Jean-Baptiste le Dall revient sur cet arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui vient rappeler que le délit de stupéfiants au volant prévu par le Code de la route n’implique pas que le conducteur ait été au moment du contrôle routier sous l’influence de produits stupéfiants comme du cannabis par exemple mais simplement que des traces de consommation aient pu être relevées par un laboratoire. Ce commentaire avait été initialement été publié Lamy Axe Droit (Septembre 2011).
Conduite sous l’influence de stupéfiants : la Cour de cassation ne se laisse pas influencer
La chambre criminelle de la Cour de cassation vient de revenir sur une question qu’elle avait déjà tranché en 2008 en matière de stupéfiants au volant preuve, s’il en était besoin, que certaines juridictions du fond résistent…
Le problème porté à la connaissance de la Chambre criminelle portait plus particulièrement sur le cannabis, qui a pour spécificité de laisser une trace dans l’organisme du consommateur.
Il est en effet biologiquement possible de détecter la présence de cannabis longtemps après son absorption. Un automobiliste contrôlé peut, ainsi, ne plus être sous l’influence du produit mais toujours en avoir des traces dans son organisme.
En pratique, la présence de cannabis dans l’organisme est mise en avant par trois marqueurs : THC et 11-OH-THC (principes actifs) et le THC COOCH.
Comme cela est expliqué par les rapports toxicologiques « la présence de THC COOCH témoigne d’une consommation de cannabis. L’absence de THC et 11-OH-THC (principes actifs) indique que cette consommation a eu lieu de nombreuses heures avant le prélèvement et que le sujet n’était pas sous influence de cannabis au moment du prélèvement ».
Seulement voilà, la Cour de cassation ne se préoccupe pas de l’influence que peut avoir le produit.
C’est d’ailleurs, là que réside la grande différence entre stupéfiants et alcool pour lequel des taux existent : on peut avoir consommé de l’alcool et conduire en toute légalité, le taux peut être contraventionnel et dans le pire des cas délictuel.
La Cour de cassation l’avait déjà expliqué dans son arrêt du 12 mars 2008 : « l’article L. 235-1 du code de la route incrimine le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants dès lors que cet usage résulte d’une analyse sanguine ».
En d’autres termes, si Toxlab ou un autre laboratoire pouvait déceler une consommation de produits stupéfiants remontant à plusieurs mois, un automobiliste pourrait être condamné pour conduite après usage de cannabis Stupéfiant, non ?
L’élimination du produit dépendant des propriétés de celui-ci et du métabolisme du consommateur, et ne disposant d’aucune compétence en matière de toxicologie, nous ne nous attarderons pas sur les délais après lesquels un automobiliste consommateur de cannabis pourra reprendre le volant en toute légalité.
Cette position extrêmement stricte de la Cour de cassation pourra être difficilement perçue par certains et pas seulement par les consommateurs.
Certains magistrats ont, en effet, décidé de passer outre la position de la chambre criminelle et de relaxer en présence de simples traces.
Nous ne pourrons que saluer cette résistance des juridictions du fond dont nous tairons bien entendu le nom…
Il est néanmoins possible de trouver trace de ces juridictions courageuses lorsque leurs décisions se font censurer…
C’est justement le cas de la Cour d’appel d’Angers qui, le 22 février 2011, avait relaxé un automobiliste poursuivi pour stupéfiants au volant « au motif que l’usage de cannabis peut être caractérisé par la mise en évidence et le dosage dans le sang de différents cannabinoïdes : THC et THC-C000H ; que le THC (tétrahydrocannabinol) est le principe psychoactif du cannabis ; que le THC-COOH (acide tétrahydrocannabinol-carboxylique) est un métabolite inactif ; que le THC et ses métabolites apparaissent dans le sang dans les minutes qui suivent la consommation ; que l’interprétation des concentrations sanguines de ces cannabinoïdes a fait l’objet d’un consensus national de la société française de toxicologie analytique, au cas de présence simultanée de THC et de THC-C000H (et éventuellement de 11-OH-THC) : si les concentrations sont supérieures aux limites de détections (THC > 0, 5 ng/ml ; THC-C000H > 1, 0 ng/ml), ceci indique que le sujet a fait usage de cannabis très récemment (moins de 6 heures auparavant) et qu’il était sous l’influence de ce stupéfiant au moment du prélèvement ou du décès ; qu’en effet, la présence de THC dans le sang implique obligatoirement la présence de THC dans le cerveau , qui est le lieu d’action des cannabinoïdes psychoactifs ; qu’en outre, la seule présence de THC-000H dans le sang du prévenu, si ce taux est inférieur à 20 ng/ml de sang, indique seulement que l’intéressé a fait usage de cannabis plus de six heures avant le contrôle et qu’il n’est, en tout état de cause, pas possible de préciser le moment de l’utilisation d’un cannabinoïde ou la quantité absorbée ; que cette constatation infère que le prévenu n’était pas sous l’influence du cannabis au moment du contrôle effectué par les gendarmes ; qu’or force est de constater qu’en l’espèce il n’a pas été constaté de présence simultanée de THC et de THC-C000H (et éventuellement de 11-OH-THC) dans les analyses sanguines de M. X… »
La précision dans le vocabulaire toxicologique n’aura cependant pas suffi à faire revenir la Cour de cassation sur sa position, pas plus d’ailleurs que le « consensus national de la société française de toxicologie analytique » pourtant relevé par la chambre criminelle.
L’arrêt du 8 juin 2011 (n° de pourvoi 11-81218) ne laisse aucun doute quant à la volonté de la Cour de maintenir le cap :
« Attendu que l’article L. 235-1 du code de la route incrimine le seul fait de conduire un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants dès lors que cet usage résulte d’une analyse sanguine ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef de conduite d’un véhicule par conducteur ayant fait usage de stupéfiants, l’arrêt retient qu’il résulte d’un consensus national de la société française de toxicologie analytique que la seule présence d’acide tétrahydrocannabinol-carboxylique ( THC-COOH ) dans le sang à un taux inférieur à 20 ng/ml de sang, comme en l’espèce, révèle que l’intéressé a fait usage de cannabis plus de six heures avant le contrôle, ce dont il se déduit qu’il n’était pas sous l’influence du cannabis lors dudit contrôle ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe ci-dessus énoncé»
Cass. Crim., 8 juin 2011, n°11-81.218
La lecture de cet arrêt écartera, ainsi, tout espoir de revirement mais nous apporte la preuve que certaines juridictions du fond n’ont pas toutes la même analyse que la Cour de cassation. Une relaxe en première instance n’est pas impossible en présence de simples traces de cannabis. Il ne restera plus qu’à espérer que le parquet fasse preuve de souplesse. A tout le moins, la mise en avant de l’absence d’influence du produit stupéfiant pourra permettre une diminution de la peine, voire plus….
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