La commission d’une infraction grave au Code de la route entraînera la prise immédiate du permis de conduire par les forces de l’ordre dans le cadre d’un avis de rétention. Cette rétention de 72 ou 120 h sera bien souvent annonciatrice d’une privation plus longue du droit de conduire avec la prise d’un arrêté de suspension du permis de conduire par le préfet. Mais le préfet ne pas prendre de décision sans que n’aient été portés à sa connaissance les résultats des analyses toxicologiques démontrant la présence de produits stupéfiants dans l’organisme du conducteur. Les explications de Me Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Stupéfiants au volant, rétention de permis au tournant
Un dépistage positif aux produits stupéfiants entraînera la mise en œuvre par les forces de l’ordre des opérations de prélèvements salivaires en vue des analyses toxicologiques qui seront menées en laboratoire.
Si la rétention du permis de conduire peut être opérée sur la seule base d’un simple dépistage, la mesure de suspension implique obligatoirement des résultats positifs aux produits stupéfiants et des résultats portés à la connaissance du Préfet.
L’exercice s’avère parfois compliqué avec des laboratoires souvent grandement sollicités, c’est pour tenir de cette contrainte de temps que la durée de l’avis de rétention a été revue à la hausse par la loi LOM de décembre 2019 en matière notamment de conduite sous l’empire d’un état alcoolique et.. de conduite après usage de stupéfiants.
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Alcool ou stupéfiants au volant : échapper à la suspension du permis de plus en plus compliqué
Malgré cet allongement de la mesure de rétention de 72 h à 120 h en matière de stupéfiants au volant, les laboratoires peinent encore souvent à retourner leurs analyses dans les temps. Pour le préfet l’écoulement du délai de 120 h ne se traduira pas par une impossibilité de prendre une mesure de suspension. Cette éventualité d’une prise de décision de suspension au-delà du délai de 120 h ne devra donc pas être négligée par le conducteur qui pourrait parfaitement avoir la surprise de recevoir plus semaines après les faits un arrêté 1F. La procédure à respecter pour le Préfet sera alors un peu plus contraignante que pour la prise d’un simple arrêté 3F puisque les observations de l’intéressé devront être recueillies avant tout décision.
Mais il peut être tentant de ne pas attendre le retour de ces résultats pour prendre l’arrêté…
C’est qu’a pu censurer récemment le tribunal administratif de Martinique :
Pas possible pour le préfet de prendre un arrêté sans mesure
3. Il ressort des dispositions précitées de l’article L. 224-2 du code de la route que le préfet ne peut prendre une décision de suspension de la validité du permis de conduire d’un conducteur, qui a fait l’objet d’un dépistage en vue d’établir s’il conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants, notamment par un prélèvement salivaire, en application des dispositions précitées de l’article L. 235-2, qu’à la condition que les analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, auxquels doivent faire procéder les officiers et agents de police judiciaire si le dépistage s’avère positif, établissent que l’intéressé conduisait après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants.
4. Il ressort des pièces du dossier que le gendarme ayant la qualité d’officier de police judiciaire intervenu sur les lieux de l’accident corporel dans lequel M. A a été impliqué le soir du samedi 17 décembre 2022 a fait procéder aux épreuves de dépistage en vue d’établir si le requérant conduisait en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Le résultat des épreuves s’étant révélé positif, l’officier de police judiciaire a alors fait procéder aux vérifications en réalisant, le 17 décembre 2022 à 21 heures 55, un prélèvement salivaire. Le prélèvement a été transmis par l’officier de police judiciaire au laboratoire médical Synlab Barla Antilles le lundi 19 décembre 2022 à 12h23, où il a été analysé par un pharmacien toxicologue inscrit sur la liste des experts près de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui a établi un rapport d’analyse confirmant la positivité dudit prélèvement à la présence de THC, principe actif du cannabis, en début d’après-midi à 14h36. Toutefois, l’arrêté attaqué du préfet de la Martinique a été édicté dès le matin du 19 décembre 2022 à 7h47, ainsi qu’il ressort des mentions figurant sur ledit arrêté dont l’exactitude n’est pas contestée en défense par l’administration, soit avant même la transmission de l’échantillon salivaire au laboratoire d’analyse toxicologique. Dans ces conditions, en prononçant la suspension du permis de conduire dont M. A était titulaire sans même attendre de prendre connaissance des résultats de l’analyse biologique de l’échantillon salivaire, le préfet de la Martinique a méconnu les dispositions citées précédemment au point 2. de l’article L. 224-2 du code de la route. Le moyen ainsi soulevé est dès lors fondé. Il doit, par suite, être accueilli.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. A, qu’il y a lieu d’annuler l’arrêté attaqué du préfet de la Martinique du 19 décembre 2022.
Tribunal administratif de Martinique, 21 septembre 2023, n° 2300098
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