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Dégonflage de pneus : légalité, sanction, indemnisation, assurance

Dégonflage de pneus : légalité, sanction, indemnisation, assurance

Dégonflage de pneus, quelles sanctions pénales pour les auteurs ? Quid des possibilités d’indemnisation par les auteurs ou par une compagnie d’assurance ? Les pratiques de certains activistes militants écologistes qui ciblent prioritairement les pneumatiques des SUV ou des gros véhicules à Paris ou dans les rues de quelques grosses agglomérations interpellent et posent la question de la légalité de ces comportements et des conséquences en matière d’indemnisation, quelques éléments de réponse par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Président de la Commission Droit routier du Barreau de Paris

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Dégonfler un pneu un acte militant qui peut amener devant le tribunal !

Le dégonflage de pneus : sanctionné pénalement ?

Il est, en effet, possible d’imaginer des poursuites et des sanctions à l’encontre de ces « dégonfleurs ».

La première infraction qui vient à l’esprit du juriste est bien évidemment celle de la mise en danger de la vie d’autrui.

Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Article 223-1 du Code pénal

A l’évidence, le conducteur qui prendrait le volant alors que l’un de ses pneumatiques (ou plusieurs) est à plat à la suite d’une opération de dégonflage prend un risque de perte de contrôle au premier virage venu ou au moindre freinage brusque.

Les militants à l’origine de ces dégonflages pensent avoir totalement anticipé ce risque en expliquant coller sur le vitrage un prospectus alertant le propriétaire du SUV vandalisé du dégonflage de l’un de ses pneumatiques…

Dans l’hypothèse d’un accident, l’auteur des faits devra néanmoins s’attendre s’il est identifié à l’engagement de poursuites pénales… On ne parlera alors plus de mise en danger de la vie d’autrui mais bien de blessures involontaires si l’accident vient à faire une victime.

Dans la pratique, ces opérations interviennent en ville, et même en présence d’un autocollant de mise en garde qui aurait été enlevé par un tiers ou effacé par la pluie, le conducteur devrait, en théorie, s’apercevoir assez vite du problème affectant ses pneumatiques et immobilisera son véhicule rapidement prévenant tout risque d’accident.

Dans les faits, les militants qui seraient identifiés à la suite de l’une de ces opérations de dégonflage devraient plutôt être confrontés à un risque de condamnation pour dégradation volontaire du bien d’autrui

La destruction, la dégradation ou la détérioration volontaires d’un bien appartenant à autrui dont il n’est résulté qu’un dommage léger est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.

Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;

2° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

3° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

4° Le retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;

6° Le travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures…

Article R635-1 du Code pénal

Le recours à ces dispositions à l’encontre d’un « dégonfleur » ne relèvera pas de la théorie, et l’on peut même retrouver de la jurisprudence sur cette question et même de la jurisprudence émanant de la Cour de cassation.

On pourra, à ce titre, se reporter à un arrêt du 12 février 1974. Dans cette espèce portée devant la Cour de cassation, une vandale un peu âgée et surtout mal intentionnée avait eu la bonne idée de dégonfler les pneumatiques du véhicule d’un voisin avec lequel elle n’entretenait pas les meilleures relations.

Condamnée par la Cour d’appel de Colmar en 1973, cette voisine mal intentionnée avait porté cette affaire devant la Cour de cassation en invoquant « un défaut de motifs, et un manque de base légale, « en ce que l’arrêt attaque a condamné pour atteinte à la propriété mobilière d’autrui, un prévenu qui avait dégonfle les pneus de la voiture automobile d’un tiers, alors que le simple dégonflage de pneus ne crée aucun dommage et qu’un des éléments constitutifs de la contravention fait donc défaut » ».

Mais si la Cour de cassation a trouvé à redire à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar, ce n’est qu’en raison de l’âge de la condamnée qui interdisait le prononcé de certaines peines. Pour le reste, et notamment la culpabilité, la Cour de cassation s’était rangée derrière les juges d’appel : « la Cour d’appel a déduit de divers éléments de preuve, et notamment de témoignages que son arrêt relate, la conviction qu’il s’en était bien rendu coupable ».

Cour de Cassation du 12 février 1974, n° de Pourvoi : 73-91648

Le risque de sanction n’est donc pas théorique contrairement à ce que certains militants expliquent. En tout cas du point de vue juridique, car sur le terrain la difficulté résidera dans l’identification des auteurs des faits (sauf bien sûr à ce qu’ils revendiquent leurs actes, visages face caméra…)

En l’absence de revendications, les auteurs de dégonflages ne sont pas néanmoins totalement à l’abri. C’est ce que montrent les nombreuses affaires (certes un peu différentes) de crevaisons de pneumatiques.

La presse se fait régulièrement l’écho de « serials creveurs » de pneus à l’encontre desquels les forces de l’ordre savent déployer les grands moyens.

Des serials creveurs de pneus qui peuvent être identifiés et condamnés.

A l’évidence avec des pneumatiques crevés et non simplement dégonflés, le préjudice explose tout du moins lorsque l’on sort la calculette.

On pourra, par exemple, évoquer le « serial poinçonneur » de Bordeaux : « Près de 1180 victimes ont été recensées depuis 2014 dans la métropole de Bordeaux, un préjudice initialement chiffré à 348.000 euros. » L’homme interpellé en 2017 a été condamné en 2018  à « une peine de 18 mois de prison dont 12 ferme, et six mois de sursis assortis d’une mise à l’épreuve de trois ans avec obligation de soins ».

En février 2020, le tribunal correctionnel de Cambrai, a condamné deux frères qui avaient été identifiés sur une vidéo en train de s’attaquer aux pneumatiques du véhicule du beau-frère de l’un deux. Pour l’un des frères, l’aventure s’est soldée par une peine de 3 mois de prison et une amende délictuelle… La chose sera évoquée ultérieurement mais la victime a également été indemnisée par les auteurs de la dégradation.

Même si la vidéo demeure largement à l’origine des condamnations dont la presse se fait régulièrement l’écho, certaines enquêtes exploitent d’autres pistes lorsque les vidéos ne permettent pas l’identification d’un auteur. On pense notamment aux empreintes digitales, ce fut le cas, par exemple, dans une affaire jugée en 2022 à Morlaix.

Quid d’une indemnisation des victimes en cas de vandalisme sur les pneumatiques ?

Celui qui dégrade le bien d’autrui lui cause un préjudice dont le propriétaire peut parfaitement réclamer réparation. Dans le cas de l’endommagement d’un pneumatique, l’indemnisation se traduira par le versement d’une somme plus ou moins importante à la victime. Celle-ci peut « profiter » d’une procédure pénale pour demander l’indemnisation de son préjudice. Ce fut, par exemple, le cas lors de l’affaire précédemment évoquée jugée par le tribunal correctionnel de Cambrai : outre la sanction pénale, les auteurs des faits avaient été condamnés solidairement à verser 1 580,70 € à la victime propriétaire du véhicule endommagé.

La demande d’indemnisation peut également se faire devant les juridictions civiles en invoquant les dispositions de l’article 1240 du Code civil : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Et avant d’en arriver au tribunal, les choses pourront parfois se régler directement, on pense notamment aux dégradations causées par des mineurs…

Et l’assurance ??? Une compagnie d’assurance va-t-elle prendre en charge le préjudice ?  

Une dégradation d’un ou deux pneumatiques n’est pas qu’un acte « militant », le droit perçoit aussi ces comportements comme du vandalisme qui pourra éventuellement entraîner une prise en charge par la compagnie d’assurance. C’est ce qu’expliquent, ainsi, différentes compagnies sur leurs sites internet.

Mais attention, cette prise en charge ne pourra se concevoir qu’en cas de souscription d’un contrat offrant ce type de garantie. Un conducteur assuré au tiers dont les pneus auraient été crevés sans que l’auteur ne soit identifié ne pourra rien espérer du côté de sa compagnie.

Pas toujours de miracle malgré l’intervention de la compagnie d’assurance

Même dans l’hypothèse d’une prise en charge du sinistre par la compagnie d’assurance de la victime propriétaire du véhicule dégradé, l’indemnisation ne couvrira souvent pas l’intégralité du coût de remplacement des pneumatiques. Deux raisons à cela : le coefficient de vétusté et la franchise.

C’est notamment, ce que montrent deux arrêts (parmi de nombreux autres) de la Cour d’appel de Douai et de la Cour d’appel de Montpellier :

« Si l’expert BCA, dans son rapport du 26 juillet 2018, retient comme dommage réparable suite au sinistre du 15 juillet 2018 le changement de deux pneus pour un montant de 264 euros, aucune somme ne reste pour autant contractuellement due par l’assureur après déduction de l’usure pour 72 euros et de la franchise pour 350 euros. »

Cour d’appel de Douai, 3ème ch., 20 mai 2021, n° 20/01725

Dans le même sens :

« Sur la question des pneumatiques, il ressort du rapport d’expertise amiable qui n’est pas sérieusement critiqué par l’appelant que les pneumatiques du véhicule étaient usés de 40 à 50 % et que c’est donc légitimement qu’un coefficient de vétusté a été appliqué. Enfin concernant la franchise c’est à juste titre que la CIVI a relevé s’agissant en particulier d’une franchise d’un montant modéré, que son application résulte d’une convention entre l’assuré et son assureur qui correspond à la part de risque que le premier accepte de supporter en réglant la prime d’assurance correspondante, et qu’il n’incombe pas à la solidarité nationale de la prendre en charge. »

Cour d’appel de Montpellier, 1ère ch, 25 avril 2017, n° 15/00432

Crevaison et dégonflement : pas les mêmes conséquences pour le pneumatique

Comme le rappelle de nombreux professionnels, si le véhicule ne roule pas le dégonflage ne laissera normalement pas de traces. Pas de préjudice donc du côté du pneumatique, si le pneu est rapidement regonflé sur place, cela n’écarte néanmoins pas totalement le risque de survenance d’un préjudice, on pense, par exemple, à celui qui aurait raté son vol après avoir retrouvé son véhicule les pneus à plat…

Quelques conseils pour reprendre la route en toute sérénité après un dégonflage

Dominique Stempfel, Président du Syndicat des Professionnels du Pneu livre quelques conseils des plus utiles : « surtout ne pas déplacer ni manœuvrer le véhicule. Faire rouler un véhicule lourd sur des pneus totalement dégonflés peut entraîner des dommages irréversibles. Un déplacement ou une manœuvre peut pincer le pneu entre le sol et la jante avec pour conséquence une rupture de câbles de la carcasse ou une lésion du revêtement intérieur du pneu qui assure la préservation de la pression. Ces dommages peuvent se traduire ultérieurement par un éclatement avec des conséquences potentiellement graves. »

Autre recommandation : « faire regonfler les pneus sur place par un professionnel ou un dépanneur qui dispose d’un compresseur ou d’une bonbonne d’air. A défaut, si le véhicule en dispose, ce qui est le cas des SUV modernes en substitution de la roue de secours, utiliser le gonfleur embarqué, ou éventuellement celui d’un autre véhicule. Le regonflage peut prendre du temps mais ça fonctionne très bien. Il est néanmoins prudent de laisser refroidir l’appareil pour éviter de le griller.»

Dominique Stempfel précise que « si le véhicule a roulé avec une pression basse, il est impératif de faire examiner les pneus par un professionnel qui vérifiera après démontage qu’ils n’ont pas subi de dommages internes ».

D’un point de vue plus juridique, le regonflage rapide du pneumatique permettra aussi au propriétaire du véhicule de s’assurer que ses pneus ont seulement été dégonflés et non également crevés…

En toute hypothèse, en cas de doute, n’hésitez pas à vous rapprocher d’un professionnel en gardant à l’esprit que le pneumatique est le seul élément qui relie votre véhicule à la route…

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