Un conducteur peut voir son permis de conduire suspendu par le préfet dans les jours qui suivent la commission de l’infraction ou quelques mois plus tard par un juge au moment de l’audience au tribunal. La reprise du volant ou du guidon malgré une suspension préfectorale ou judiciaire est un délit avec des conséquences parfois très sévères pour le conducteur. Les explications et les mise en garde de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Responsable du Cycle de formations en Droit automobile et droit des mobilités de l’Ecole de Formation du Barreau.
La conduite malgré suspension de permis de conduire : parfois plus grave que l’infraction de départ
La suspension du permis de conduire n’est pas forcément prononcée à la suite d’un délit de, un conducteur peut voir son permis suspendu à la suite de simple contravention.
On pense bien sûr à un excès de vitesse. A partir de 40 km/h au-delà de la vitesse autorisée, un conducteur peut se voir retirer son permis de conduire sur le bord de la route. On pense également à la possibilité d’une suspension en cas d’usage du téléphone portable en main par un conducteur à qui il pourrait être reproché une autre infraction. Dans ces hypothèses il est parfaitement possible à un préfet de prononcer une mesure de suspension provisoire du permis de conduire.
Celui qui déciderait de reprendre le volant malgré cette mesure commet un délit. C’est ce que précisent les dispositions de l’article L224-16 du Code de la route.
Quelles peines en cas de condamnation pour conduite malgré suspension du permis de conduire ?
Les dispositions de l’article L224-16 du Code de la route prévoient que :
I.-Le fait pour toute personne, malgré la notification qui lui aura été faite d’une décision prononçant à son encontre la suspension, la rétention, l’annulation ou l’interdiction d’obtenir la délivrance du permis de conduire, de conduire un véhicule à moteur pour la conduite duquel une telle pièce est nécessaire est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.
II.-Toute personne coupable du délit prévu au présent article encourt également les peines complémentaires suivantes :
1° La confiscation obligatoire du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire. La juridiction peut toutefois ne pas prononcer cette peine, par une décision spécialement motivée. La confiscation n’est pas obligatoire lorsque le délit a été commis à la suite d’une des mesures administratives prévues aux articles L. 224-1, L. 224-2 et L. 224-7.
2° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
3° La peine de travail d’intérêt général selon des modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs ;
4° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;
5° L’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;
6° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
III.-Toute personne coupable du délit prévu au présent article, dans les cas où il a été commis à la suite d’une décision de suspension ou de rétention du permis de conduire, encourt également la peine complémentaire d’annulation de ce permis, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus.
IV.-L’immobilisation peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3. V.-Le délit prévu au présent article, dans le cas où il a été commis à la suite d’une décision de suspension ou de rétention du permis de conduire, donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire
Article L224-16 du Code de la route
Bien sûr les peines prévues par les dispositions de l’article L224-16 du Code de la route sont des peines maximales. Le juge lorsqu’il entrera en voie de condamnation ne s’orientera pas forcément vers de telles extrémités mais il peut parfaitement en théorie prononcer une condamnation allant jusqu’aux plafonds d’amende prévus ou aux durées maximales en matière de suspension de permis.
On soulignera que désormais le Code de la route prévoit la confiscation obligatoire du véhicule utilisé lors des faits de conduite malgré suspension du permis de conduire. Comme toujours en matière de confiscation, les textes prévoient pour les juges la possibilité de l’écarter en motivant spécialement leurs décisions
Outre les peines prononcées par la juridiction, on soulignera que la condamnation pour conduite malgré suspension aura également pour conséquence une inscription au casier judiciaire tout du moins une mention au bulletins numéro un et numéro deux de ce casier judiciaire.
En termes de fixation du quantum lorsque l’on parle de peine de suspension de permis de conduire dans le cadre de poursuites pour conduite malgré la suspension du permis de conduire, il sera rappelé que certains magistrats auront tendance à considérer que le conducteur aura poursuivi la conduite faisant fi de la mesure de suspension. Le risque est évident de devoir affronter un juge qui considèrera que le conducteur a conduit tous les jours pendant la mesure de suspension et non pas uniquement de façon exceptionnelle jour du contrôle routier… Les juridictions ont donc tendance à alourdir la note en prononçant une durée de suspension plus longue que celle qui n’a pas été respectée par le conducteur.
Conduite malgré suspension : le piège du retrait de points de permis de conduire.
La plupart du temps le conducteur poursuivi pour conduite malgré suspension de son permis de conduire sera déjà confronté à la perspective plus que probable d’une décision de retrait de six points de son permis de conduire. En cas de condamnation pour conduite malgré suspension de ce permis, c’est une nouvelle décision de retrait de six points du permis de conduire qui se profile. Entre l’infraction de départ ayant entraîné suspension du permis et la nouvelle infraction de conduite sans permis c’est donc potentiellement l’ensemble des points affectés au permis de conduire de l’intéressé qui risque de disparaître.
La gestion du capital de points de permis de conduire devra, dès lors, être soigneusement étudiée avec votre avocat.
Pas de permis de conduire, pas d’assurance
Outre les peines, outre la mesure de retrait de points de permis de conduire la conséquence la plus grave pourra être d’ordre assuranciel.
En matière d’assurance, l’équation est très simple : pas de permis de conduire = pas d’assurance.
C’est ce que rappelle le Code des assurances :
Le contrat d’assurance peut, sans qu’il soit contrevenu aux dispositions de l’article L. 211-1 comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie dans les cas suivants :
1° Lorsque au moment du sinistre, le conducteur n’a pas l’âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, sauf en cas de vol, de violence ou d’utilisation du véhicule à l’insu de l’assuré ;
2° En ce qui concerne les dommages subis par les personnes transportées, lorsque le transport n’est pas effectué dans les conditions suffisantes de sécurité fixées par un arrêté conjoint du ministre de l’économie et des finances, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre de la défense et du ministre chargé des transports.
L’exclusion prévue au 1° de l’alinéa précédent ne peut être opposée au conducteur détenteur d’un certificat déclaré à l’assureur lors de la souscription ou du renouvellement du contrat, lorsque ce certificat est sans validité pour des raisons tenant au lieu ou à la durée de résidence de son titulaire ou lorsque les conditions restrictives d’utilisation, autres que celles relatives aux catégories de véhicules, portées sur celui-ci n’ont pas été respectées.
Article R211-10 du Code des Assurances
L’enjeu pour le conducteur ne sera donc pas forcément uniquement d’ordre pénal. Une relaxe pourra permettre au conducteur de prétendre à la garantie de son assureur.
On soulignera toutefois qu’une relaxe ne gomme pas forcément tout notamment lorsqu’il s’agit d’une mesure de suspension administrative qui n’a pas été respectée.
C’est notamment ce qu’a pu rappeler la Cour de cassation
Attendu que pour débouter l’assureur de ses demandes, l’arrêt énonce que, par jugement du 5 décembre 2012, le juge de proximité de Nîmes a annulé des pièces de la procédure et a renvoyé M. H… O… des fins de la poursuite ; que, dans les motifs de cette décision il est indiqué qu’une exception de nullité a été soulevée par le prévenu relative à l’acte de saisine, que la juridiction de proximité a joint l’incident au fond et dit qu’il y a lieu d’annuler les pièces de la procédure ; qu’en l’absence de motivation plus précise il y a lieu de considérer que M. H… O… a été renvoyé des fins de la poursuite en raison de l’absence d’élément probant subsistant quant aux faits poursuivis, par suite de l’annulation des pièces de la procédure, et que c’est donc la matérialité des faits délictueux qui a été exclue ; que le tribunal correctionnel de Tarascon, saisi contre M. H… O… d’une infraction d’homicide involontaire avec deux circonstances aggravantes, soit la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité et la conduite malgré suspension du permis de conduire, n’a pas retenu cette dernière circonstance aggravante en requalifiant les faits ; que M. H… O… ne pouvant être considéré comme ayant conduit malgré la suspension de son permis de conduire, l’assureur n’est donc pas fondé à se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la décision de relaxe qui peut intervenir sur la prévention d’infraction aux règles de la circulation routière n’a pas pour effet de rendre illégale la décision administrative de suspension prise conformément à la loi et aux règlements d’application mais seulement, de la priver d’effet pour l’avenir et qu’il n’était pas contesté que M. H… O… était sous le coup d’une suspension administrative de son permis de conduire le 23 février 2012, jour de l’accident de la circulation, circonstance visée par la clause d’exclusion de garantie, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 mars 2019, 18-10.729
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