Des casses moteur, cela arrive malheureusement encore aujourd’hui, certains moteurs extrêmement performants s’avérant peut-être moins endurants que de vieux blocs certes poussifs mais costauds. Pour le consommateur, l’avarie moteur peut se signaler à tout moment, quid lorsque cela arrive en plein milieu de l’autoroute ? Les conseils de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat en droit automobile, Docteur en droit, Responsable du Cycle de formation Droit automobile et droit des mobilités de l’EFB.
La casse moteur : un vice caché
La garantie légale des vices cachés qui s’applique (sauf à de rares exceptions) à toute vente de véhicules a bien évidemment vocation à prémunir l’acheteur d’un véhicule qui s’agisse d’un bien neuf ou d’occasion d’une casse moteur.
La garantie légale de vice caché telle qu’elle est prévue par les dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil permettra à l’acheteur d’obtenir réparation de l’avarie ou résolution de la vente à partir du moment où les défauts rendent le véhicule impropre à son usage.
À l’évidence la défaillance du bloc moteur rentre dans le champ d’application de cette garantie, le véhicule étant alors cloué au sol…
Des précautions à prendre pour pouvoir bénéficier de la garantie légale des vices cachés
Si bien évidemment le vendeur (et surtout le vendeur professionnel) est tenu par cette garantie légale du vice caché lorsque survient une avarie grave déjà en germe avant la vente, de mauvais réflexes de la part de l’acheteur peuvent le priver du bénéfice de ce recours.
Avarie moteur : on ne répare pas comme ça
Lorsque l’on parle de garantie légale des vices cachés on oublie parfois qu’il ne s’agit pas d’une garantie commerciale et donc que sa mise en œuvre nécessitera parfois de passer par le tribunal (saut accord amiable). La mise en œuvre de la garantie légale des vices cachés implique donc quelques précautions et notamment de préserver le principe du contradictoire. En d’autres termes il ne faut pas que le vendeur du véhicule puisse remettre en cause la présence sur le véhicule au moment de la vente de telle ou telle pièce ayant subi une panne mécanique.
Il est donc déconseillé d’entamer des opérations de démontage et de désassemblage du moteur si l’on souhaite préserver ses chances d’obtenir gain de cause devant un tribunal.
Vices cachés et cassse moteur : attention à ne pas aggraver les choses !
Les avaries et défaillances qui peuvent entraîner une casse du bloc moteur sont nombreuses et diverses. Certaines vont irrémédiablement entraîner des conséquences désastreuses pour le moteur alors que d’autres peuvent n’entraîner qu’une courte immobilisation le temps du remplacement d’une pièce mécanique ou deux…
Il est bien évidemment compliqué lorsque l’on est derrière son volant de savoir ce qu’il en est vraiment lorsqu’un voyant commence à clignoter sur le tableau de bord…
En cas d’avarie, la poursuite de la conduite pourrait entraîner une aggravation des dommages qui pourrait être reprochée à l’automobiliste et qui pourrait sérieusement réduire ses chances de voir aboutir une procédure de résolution de la vente engagée sur le fondement de garantie légale des vices cachés.
Attention aux voyants sur le tableau de bord
La Cour d’appel de Montpellier a pu, dans un arrêt récent de mai 2022, tenir compte du fait que la conductrice avait choisi d’ignorer un voyant l’informant de la nécessité de passer par l’atelier pour une regénération forcée du FAP.
« Dans le corps de son rapport, l’expert judiciaire explique par ailleurs que le filtre à particules doit faire l’objet de régénération en principe tous les 300 à 800 km afin d’éliminer les particules présentes par un phénomène d’oxydation. Le rapport explique également que lorsque le filtre à particules est trop colmaté, un voyant s’allume et le moteur passe en ‘mode dégradé’ : il s’agit d’une sécurité active de la motorisation qui permet de circuler avec le véhicule à faible vitesse pour rejoindre un réparateur en limitant les consommations électriques et la vitesse ainsi les désordres. La solution passe alors par une régénération forcée en atelier voire par le remplacement du filtre à particules. Par ailleurs le carnet d’entretien préconise une vidange tous les 15.000 km au lieu des 20’000 km pour les autres modèles diesel.
En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la cour, il n’est pas possible d’affirmer l’existence d’un vice caché préalable à la vente et rendant le véhicule impropre à sa destination au niveau du système d’injection, alors qu’il est établi que Madame [D] n’a pas respecté les préconisations du carnet d’entretien pour procéder à une régénération forcée du filtre à particules lorsque les voyants l’avaient invitée à le faire, ce qui lui aurait permis d’éviter les désagréments dont elle fait état. »
Cour d’appel de Montpellier, 4e chambre civile, 18 mai 2022, n° 19/02616
Mais dans le cas de cette automobiliste, la poursuite de la conduite et l’utilisation du véhicule en mode dégradée se sont faits sur une longue durée et non quelques centaines de mètres ou même quelques kilomètres après l’apparition d’un voyant sur le tableau de bord.
On soulignera également dans cette affaire qu’il a pu être prouvé que c’est bien la poursuite de la conduite qui a gravement endommagé le véhicule.
On pourra à l’inverse se reporter à un arrêt rendu par la Cour d’appel de Toulouse à propos d’une Porsche 911 4S Targa :
« L’expert n’évoque à aucun moment une quelconque faute du propriétaire et précise que la fuite n’était pas décelable du fait du stationnement du véhicule sur une zone herbeuse. Il est ainsi vainement soutenu par l’EURL Casteran que les époux Z ont concouru à l’aggravation du dommage, dès lors que l’origine de la panne du 6 avril 2016 n’a pu être déterminée et qu’il n’est pas prouvé que M. Z a poursuivi sa route pendant au moins 15 km après l’allumage du voyant de surchauffe (rapport p. 19 et 24), l’expert précisant que dans cette hypothèse le circuit d’eau se serait entièrement vidé, ce qui n’est pas le cas. »
Cour d’appel de Toulouse, 3ème chambre, 25 février 2021, n° 20/00449
Quelques années auparavant, le TGI de Paris avait déjà adopté une position similaire :
« Le fait que Madame Y ait roulé pendant six kilomètres avec le voyant rouge allumé est sans incidence sur l’existence de ce vice dès lors que Monsieur A a précisé « qu’au regard des constations réalisées sur ce moteur lors des expertises contradictoires, la quantité d’huile type goudron, transformée en pâte, retrouvée sur la culasse autour des puits d’injecteur, et le carter monteur démontre que ce moteur était hors d’usage avant les 6 kms parcourus ».
Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 1re section, 22 mars 2016, n° 14/08627
Dans ces deux affaires (et dans bien d’autres), la poursuite momentanée de la conduite n’a pas été retenue à l’encontre de l’acheteur qui a pu faire valoir ses droits et obtenir réparation.
La juridiction devant laquelle sera portée une action fondée sur la garantie légale des vices cachés tiendra bien évidement compte des conditions de survenance de l’avarie et de l’apparition d’un voyant.
C’est notamment ce qui a été débattu devant la Cour d’appel de Caen à propos d’un Land Rover Discovery en motorisation diesel pour lequel « l’origine de la panne provenait d’une défaillance d’un injecteur N°2 qui a généré une fusion, puis provoqué un trou dans la tête du piston concerné » :
« Les intimées soutiennent que l’utilisation en pleine charge du véhicule qui ne s’est pas immédiatement arrêté alors que le voyant était au rouge et qui a roulé quelques kilomètres à la demande du dépanneur pour se rendre jusqu’à son garage, serait à l’origine de l’impropriété à destination.
Sur ce point, il sera relevé que si l’expert indique qu’une utilisation en pleine charge ne tolère aucune anomalie au niveau de l’injection sous peine de voir ce type de détérioration interne, il indique toutefois en réponse à un dire, d’une part qu’il ne peut être reproché à Monsieur [K] qui se trouvait alors sur l’autoroute, d’avoir attendu de trouver un endroit approprié pour s’arrêter, et d’autre part, que le fait que le dépanneur n’ait pas respecté le remorquage habituel consistant à mettre le véhicule auquel était attelé une remorque, sur plateau, n’a pas aggravé le dommage constaté alors que l’emballement du moteur constaté par Monsieur [K] était la conséquence de la perforation du piston N°2 ce qui indique que le moteur était déjà endommagé avant l’arrivée du remorqueur. »
Cour d’appel de Caen, 1re chambre civile, 31 mai 2022, n° 20/02969
Pas de panique donc en cas de grosse panne au milieu de nulle part ou au beau milieu de l’autoroute les juges savent faire preuve de discernement mais en présence de symptômes intermittents ou de voyants apparaissant furtivement sur le tableau de bord on veillera à prendre rapidement le taureau par les cornes sous peine de se voir reproché une coupable aggravation des dégâts…
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