De retour d’audience, décryptage par votre avocat ! Convocation en justice pour prise du nom d’un tiers ou usurpation d’identité : quels enjeux ? quelles sanctions ? Les explications de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit
La prise du nom d’un tiers : la tentation en cas de difficulté côté permis de conduire
Les hypothèses de commission de ce délit sont assez simples à comprendre : un conducteur qui fait l’objet d’un contrôle routier et parce qu’il sait qu’il lui sera reprochée une ou plusieurs infractions ou tout simplement parce qu’il n’est pas détenteur du permis de conduire, va donner l’identité d’un tiers pour échapper à la sanction.
En règle générale, les forces de l’ordre vont vérifier l’identité du conducteur contrôlé par la production d’une pièce d’identité ou d’un autre document. Mais parfois, le conducteur explique ne pas être en possession du moindre document ou peut, dans certains cas, fournir un document ne comportant pas de photo d’identité ou une photo d’identité relativement ancienne.
Très souvent l’infraction de prise du nom d’un tiers ne concernera pas un véritable tiers, mais plutôt un proche dont le conducteur contrôlé connaît l’adresse, la date de naissance, ou encore le nom des parents…
Dans d’autres cas, le conducteur contrôlé utilisera des documents volés ou de faux documents qui peuvent avoir été établis en usurpant l’identité d’un autre conducteur.
Accumulation de sanctions pour les victimes d’usurpation d’identité
Pour le tiers dont le nom aura été emprunté, les choses peuvent rapidement dégénérer côté permis de conduire. C’est en effet ce tiers qui va être destinataire d’un arrêté de suspension de permis de conduire en cas de commission d’un délit routier, ou d’avis de contravention en cas de constatation de contraventions au Code de la route.
La commission d’un délit routier par un conducteur ayant usurpé l’identité d’un tiers entraînera pour ce dernier une suspension de permis de conduire. C’est en effet au domicile de la victime que sera envoyé l’arrêté de suspension préfectoral de permis de conduire. De même c’est cette victime qui fera qui fera l’objet de poursuites pénales.
Pour la victime la réception d’un arrêté de suspension de permis de conduire doit être prise très au sérieux. Et il sera conseillé à la victime d’engager sans tarder un recours à son encontre.
Problème : la victime qui, par définition, est dans la totale ignorance de la commission de ces faits pourra ne pas être touchée par la notification de la mesure de suspension. En effet, la notification de la décision préfectorale se fait, en règle générale, par le biais d’un courrier recommandé. La victime qui, pour des raisons personnelles ou professionnelles, n’aurait pas pu récupérer ce courrier demeurera donc dans l’ignorance de la survenance de cette décision.
Pour les infractions les moins graves, c’est un avis de contravention qui sera envoyé à la victime qui, dans cette hypothèse également, pourra rester dans l’ignorance de l’infraction. C’est, par exemple, ce qui s’était produit dans le dossier traité par le cabinet devant le tribunal judiciaire de Bonneville. Le client du cabinet qui avait usurpé l’identité de son frère avait réceptionné au domicile de ses parents l’avis de contravention adressé à son frère. L’usurpateur avait lui-même réglé l’amende. Aucune relance n’avait donc pu alerter la victime de cette usurpation.
Pour les victimes d’usurpation d’identité, on insistera sur la nécessité d’une très grande réactivité et sur la nécessité de prendre les choses en main. La contestation de la verbalisation est un minimum et en cas de décision de suspension préfectorale du permis de conduire il est absolument impératif d’engager un recours à l’encontre de cette décision, même si des démarches sont parallèlement engagées auprès des forces de l’ordre.
En cas de réception d’avis de contravention, la victime n’aura pas d’autre choix que de contester verbalisation par verbalisation. On pourra à ce propos conseiller à ces victimes d’opérer ces contestations en ligne via le site de l’ANTAI pour économiser les frais de recommandés.
Usurpation de permis de conduire : quelles sanctions ?
Le Code pénal prévoit que
Le fait de prendre le nom d’un tiers, dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5, les peines prononcées pour ce délit se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l’infraction à l’occasion de laquelle l’usurpation a été commise.
Est punie des peines prévues par le premier alinéa la fausse déclaration relative à l’état civil d’une personne, qui a déterminé ou aurait pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers.
Article 434-23 du Code pénal
Le conducteur condamné le sera donc pour ce délit mais également pour les infractions auxquelles il tentait d’échapper en usurpant le nom d’un tiers. Le risque de suspension ou d’annulation du permis de conduire devient une réalité au moment du passage au tribunal.
Avec la loi Loppsi II, le droit français a pris en compte la hausse des cas d’usurpation d’identité et est venu créer une infraction d’usurpation d’identité n’impliquant pas de commission d’une infraction.
Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. Lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Article 226-4-1 du Code pénal
En matière de droit pénal routier, les dispositions de l’article 434-23 du Code pénal auront naturellement vocation à s’appliquer.
Permis de conduire et prise du nom d’un tiers : une réponse pénale parfois tardive
Le temps de la justice est parfois long. Et le délai de 6 ans applicable en matière de prescription délictuelle permet l’engagement de poursuites pour des faits relativement anciens.
On comprendra également que les poursuites ne seront engagées qu’à partir de la découverte du délit qui peut n’intervenir que plusieurs années après les faits.
En cas de trafic de d’identités de conducteurs, les poursuites pourront n’être diligentées qu’après la détection de la fraude.
De même en cas d’usurpation de l’identité d’un proche, les poursuites ne seront engagées qu’à partir du moment où la victime découvre l’usurpation.
Prise du nom d’un tiers et reconnaissance des faits (CRPC)
Le client qui était accompagné ces derniers jours devant le Tribunal judiciaire de Bonneville avait reconnu les faits. Conduisant sans permis et paniqué à la perspective de poursuites en justice il avait donné à l’occasion d’un contrôle routier le nom de son frère lorsque l’agent lui avait donné la raison du contrôle : le non-respect de l’arrêt obligatoire au panneau stop.
Ayant déjà eu à faire avec la justice, ce conducteur a préféré donner l’identité de son frère en prétextant avoir oublié ses papiers. Quelques jours après le contrôle routier, il aperçoit alors qu’il rendait visite à ses parents une enveloppe avec l’avis de contravention relatif au non-respect de l’arrêt au panneau stop. Son frère n’ayant pas mis à jour son adresse après avoir quitté le domicile de ses parents ne sera pas informé de cette verbalisation. Notre client a, en effet, emporté avec lui l’avis de contravention et réglera lui-même l’amende.
Ce n’est que de nombreux après ce contrôle routier que le frère dont l’identité avait été usurpée découvre en passant son permis moto qu’il avait fait l’objet d’une décision de retrait de point.
L’infraction ayant été commise près du lieu de résidence de son frère, il pense alors à celui-ci et ce d’autant plus qu’il avait lui-même utilisé le même subterfuge par le passé… Le frère prend contact avec notre client qui lui avoue la vérité et lui conseille de contester la décision de retrait de points, la verbalisation et de porter plainte pour usurpation d’identité.
Quelques mois après, notre client est interrogé par les services de police, il reconnait les faits lui étant reprochés à savoir conduite malgré invalidation du permis de conduire, non-respect de l’arrêt absolu à un stop et … prise du nom d’un tiers.
Compte tenu de ses aveux et de l’ancienneté des faits, notre client s’est vu remettre une convocation pour une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
C’est dans le cadre de cette procédure que nous avons pu avec notre client rencontrer la Procureur et discuter d’une peine adaptée et pertinente compte tenu des faits, de leur ancienneté et de la situation nouvelle de notre client.
Depuis les faits, notre client avait repassé son permis de conduire, il avait un nouvel emploi nécessitant la détention du permis de conduire de conduite et avait définitivement tourné la page d’un passé judiciaire un peu compliqué.
La peine discutée avec le parquet a permis d’éviter à notre client une privation de permis de conduire. Notre client est sorti du bureau du Procureur avec deux peines de 2 mois de prison directement aménagées sous forme de DDSE (Détention à domicile sous surveillance électronique, plus connue du grand public sous le nom de bracelet électronique). C’est au passage l’une des spécificités du délit de prise du nom d’un tiers, la peine qui est retenue pour cette infraction demeure individualisée dans le prononcé de la sanction (« les peines prononcées pour ce délit se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l’infraction à l’occasion de laquelle l’usurpation a été commise » Cf. Article 434-23 du Code pénal).
Après l’entretien avec la Procureure, nous avons accompagné notre client en salle d’audience pour l’homologation de la transaction passée quelques instants plus tôt. Au cours de cette audience d’homologation, la juge a pu questionner notre client et entendre nos observations avant de prendre sa décision. Dans le cadre de cette audience d’homologation, le magistrat ne peut pas modifier la ou les peines, il ne peut que valider ou refuser de valider la proposition du parquet. Dans notre affaire, le juge a procédé à l’homologation. Et nous avons pu accompagner directement notre client au Bureau d’Exécution des peines (BEX).
Le lecteur l’aura compris, ce rapide compte rendu d’audience est surtout l’occasion de revenir sur cette infraction de prise du nom d’un tiers et tous ces délits ne sont pas forcément orientés vers une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Les conducteurs ayant usurpé l’identité d’un tiers pourront par exemple faire l’objet d’une ordonnance pénale ou être convoqués en audience correctionnelle.
Outre la peine, le traitement de ces affaires permet également aux victimes de se constituer partie de civile et de solliciter une indemnisation. Tel n’a pas été le cas dans notre affaire, le frère de notre client n’ayant pas souhaité entreprendre des démarches qui auraient pu nuire longuement aux relations familiales. Mais un avis à victime lui avait bien été envoyé et il aurait parfaitement pu se rendre à l’audience (dans le cas présent, dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité la victime n’assite pas à l’entretien avec le procureur mais est présent lors de l’audience d’homologation).
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