Un bug bloque depuis plusieurs mois les retraits de points pour de nombreuses infractions au Code de la route : cadeau tombé du ciel pour les contrevenants ou au contraire piège à permis à points ? Les explications et surtout les conseils de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Retrait de points de permis de conduire : de quel bug on parle ?
L’histoire est assez cocasse, certains centres de stages de sensibilisation à la sécurité routière se sont aperçus depuis quelques semaines d’une chute impressionnante des inscriptions. Certes la suppression du retrait de points pour les excès de vitesse les plus faibles depuis le 1er janvier de cette année pourrait expliquer une amélioration du sort des conducteurs. Mais cette évolution ne permettait pas à elle seule d’expliquer une baisse d’environ 35 % des réservations de stages de récupération de point en seulement quelques semaines d’application…
Les représentants du Syndicat national des professionnels du permis à points (SNPAP) se sont donc rapprochés du ministère pour en savoir un peu plus, et c’est là que le pot aux roses a été découvert : un bug qui, apparemment, bloque ou retarde la survenance du retrait de points de permis de conduire.
Le ministère n’a pour l’instant pas communiqué sur le détail de cet incident, mais l’on peut imaginer assez facilement que la mise en place du nouveau dispositif avec ou plutôt sans retrait de point pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h a pu introduire un bug sur le traitement de certaines infractions.
Car oui, toutes les décisions de retrait de points de permis de conduire ne sont pas impactées par le bug. Et nous pouvons voir tous les jours au cabinet des conducteurs ayant fait l’objet de décision de retrait de points ces derniers mois, ces dernières semaines, ces derniers jours…
Bug des retraits de points : un cadeau pas forcément définitif
L’administration n’a pas véritablement de délai qui lui soit imposé pour procéder à l’enregistrement des décisions de retrait de points… Plus précisément, la décision de retrait de points de permis de conduire n’est juridiquement pas une peine. Il s’agit simplement d’une mesure de police administrative. De ce fait, la mesure de retrait de point ne bénéficie pas des règles protectrices du droit pénal et notamment du mécanisme de prescription.
En matière de contravention, la prescription d’un an peut parfois sortir des contrevenants d’un mauvais pas…
Mais s’agissant d’une décision de retrait de points de permis de conduire, rien n’interdit à l’administration de venir corriger le tir en enregistrant dans quelques mois, peut-être, les mesures n’ayant pas été prises ces dernières semaines et ces derniers mois.
On pourra néanmoins rassurer les producteurs concernés : il y a une différence entre la date d’enregistrement et la date définitive qui, elle, correspond bien à la date théorique à laquelle aurait dû survenir le retrait de points.
Prenons l’exemple d’une verbalisation pour excès de vitesse pour laquelle le conducteur en infraction a réglé l’amende une quinzaine de jours après l’infraction, la date théorique du retrait de points sera bien la date de l’infraction à J+15 pour le conducteur concerné. Ce retard dans l’enregistrement de la décision de retrait de point n’aura pas pour conséquence de repousser la survenance d’une décision de restitution de point après une période de bonne conduite, ou tout du moins une période de trois ans sans retrait de point…
Bug des retraits de points : un retard qui peut se transformer en piège
Les conducteurs concernés par ce bug devront donc partir du principe que l’administration peut parfaitement régulariser la situation dans quelques mois. À eux de prendre en compte dans la gestion de leurs points ces décisions qui pourront peut-être survenir dans quelques mois.
En d’autres termes, le conducteur ne devra pas partir du principe que son solde de points, qui, par exemple, afficherait aujourd’hui une dizaine de points ne va pas fondre comme neige au soleil au mois d’août par l’enregistrement de décisions de retrait de points relatives à des infractions commises au mois de décembre 2023 ou au mois de janvier 2024…
Des retraits de points de permis de conduire à surveiller !
C’est sans doute les évolutions qu’a connu le dispositif du permis à points ces dernier mois qui a entraîné ce bug. Néanmoins, ces nouveautés pourront permettre aux conducteurs de surveiller les évolutions de leurs soldes de points. Remplaçant télépoints, le site Mespointspermis permet de consulter son solde de points mais également d’avoir accès aux différentes décisions de retrait de points. Le conducteur pourra donc aisément identifier une décision de retrait de points enregistrée tardivement… Le conducteur pourra voir quelle infraction a ou non entraîné amputation de son capital de points.
Des avis de contravention mentionnant une absence de retrait de points
Il semblerait que des avis de contravention aient été émis avec la précision que l’infraction verbalisée n’entraînait pas retrait de point. Les contrevenants qui auraient été destinataires de tels avis devront soigneusement les conserver. Dans l’hypothèse de la survenance d’un retrait de points, les intéressés pourront envisager la mise en place d’un recours à son encontre. La jurisprudence administrative est en effet de leur côté.
Ce bug est pour les praticiens du droit routier l’occasion de ressortir les vieilles jurisprudences qui avaient cours du temps des avis de contravention dressés sur carnet à souche. Les documents préimprimés étaient complétés par les agents verbalisateurs qui en présence d’une infraction entraînant retrait de points cochaient une case fort à propos intitulée « retrait de points oui ».
Le fait que les agents laissaient parfois cette case vise permettaient aux conseils des contrevenants de plaider devant les tribunaux administratifs que l’information exigée par le Code de la route relative au retrait de point n’avait pas été délivrée préalablement au paiement de l’amende.
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme Y a reçu de l’agent verbalisateur, au titre de l’infraction relevée le 4 mars 2010, un avis de contravention qui comportait une case « retrait de points » non cochée ; que le procès-verbal de contravention produit par le ministre de l’intérieur ne fait pas apparaître que l’intéressée ait bénéficié, au moment où l’infraction fut relevée à son encontre, d’une information non équivoque sur le retrait de points encouru ; que, dès lors, il y a lieu de constater que la formalité d’information prévue par les articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route n’a pas été régulièrement accomplie ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Y est fondée à demander l’annulation de la décision du ministre de l’intérieur retirant trois points de son permis de conduire au titre de l’infraction susmentionnée ;
Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 19 juillet 2012, n°1100756
Considérant que cette information, prévue par la loi, constitue une formalité substantielle donnée à l’auteur de l’infraction pour lui permettre d’en contester la réalité et d’en mesurer les conséquences sur la validité de son permis, conditionne la régularité de la procédure suivie et, partant, la légalité des retraits de points ; qu’en l’espèce, M. Y soutient que lors de la constatation de l’infraction du 19 novembre 2007 à 7 h 50 ayant donné lieu au retrait de quatre points de son permis de conduire, aucune information ne lui a été donnée de ce que cette infraction entraînait un retrait de points ; qu’il produit à l’appui de ce moyen copie de l’avis de contravention dressé lors de la constatation de cette infraction, de l’examen duquel il ressort que la case concernant le retrait de points du permis de conduire n’a pas été cochée par l’agent verbalisateur ; que, par suite, la décision susmentionnée est intervenue au terme d’une procédure irrégulière et doit être annulée ;
Décide :
Article 1er : La décision du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales en date du 13 août 2008 portant retrait de quatre points du permis de conduire de M. Z-A Y à la suite d’une infraction commise le 19 novembre 2007 est annulée.
Tribunal administratif de Nîmes, 10 mars 2009, n°0802687
Les conducteurs qui seraient confrontés à une future décision de retrait de points liée à un avis de contravention mentionnant une absence de retrait de points pourront se prévaloir des jurisprudences précitées devant le BNDC, le Bureau National des Droits à Conduire ou devant les Tribunaux administratifs.
Avis de contravention sans retrait de point : pas de contestation auprès de l’OMP
Attention, certains conducteurs destinataires d’avis de contravention mentionnant une absence de retrait de point pourraient être tentés de contester la verbalisation auprès de l’Officier du Ministère Public. On leur déconseillera cette stratégie de défense. La question du retrait de point relève du droit administratif, ce n’est pas une mention obligatoire du point de vue de la régularité du procès-verbal. Pas contre, le fait d’avoir porté cette difficulté devant un tribunal de police privera le conducteur concerné de la possibilité se prévaloir de la non délivrance des informations exigées par le Code de la route devant un tribunal administratif…
Si le requérant fait valoir que, sur le procès-verbal de contravention de l’infraction du 16 septembre 2005, la case relative au retrait de points n’est pas cochée, ce retrait est établi par le jugement du juge de proximité du 12 mars 2007 ; que cette infraction est donc bien imputable à M. A
Cour administrative d’appel de Lyon, 4ème Chambre, 7 novembre 2012, n°12LY00699
Le cabinet se tient bien évidemment à la disposition des conducteurs qui seraient confrontés à des problématiques de retraits de points injustifiés.
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