Le contrôle d’alcoolémie est-il régulier lorsqu’il est opéré alors même que l’on n’est pas au volant et que l’on n’est pas dans son véhicule ? Vice de procédure ou pas ? Les éclaircissements de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
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Contrôle d’alcoolémie en dehors du véhicule : oui, c’est possible
L’irrégularité d’un contrôle d’alcoolémie pratiqué alors que l’on a déjà quitté le véhicule avant l’arrivée des forces de l’ordre est un mythe qui a la vie dure. Et certains conducteurs en sont tellement persuadés que, parfois, les juristes renoncent même à leur faire entendre raison. C’est ainsi que j’avais invité l’année passée un conducteur certain de son bon droit ayant pris contact avec le cabinet à se rapprocher d’autres confrères ou à faire part au juge de sa version des faits et de ses arguments.
Pour ce conducteur, les forces de l’ordre n’avaient pas le droit de le soumettre au contrôle d’alcoolémie puisque celui-ci se trouvait en dehors de son véhicule lorsque les agents se sont rapprochés de lui.
Ce conducteur a récemment repris contact avec le Cabinet. Il venait de recevoir son relevé de condamnation pénale. Visiblement la juridiction n’a pas été réceptive à son argumentation et est entrée en voie de condamnation. Pour le conducteur, la sanction s’avère très lourde : annulation de son permis de conduire avec une interdiction de solliciter un nouveau titre pendant six mois, confiscation du véhicule et… 8 mois de prison…ferme.
Problème : ce conducteur persuadé de la pertinence et de l’évidence de son argumentation n’avait pas réellement pris soin de noter la date du délibéré. Lorsque le relevé de condamnation pénale lui est parvenu par voie postale, le délai d’appel était déjà largement dépassé. À l’évidence, l’argumentation développée par le conducteur à la barre a dû passablement énerver la juridiction…
Contrôle d’alcoolémie : la preuve de faits de conduite
Les délits qui sont prévus par le Code de la route font référence à des faits de conduite : le délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou encore le délit de conduite en état d’ivresse manifeste. À partir du moment où les agents peuvent ou ont pu voir le conducteur circuler, ils peuvent tout à fait procéder à son contrôle alors que celui-ci s’est stationné quelques minutes après avoir croisé le véhicule des Forces de l’ordre…
On rappellera également qu’en matière pénale, la preuve est libre. Il n’est pas rare, par exemple, qu’en cas d’accident matériel de la circulation, les forces de l’ordre soient appelées par l’un des conducteurs des véhicules impliqués ou des témoins de la scène.
Ces témoins peuvent parfaitement attester auprès des forces de l’ordre que telle ou telle personne était au volant de tel ou tel véhicule impliqué dans l’accident…
Alcool au volant : qui peut opérer le contrôle ?
Commençons par faire le point sur les conditions du contrôle. Désormais, les APJ, les agents de police judiciaire tout comme les OPJ, les officier de police judiciaire peuvent diligenter un contrôle d’initiative. Il n’est point besoin pour eux de constater une infraction préalable au contrôle. Seuls, les agents de police adjoints devront encore relever une infraction les conduisant à mettre en œuvre un contrôle.
Les contrôles routiers en matière d’alcoolémie peuvent également être organisés avec des consignes émanant du parquet.
Et bien sûr, en cas d’accident de la circulation, les agents dégaineront également l’éthylotest.
Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents soumettent à des vérifications destinées à établir l’état alcoolique, qui peuvent être précédées des épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré l’auteur présumé d’une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire ou le conducteur ou l’accompagnateur de l’élève conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel. Sur l’ordre et sous la responsabilité desdits officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints soumettent à des épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré l’auteur présumé d’une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire ou le conducteur ou l’accompagnateur de l’élève conducteur impliqué dans un accident de la circulation ayant occasionné un dommage corporel.
Les officiers ou agents de police judiciaire de la gendarmerie ou de la police nationales territorialement compétents et, sur l’ordre et sous la responsabilité desdits officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire adjoints peuvent soumettre aux mêmes épreuves tout conducteur ou tout accompagnateur d’élève conducteur impliqué dans un accident quelconque de la circulation ou auteur présumé de l’une des infractions aux prescriptions du présent code autres que celles mentionnées au premier alinéa.
Article L234-3 du Code de la route
Un contrôle d’alcoolémie à réaliser rapidement après les faits de conduite
Les dispositions de l’Article R3354-6 du Code de la santé publique précisent ainsi, par exemple, que « l’examen clinique médical et la prise de sang sont effectués dans le plus court délai possible après l’infraction ou l’accident… »
Parfois les exigences réglementaires ou législatives en matière de droit routier peuvent sembler incompatibles. On pense, par exemple, en matière de contrôle d’alcoolémie à la nécessité de respecter un temps d’attente entre la soumission à l’éthylomètre et la dernière consommation d’alcool ou de cigarette. C’est ce qu’il ressort notamment des notices d’utilisation éthylomètres utilisés en France. Ces recommandations ont donné lieu à un important mouvement de jurisprudence entre 2007 et 2009. Si l’argumentation peut toujours prospérer, les prises de position de la Cour de cassation limitent grandement les possibilités d’invoquer un grief en la matière. Le conducteur qui serait concerné par un contrôle ou une soumission trop rapide au contrôle par éthylomètre devrait pouvoir être en mesure de rapporter la preuve de la survenance d’une consommation d’alcool dans les instants précédents le contrôle… En pratique la chose s’avère délicate et ce d’autant plus que la plupart des agents interrogent désormais sur l’heure de cette dernière consommation. Et ces indications sont bien évidemment portées sur les procès-verbaux.
Entre 2007 et 2010, lorsque cette question de l’heure exacte de la dernière consommation et du moment du contrôle routier était débattue presque quotidiennement devant les juridictions correctionnelles était également invoquée par le Ministère Public la nécessité de procéder au contrôle d’alcoolémie le plus rapidement après les faits.
C’est cette nécessité de la mise en œuvre rapide du contrôle d’alcoolémie qui pourra, dans certains cas, permettre à quelques conducteurs d’éviter la condamnation en justice.
Effectivement les forces de l’ordre qui soumettraient un conducteur ayant coupé le contact, une demi-heure ou une heure avant, risquent au moment de l’examen par le tribunal de laisser planer un doute sur ce qui s’est passé entre le moment du contrôle et la cessation des faits de conduite.
Par exemple, le conducteur qui, sur le point d’arriver à son domicile, par une froide nuit d’hiver heurterait avec son véhicule un animal sauvage traversant la chaussée, stationnerait son véhicule sur le bas-côté, rentrerait à pied chez lui parcourant 800 mètres et se servirait un verre de whisky pour se réchauffer et se remettre de ses émotions pourrait parfaitement prétendre en cas de contrôle tardif par les forces de l’ordre avoir consommé après les faits de conduite.
On comprendra rapidement que celui qui vient de claquer la porte de son véhicule et se fait rattraper 100 mètres plus loin par les forces de l’ordre aura du mal à expliquer qu’il vient de vider une bouteille de vodka…
La jurisprudence est depuis longtemps confrontée à ce genre de questions.
La chambre criminelle a pu préciser que la prise de sang doit être réalisée le plus rapidement possible après l’accident, sans pour autant que l’infraction doive être constatée sur-le-champ (Cass., crim, 23 février 1987, « Jurisp. auto. » 1987, p. 191). Effectué une heure après l’accident, le contrôle peut permettre de caractériser la conduite sous l’empire d’un état alcoolique (Cass., crim. 25 octobre 1983, « Jurisp. auto. » 1984, p. 374).
Contrôle en dehors du véhicule : attention à ses déclarations
Un décalage dans le temps entre la cessation de la conduite et la survenance du contrôle d’alcoolémie peut éventuellement permettre un conducteur une prise d’alcool. Il est dans cette hypothèse important que le conducteur en fasse état au moment de l’audition.
Si le conducteur veut convaincre le juge il ne devra pas varier de version. Tel est, par exemple, l’enseignement que l’on peut retirer d’un ancien du 23 février 1987.
« Attendu qu’il appert de l’arrêt attaqué que, le 17 juin 1984, vers 13h15, une collision s’est produite à un carrefour, entre le véhicule conduit par A. G. et celui conduit par J. G. lequel faisait l’objet d’un dépistage d’alcoolémie qui s’avérait positif ; qu’un prélèvement sanguin opéré à 14h30 révélait la présence, dans le sang de G. d’un taux d’alcool pur de 3,10 g pour mille ;
Attendu que pour retenir à la charge du prévenu, l’infraction de conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique, l’arrêt constate que si G. prétend avoir consommé la plus grande partie de l’alcool, après l’accident, il a extrêmement varié dans ses déclarations ;
Attendu que l’arrêt énonce que ces explications tardives contredites par toutes les déclarations antérieures ne peuvent être retenues et déduit de tous ces éléments que le prévenu s’est rendu coupable des faits reprochés ;
Attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations exemptes d’insuffisance, résultant d’une appréciation souveraine des éléments de la cause soumis aux débats contradictoires, la Cour d’appel a, contrairement au grief allégué au moyen justifié sa décision, qu’en effet, aucun texte n’exige que l’infraction prévue par l’article L.1 du Code de la route soit, pour être punissable, constatée sur le champ ; »
Cour de cassation, Chambre criminelle, du 23 février 1987, n°86-92691
Contrôle d’alcoolémie en dehors du véhicule : le refus de souffler , le mauvais réflexe
Le lecteur l’aura compris dans ces hypothèses d’un contrôle d’alcoolémie, plus ou moins tardif, se posera la question devant la juridiction de la réalité de l’alcoolisation au moment des faits de conduite.
Si une telle argumentation peut parfaitement prospérer, elle ne doit pas conduire la personne contrôlée à refuser de se soumettre à vérification.
On rappellera, en effet, qu’en cas de refus ce sont des poursuites pour refus de se soumettre à vérifications destinées à établir l’état d’alcoolémie qui attendent l’intéressé. Pour ce délit, il sera rappelé que les sanctions sont exactement les mêmes qu’en cas de condamnation pour délit de conduite sous l’empire d’un opta alcoolique, ou un délit de conduite en état d’ivresse manifeste…
Le lecteur pourra se reporter aux attendus d’un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 8 juin 2006 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 234-3, L. 234-4 et L. 234-8 du code de la route et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Laurent X… coupable du délit de refus de se soumettre au dépistage du taux d’alcoolémie et l’a condamné à 90 jours d’amende de 5 euros et à la suspension de son permis de conduire pendant 10 mois ;
« aux motifs que le 29 décembre 2004 vers 1 h 25, Laurent X… qui conduisait un véhicule Renault Clio à l’entrée de la commune de Thillot (55) à la sortie d’une courbe à gauche, perdait le contrôle de son véhicule, roulait sur l’accotement droit enneigé sur une distance de 150 mètres avant de finir sa course contre un arbre en contrebas dans un verger ; qu’à l’arrivée des gendarmes, le conducteur du véhicule, blessé, avait regagné son domicile avant d’être transporté par les sapeurs pompiers à l’hôpital ; que l’incapacité totale de travail qu’il subissait était de 30 jours ;
que, lorsqu’ils se présentaient à son domicile, les gendarmes constataient que Laurent X… dont l’haleine sentait fortement l’alcool refusait de se soumettre à tout dépistage de l’imprégnation alcoolique ; que, lors de son audition le même jour, il déclarait qu’il roulait hors agglomération à une vitesse d’environ 80 km/h, qu’il lui semblait avoir vu un chevreuil et que pour l’éviter il avait mordu le bas côté de la route, qu’il contestait avoir consommé de l’alcool avant ou après l’accident mais avoir refusé le contrôle parce qu’il était blessé et était « paniqué » et parce qu’il n’aime pas les piqûres ;
que devant le tribunal, il reconnaissait avoir refusé de se soumettre au contrôle sans savoir que ce refus pouvait avoir des conséquences judiciaires ; qu’il précisait que c’était en rentrant chez lui après l’accident qu’il avait bu de l’alcool pour « faire passer la douleur » ; que ces déclarations sont cependant contredites par celles de son épouse qui précisait que son mari était rentré au domicile familial vers 1 heure 30 ; qu’elle a appelé le SAMU ; que son époux lui avait raconté qu’il avait tué une biche avec son véhicule et qu’il avait eu un accident ; qu’il n’avait pas bu quoique ce soit, qu’il voulait boire un café mais le SAMU lui a interdit de le faire boire ; que quand elle avait vu son mari, il sentait l’alcool qu’elle l’avait senti parce qu’il lui parlait ; qu’il résulte ainsi de ces éléments, que, contrairement à ce que soutient le prévenu, son refus de se soumettre au dépistage d’alcoolémie n’était pas seulement provoqué par ses inquiétudes sur son état de santé ; qu’en tout état de cause, quel qu’en soit le motif, son refus de se soumettre aux vérifications tendant à établir son état alcoolique alors qu’il était le conducteur du véhicule impliqué dans l’accident est en l’espèce caractérisé ;
« alors que, d’une part, la personne qu’un officier de police judiciaire peut soumettre aux épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article L. 234-4 du code de la Route, doit avoir la qualité de conducteur ce qui s’entend d’une personne qui était au volant de son véhicule lors de l’arrivée du policier ou à un temps proche de cette arrivée ; qu’ainsi en déclarant coupable de refus de se soumettre à cette épreuve, Laurent X… auquel les gendarmes ont voulu faire une prise de sang trois quarts d’heure après l’accident à son domicile qu’il avait regagné, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;
« alors que, d’autre part, le refus de se soumettre au contrôle du taux d’alcoolémie est excusable dans l’hypothèse où les blessures dont est atteint celui qui doit s’y soumettre rendent prioritaire son transfert à l’hôpital ; qu’ainsi la cour d’appel, en considérant que Laurent X…, qui était transféré par les pompiers à l’hôpital, était coupable quelque soit le motif de son refus, a violé les textes visés au moyen » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Laurent X… a perdu le contrôle de son véhicule et heurté un arbre ; qu’il a été blessé dans l’accident ; que les gendarmes qui l’ont trouvé trois quarts d’heure plus tard à son domicile et ont constaté que son haleine sentait l’alcool, l’ont invité à se soumettre aux épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique puis aux vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique ; que l’intéressé a refusé de se plier à l’ensemble de ces mesures ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit prévu par l’article L234-8 du code de la route, l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu’en cet état la cour d’appel a justifié sa décision dès lors que, d’une part, aucun texte n’exige que les vérifications prévues par l’article L234-4 du code de la route soient effectuées sur le champ et que, d’autre part, les juges ont souverainement estimé que l’état de santé du prévenu ne s’opposait pas au contrôle envisagé ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 8 juin 2006, n°05-85296
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