En cas de verbalisation pour franchissement d’une ligne blanche ou de ligne continue, les agents doivent rédiger le PV avec précision. La Cour de cassation a, en effet, rappelé dans un arrêt du 13 septembre 2022 qu’à défaut de précision, le conducteur verbalisé pourra être relaxé… Toutes les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Responsable du Cycle de Formation en droit automobile et droit des mobilités de l’Ecole de Formation du Barreau.
Que prévoit le code de la route en cas de franchissement d’une ligne continue ?
Les dispositions de l’article R412-19 du Code de la route précisent notamment que : « lorsque des lignes longitudinales continues axiales ou séparatives de voies de circulation sont apposées sur la chaussée, elles interdisent aux conducteurs leur franchissement ou leur chevauchement.
Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
Tout conducteur coupable de l’une des infractions prévues au présent article encourt également la peine complémentaire de suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.
Le franchissement d’une ligne continue axiale ou séparative de voies de circulation donne lieu de plein droit à la réduction de trois points du permis de conduire.
Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du présent article, le chevauchement d’une ligne continue axiale ou séparative de voies de circulation donne lieu de plein droit à la réduction d’un point du permis de conduire. »
Un arrêt qui pointe du doigt les imprécisions du PV
Dans son arrêt du 13 septembre 2022 (n°21-86.424) la Cour de cassation a eu à connaître d’une verbalisation pour des faits de franchissement de ligne continue qui auraient été commis dans une rue sur laquelle est bien présente une ligne continue mais également des espaces avec des pointillés en d’autres termes une ligne discontinue.
Le procès-verbal de constatation de l’infraction ne comporte aucune précision concernant le numéro de la rue. Il est simplement indiqué que l’infraction aurait été commise dans cette rue mais le procès-verbal ne comporte aucune précision quant au lieu réel de commission de l’infraction.
Cette imprécision pose évidemment problème puisque cette rue comporte à la fois des lignes continues et discontinues.
C’est l’argumentation qui a été logiquement soutenue devant le tribunal de police et la Cour d’appel de Douai qui n’y a pas fait droit.
Les juges d’appel avaient notamment justifié le rejet de l’argumentation du conducteur par une simple consultation qu’ils avaient pu faire sur Google Maps.
Outre le fait évident que cette consultation sur Google Maps n’a pas pu être discutée de façon contradictoire à la barre, la Cour d’appel a elle-même constaté sur ce site Internet que l’axe comportait de « grandes parties de zébras et de lignes continues, entrecoupées de brèves parties où les lignes sont discontinues, »
Pour la Cour de cassation : « la Cour d’appel, qui a constaté par des vérifications de surcroît dépourvues de tout caractère contradictoire, que la ligne n’était pas continue sur toute la longueur de la voie, de sorte qu’en ne mentionnant comme lieu des faits que le nom de cette voie, sans préciser le lieu exact de ses constatations, le procès-verbal ne pouvait faire foi jusqu’à preuve contraire, n’a pas justifié sa décision. »
Une jurisprudence déjà applicable en matière de non-respect des distances de sécurité ou encore de dépassement par la droite
La position de la cour de cassation n’est pas nouvelle et j’avais notamment commenté sur le site d’actualité du Cabinet (Non-respect des distances de sécurité : toujours la même faille !) un récent arrêt de la cour de cassation concernant une verbalisation pour non-respect des distances de sécurité (Cass. Crim., 28 juin 2022, n°21-84.895).
Avec cet arrêt du 28 juin 2022, la Chambre criminelle confirme une jurisprudence déjà ancienne en matière de distance de sécurité. Dans un arrêt du 16 septembre 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait déjà, en effet, sanctionné l’absence dans le dossier pénal de constatations au sens de l’article 537 du Code de procédure pénale, en d’autres termes, l’absence de précisions.
« Le procès-verbal de contravention, qui se bornait à mentionner la qualification de l’infraction, sans préciser les circonstances concrètes dans lesquelles celle-ci avait été relevée, ne comportait pas de constatations au sens de l’article 537 du code de procédure pénale. »
Cass. Crim., 16 septembre 2014, n°13-84613
La jurisprudence a été depuis étendu à d’autres infractions (voir par exemple : Crim, 10 juin 2015, n°14-86587 : pour un dépassement par la droite ou encore Crim.,19 avril 2017, n°16-86.156 : en présence d’un changement de direction effectué sans avertissement préalable, d’une conduite de véhicule sans respect des distances de sécurité, et d’un dépassement par la droite, cette jurisprudence s’applique également en matière de stationnement dangereux, de vitesse excessive eu égard aux circonstances…)
Avec cet arrêt du 13 septembre 2022 la liste des infractions concernées par cette jurisprudence s’allonge encore…
Attention l’avis de contravention n’est pas le PV !
Comme je l’expliquais déjà dans le commentaire de l’arrêt du 28 juin 2022 en matière de distance de sécurité l’avis de contravention n’est pas le PV, attention donc à ne pas crier victoire trop vite…
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