La Cour de cassation vient de revenir dans deux arrêts sur les questions de prescription et de contraventions au Code de la route. Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la cour, Docteur en droit fait le point sur ces arrêts et les règles en matière de prescription, qui, parfois permettent aux conducteurs de passer à travers les mailles du filet.
Décisions commentées : Cass. Crim., 21 mars 2023, n°22-85283 et n°22-85731
Avec ces deux arrêts, la chambre criminelle de la Cour de cassation revient sur deux hypothèses dans lesquelles le conducteur verbalisé a pu bénéficier d’une prescription au bout d’un an.
Prescription et contravention au Code de la route : rappel des règles
On rappellera tout d’abord ce qu’est la prescription. Pour faire simple, la prescription c’est un droit à l’oubli. Au bout d’un certain temps, plus ou moins long selon la gravité des faits, il n’est plus possible de poursuivre une personne suspectée d’avoir commis une infraction. Le bon sens permettra de comprendre cette notion : on ne rouvre pas des plaies qui ont pu se refermer par le simple écoulement du temps.
Le Code de procédure pénale précise ainsi que :
« L’action publique des contraventions se prescrit par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise. »
Article 9 du Code de Procédure pénale
Le mécanisme de prescription aura vocation à s’appliquer bien davantage en matière contraventionnelle qu’en matière délictuelle, puisque le délai en présence d’un délit et notamment d’un délit routier est bien plus long : 6 ans (article 8 du Code de procédure pénale).
La prescription : un eldorado pour les conducteurs en infraction
Pas de nouvelle, bonne nouvelle, dit le dicton qui peut effectivement se vérifier en matière de droit pénal routier. Chaque jour qui passe sans nouvelle, peut rapprocher le conducteur verbalisé d’une prescription.
En cas de constatation de la prescription : plus d’amende, plus de retrait de points de permis de conduire, tout est effacé pour le conducteur…
On comprendra dès lors, que beaucoup de conducteurs, ayant cherché sur Internet toutes les astuces pour échapper à la sanction espèrent la délivrance par le biais de ce mécanisme de prescription.
Pour autant, nombreux seront déçus, puisque la durée d’un an prévu par le Code de procédure pénale ne doit pas être interrompue par un acte interruptif de prescription. Ces actes sont nombreux, et surtout ils ne sont pas forcément portés à la connaissance du conducteur qui peut croire à tort, être sauvé par la prescription.
Dans les arrêts que vient de rendre la chambre criminelle le 21 mars 2023, les conducteurs ont toutefois pu bénéficier de ce mécanisme de prescription.
Cass Crim, 21 mars 2023, n°22-85283 : prescription contraventionnelle et ordonnance pénale
Dans l’affaire portée à la connaissance de la Cour de cassation le 21 mars 2023, la conductrice verbalisée avait fait l’objet d’une ordonnance pénale. Estimant à la sanction trop sévère, la conductrice forme opposition à l’ordonnance pénale. Le temps passe, et il passe tellement que plus d’un an s’écouleront entre cette opposition et le mandement de citation. Aucun acte interruptif entre les deux pendant plus d’un an… La Cour de cassation constate logiquement l’acquisition de la prescription:
Vu les articles 9 et 9-2 du code de procédure pénale :
5. Il résulte de ces textes qu’en matière de contravention, l’action publique se prescrit par une année révolue à compter du jour où l’infraction a été commise si, dans cet intervalle, il n’a été effectué aucun acte d’instruction ou de poursuite.
6. Pour écarter l’exception tirée de la prescription de l’action publique, le jugement attaqué énonce que l’avis de contravention a été établi le 16 juillet 2019, que Mme [K] a contesté sa verbalisation le 21 août 2019, que l’officier du ministère public a pris des réquisitions aux fins d’ordonnance pénale le 17 juillet 2020, que la prévenue a formé opposition le 21 décembre 2020 et que des réquisitions aux fins de citation devant le tribunal de police ont été prises le 17 janvier 2022.
7. En se déterminant par ces motifs, dont il ressort qu’aucun acte interruptif n’est intervenu pendant une durée de plus d’un an entre l’opposition de la prévenue et le mandement de citation, le tribunal a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mars 2023, n°22-85283
Cass. Crim., 21 mars 2023, n°22-85731 : prescription contraventionnelle et amende forfaitaire majorée injustifiée
Dans cette deuxième affaire examinée par la Cour de cassation le 21 mars 2023, le conducteur verbalisé avait contesté son avis de contravention dès le stade de l’amende forfaitaire. En d’autres termes, il avait bien émis sa contestation dans le délai de 45 jours, lui étant imparti.
Ce conducteur, malgré cette première contestation opérée régulièrement, a néanmoins eu la surprise de recevoir une amende forfaitaire majorée.
La contestation initialement opérée par le conducteur aurait dû, en théorie, rendre impossible l’émission du titre exécutoire et cette nouvelle amende forfaitaire majorée.
Malgré l’absence de prise en compte de sa première contestation, le conducteur l’a réitérée à l’encontre de l’amende forfaitaire majorée.
Ce sont donc deux contestations qui ont été émises par ce conducteur pour la même infraction.
Constatant que l’amende forfaitaire majorée n’aurait jamais dû être émise du fait de la première contestation, la Cour de cassation en a logiquement tiré les conséquences. Il en va de même pour la contestation, sans objet dès lors, de cette amende forfaitaire majorée injustifiée. Là, encore, impossible de considérer qu’elle aurait pu interrompre, la prescription d’un an.
« ni la contestation par M. [S], le 13 novembre 2019, des amendes forfaitaires majorées, ni leurs annulations par l’officier du ministère public le 13 mars 2020, n’ont interrompu la prescription. »
Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mars 2023, n°22-85731
Difficile pour un non juriste d’identifier une prescription qui peut être interrompue par les actes dont le conducteur verbalisé n’aura la plupart du temps jamais connaissance, mais c’est l’un des premiers points à être vérifiés par Me le Dall et ses équipes au moment de l’examen du dossier pénal.
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