Alcool au volant : un conducteur bénéficiant d’un éthylotest antidémarrage électronique dans le cadre de la mesure préfectorale pourra voir son permis suspendu par le juge sans possibilité d’aménagement. Mesures d’EAD et suspensions judiciaires ne sont pas des mesures de même nature vient encore de rappeler la Cour de cassation. Les conseils de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour Docteur en droit pour éviter la double peine.
Alcool au volant : l’éthylotest antidémarrage électronique pour reconduire rapidement
En matière d’alcoolémie au volant, dès lors que le conducteur dépasse les taux délictuels, celui-ci se voit privé de son permis de conduire dans le cadre d’un avis de rétention. Cette rétention du permis de conduire couvre une période de 120 heures pendant laquelle il est fait interdiction au conducteur de reprendre le volant, et pendant laquelle le préfet est censé se pencher sur l’infraction commise par le conducteur.
L’avis de rétention n’est que le prélude à une mesure de privation temporaire du permis de conduire prise par le préfet.
Jusqu’à récemment, la mesure de privation prise par le préfet prenait systématiquement la forme d’une suspension provisoire du permis de conduire. Désormais, depuis le 1er janvier 2019, le conducteur en infraction peut bénéficier dans le cadre de la mesure préfectorale de la possibilité de conduire un véhicule équipé d’un éthylotest antidémarrage électronique. En règle générale, les préfets réservent cette possibilité aux conducteurs n’ayant pas d’antécédents et dont le taux d’alcool, certes délictuel, ne se s’avérera pas trop important.
L’installation de l’éthylotest anti-démarrage électronique demeure bien évidemment à la charge du conducteur. Les conducteurs intéressés par ce dispositif pourront se référer à la liste nationale des installateurs d’EAD pour trouver le prestataire le plus proche de chez eux et se renseigner quant aux conditions tarifaires. En règle générale, les prestataires proposent soit l’acquisition de l’EAD avec la pose du dispositif ou un service de pause et de location mensuelle du matériel.
Certes, pour le conducteur, ce dispositif représente un coût mais il lui permettra de conserver une mobilité tout le temps de la mesure préfectorale.
L’EAD préfectoral : pris en compte par le juge pénal ou non ?
Pour le conducteur confronté à un délit d’alcoolémie au volant, la mesure préfectorale n’est que la première sanction à le concerner. Le conducteur sera, en effet, poursuivi, sous une forme ou sous une autre, devant le tribunal correctionnel : dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d’une ordonnance pénale, ou encore d’une mesure de composition pénale.
À l’occasion du traitement judiciaire de cette infraction, le magistrat en charge de l’examen de cette affaire décidera de la culpabilité (ou non) du conducteur, et choisira parmi l’arsenal des peines proposées par le Code de la route la sanction lui semblant la plus pertinente.
En matière de privation de permis de conduire, le juge aura le choix entre une peine d’annulation du permis de conduire, une peine de suspension de permis de conduire ou encore une peine d’interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un éthylotest antidémarrage électronique.
EAD sur EAD : rien ne bouge
Le juge qui prononcerait une interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un éthylotest anti démarrage électronique à l’encontre d’un conducteur, ayant déjà pu bénéficier de cet aménagement au stade de la mesure préfectorale permettra à ce conducteur de conserver sa mobilité.
Si la durée d’interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un EAD correspond à celle qui a déjà été effectuée par le conducteur, au titre de la mesure provisoire, le condamné aura déjà purgé sa peine.
Le juge n’est bien évidemment pas lié par la durée retenue par le préfet en la matière. On pourra, par exemple, imaginer qu’un magistrat retienne une durée plus importante que celle du préfet. Dans l’hypothèse où un conducteur aurait déjà purgé une mesure de six mois d’EAD, en présence d’une condamnation à une durée de 10 mois, le condamné sera dans l’obligation de faire reposer un EAD dans son véhicule pour une durée de 4 mois.
Alcool au volant et suspension par le juge : on ne déduit pas l’EAD du préfet
La question s’est rapidement posée de la prise en compte par le Bureau d’exécution des peines (BEX), après une condamnation en justice, de la mesure préfectorale d’EAD dans le cas où le conducteur est condamné à une peine de suspension de permis de conduire.
Les premières juridictions confrontées à cette question ont, au départ, adopté des positions différentes au stade de l’exécution de la peine. Certaines juridictions déduisaient la mesure d’EAD d’une suspension judiciaire, tandis que d’autres demandaient au conducteur condamné de déposer son permis de conduire le temps de la peine de suspension judiciaire du permis de conduire.
Prise en compte de l’EAD en cas de suspension de permis pour alcool : la position du ministère
Face à une incertitude résultant des différentes politiques au sein des juridictions, certains praticiens ont pu faire poser par l’intermédiaire d’un parlementaire une question au Garde des Sceaux (Question n° 40629 au Ministère de la justice, question soumise le 3 août 2021 par M. Pierre Morel-À-L’Huissier).
Les services du Ministère de la Justice rappellent que les deux mesures ne sont pas de même nature. C’est cette différence de nature qui justifie la non-imputation de la mesure préfectorale d’EAD sur la suspension judiciaire.
En application de l’article L.224 9 alinéa 3 du code de la route, qui dispose que « la durée des mesures administratives s’impute, le cas échéant, sur celle des mesures du même ordre prononcées par le tribunal », la durée de la restriction administrative de conduire aux seuls véhicules équipés d’un EAD s’impute sur celle de la mesure judiciaire d’EAD prononcée par la juridiction. En revanche, il n’y a pas lieu à imputation de la durée d’une mesure administrative d’EAD sur la durée d’une suspension judiciaire du permis de conduire, ces deux mesures n’étant pas du même ordre.
Ministre de la Justice – Réponse émise le 18 janvier 2022
Pour la Cour de cassation : pas de prise en compte de la mesure d’EAD en cas de suspension
La Chambre criminelle a récemment eu à connaître de cette difficulté rencontrée par une conductrice ayant pu purger la mesure préfectorale par le biais d’un EAD, mais qui avait été condamnée ultérieurement dans le cadre d’une ordonnance pénale à une peine de suspension de permis de conduire.
N’ayant pas fait opposition à cette ordonnance pénale, il a été demandé à cette conductrice par la juridiction de déposer son permis de conduire pour une durée de 4 mois correspondant à la peine de suspension. Cette conductrice a souhaité faire valoir qu’elle avait déjà, selon elle, purgé cette peine, au moment de la mesure préfectorale avec le bénéfice d’un EAD.
La Cour de cassation va s’aligner sur la position assez logique endroit du Garde des Sceaux.
« Mme [H] a été condamnée à 300 euros d’amende et quatre mois de suspension de son permis de conduire par ordonnance pénale du 26 mars 2019.
4. Elle a saisi le tribunal correctionnel d’un incident d’exécution, en demandant que la durée de la restriction de son permis de conduire à la conduite de véhicules équipés d’un éthylotest anti-démarrage soit déduite de la durée de la suspension de son permis de conduire, en application de l’article L. 224-9 du code de la route.
8. Pour rejeter la requête de Mme [H], l’arrêt attaqué énonce que la mesure de restriction du droit de conduire aux seuls véhicules équipés d’un éthylotest anti-démarrage s’analyse comme une autorisation de conduire sous certaines conditions alors que la suspension judiciaire s’analyse comme une interdiction de conduire insusceptible d’exception.
9. Le juge relève que la violation de la première mesure constitue une contravention de cinquième classe alors que la violation de la suspension judiciaire est constitutive d’un délit.
10. Il ajoute qu’il existe, dans certaines conditions, une mesure judiciaire d’interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un éthylotest anti-démarrage qui constitue une peine complémentaire distincte de la suspension de permis de conduire.
11. Il en conclut que le législateur a conçu ces deux mesures comme n’étant pas du même ordre, et qu’en conséquence, il n’y a pas lieu d’imputer la durée de la restriction administrative sur celle de la suspension judiciaire prononcée ultérieurement.
12. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
13. En effet, les mesures de suspension du permis de conduire et de restriction du droit de conduire étant de nature différente, la durée de l’une ne peut s’imputer sur celle de l’autre. »
Cass. Crim., 11 mai 2023, n°22-85301
Alcool au volant : comment éviter la double peine ?
Compte tenu désormais de la position extrêmement claire de la Cour de cassation, il sera un recommandé aux conducteurs bénéficiant dans le cadre de la mesure préfectorale d’un dispositif de type éthylotest anti-démarrage électronique d’anticiper le traitement judiciaire de l’infraction.
Le conducteur qui souhaitera limiter le risque de devoir déposer son permis de conduire à l’issue de sa convocation en justice, devra sensibiliser le magistrat au fait qu’il a pu bénéficier d’un dispositif éthylotest antidémarrage électronique. Le conducteur ou plutôt son conseil cherchera ainsi à s’assurer de la prise en compte de la mesure provisoire.
Compte tenu des différentes possibilités de traitement judiciaires et notamment d’une notification d’ordonnance pénale, sans que ne soit intervenu de débat contradictoire, il sera recommandé de prendre attache avec la juridiction pour évoquer ces difficultés sans attendre le jugement…
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