait été contrôlé en excès de vitesse et le doigt levé…
Un doigt d’honneur pour agiter le chiffon rouge ?
Si la jurisprudence semble moins sévère en France qu’en Allemagne, on pourra rappeler aux conducteurs en colère que la Loi du 18 novembre 2016 est venue discrètement modifier les dispositions de l’article R. 130-11 du Code de la route.
« Font foi jusqu’à preuve du contraire les constatations, effectuées par ou à partir des appareils de contrôle automatique ayant fait l’objet d’une homologation, relatives aux infractions sur :
1° Le port d’une ceinture de sécurité homologuée (…) :
2° L’usage du téléphone tenu en main (…) ;
3° L’usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules (…) ;
4° La circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence ;
5° Le respect des distances de sécurité entre les véhicules ;
6° Le franchissement et le chevauchement des lignes continues ;
6° bis Le sens de la circulation ;
7° Les signalisations imposant l’arrêt des véhicules ;
8° Les vitesses maximales autorisées ;
9° Le dépassement ;
10° L’engagement dans une intersection ou dans l’espace compris entre les deux lignes d’arrêt prévu à l’article R. 415-2 ;
11° L’obligation du port d’un casque ;
12° L’obligation, pour faire circuler un véhicule terrestre à moteur, d’être couvert par une assurance . »
Le législateur en 2016 a notamment remplacé l’expression « par des appareils de contrôle automatique » par celle plus dangereuse pour les contrevenants de « par ou à partir des appareils de contrôle automatique »…
Désormais, les agents ont donc la possibilité de constater à partir d’un cliché photographique toutes les infractions listées à l’article R. 130-11 du Code de la route autant dire qu’un agent motivé par un doigt d’honneur pourrait mettre en œuvre toute sa sagacité pour traquer la moindre infraction sur la photographie…
Un doigt d’honneur qui motive les enquêteurs
Outre le risque de verbalisations multiples, un geste discourtois à l’encontre du radar automatique risque de piquer au vif les enquêteurs qui pourront déployer de larges moyens pour retrouver le conducteur facétieux.
Si la jurisprudence française a déjà pu écarter l’outrage en pareille circonstance, la lecture de la jurisprudence en la matière montre qu’en règle générale les conducteurs ne se contentent pas de faire un doigt d’honneur en passant devant le radar automatique. Car s’ils circulaient devant cet appareil aux vitesses réglementaires, il n’y aurait, par définition, pas de prise de cliché et donc aucune raison d’être au geste obscène. Celui qui pointe bien haut son doigt, le fait donc généralement à une vitesse bien supérieure à celle autorisée.
216 km/h, pas de plaque, un doigt d’honneur, trois mois d’enquête et une condamnation
Au printemps 2021, le radar automatique de Bailleul sur l’A25 avait flashé à quatre reprises une moto à plus de 200 km/h. Les clichés fourmis par le CACIR de Rennes aux CRS de la compagnie de Godewaersvelde ne laissent guère de doute quant au caractère délibéré de ces dépassements de vitesse : le motard roule sans plaque et fait un doigt d’honneur en passant devant l’objectif.
Piqués au vif les enquêteurs vont identifier un motard en infraction sur le même engin sur l’autoroute A1, les exploits du contrevenant y ayant été immortalisés par un autre radar automatique à Seclin.
Les forces de l’ordre ont pu reconstituer le palmarès de ce motard malgré la présence de scotch sur sa plaque d’immatriculation. Le modèle de la moto n’est pas véritablement rare sur le territoire, mais son propriétaire pressé a fait installer dessus un pot d’échappement spécifique. Les enquêteurs qui n’ont pas lésiné sur les moyens ont pu déterminer que seule une vingtaine d’engins de modèle équipés de ce pot d’échappement circulait dans le Nord de la France. C’est donc une vingtaine de motards qui va recevoir la visite des CRS… L’un d’entre eux, un habitant de Tourcoing d’une vingtaine d’années, possède la même combinaison que celle portée par le pilote de la moto en excès de vitesse. Les enquêteurs ont mis les moyens dans cette affaire et peuvent dégainer les résultats du bornage téléphonique du portable du suspect. Hasard ou coïncidence, le téléphone de ce motard borne sur l’A1 et l’A25 au moment des excès de vitesse…
C’est au terme de cette enquête que ce motard a pu comparaître devant le Tribunal Judiciaire de Dunkerque en janvier 2022. Mise en délibéré au 6 mars 2022, la décision du tribunal correctionnel s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence déjà dégagée par les juridictions françaises : relaxe concernant le doigt d’honneur mais condamnation pour les multiples excès de vitesse.
Le doigt d’honneur au passage du radar automatique n’est donc toujours pas condamné en France, mais à l’évidence un tel geste motivera au plus haut point les forces de l’ordre qui pourront amener devant le tribunal un conducteur pour de multiples infractions avec bien souvent une perte de permis de conduire à la sortie du tribunal…
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