CEA & Ethylomètre
A PROPOS DES VÉRIFICATIONS D'ALCOOLÉMIE
Pour ceux qui n’ont jamais été confrontés à cet appareil, un éthylomètre a la taille d’un ancien magnétoscope dans une valise métallique muni d’un tuyau et d’un embout dans lequel le conducteur est invité à souffler.
A l’issue du souffle, l’appareil affiche une mesure correspondant au taux d’alcool dans l’air expiré. Pour obtenir le taux d’alcool dans le sang, il suffira de multiplier par deux le taux indiqué par l’éthylomètre.
Les conditions d’utilisation des éthylomètres sont strictement posées par les textes et la jurisprudence, pour autant de nombreuses difficultés surgissent régulièrement concernant par exemple :
> Les deux souffles
> Le temps d’attente entre les souffles
> Les 30 minutes d’attente avant la première mesure
> L’identification et l’homologation de l’éthylomètre
> La vérification annuelle de l’éthylomètre
Deux mesures ou deux souffles de droit
Après le dépistage via un éthylotest et après un premier souffle dans l’éthylomètre, un deuxième souffle doit être proposé au conducteur.
Pour ce deuxième contrôle, le conducteur ne peut pas exiger le recours à une analyse de sang, la seconde mesure sera donc également effectuée par le biais d’un éthylomètre (voir par exemple : Crim., 27 octobre 1993 ; Crim., 11 juillet 1995, JA 1996, p. 651)
L’automobiliste à qui il n’est pas proposé de second contrôle pourra s’en prévaloir et solliciter une relaxe (voir par exemple Crim, 19 janvier 1994, JA. 1994 p. 168).
Le langage courant fait souvent référence aux deux souffles, il est toutefois intéressant de noter que les textes imposent en fait le droit pour le conducteur de solliciter un second contrôle. Cette nuance peut, parfois, prendre une importance toute particulière.
Ce fut, par exemple, le cas de l’espèce (il y a en a, en fait, eu toute une série) portée à la connaissance de la Cour d’appel d’Orléans qui a été confrontée à un éthylomètre réclamant deux souffles successifs pour délivrer une seule et unique mesure. « Les vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique sont déterminées par les articles L 234-4 et L 234-5 du code de la route et les modalités par l’article R 234-4 du même code. Selon ces textes, après avoir procédé à la mesure du taux d’alcool, l’officier ou l’agent de police judiciaire en notifie immédiatement le résultat à la personne faisant l’objet de la vérification ; il avise celle-ci qu’elle peut demander un second contrôle ; l’agent qui a procédé à la vérification peut également décider qu’il sera procédé à un second contrôle ; celui-ci est alors effectué après vérification du bon fonctionnement de l’appareil, et le résultat en est immédiatement porté à la connaissance de l’intéressé. Il ressort du procès-verbal susvisé que si Eric X… a soufflé à deux reprises dans l’éthylomètre, le résultat du premier souffle ne lui a pas été notifié. Il n’a pas été avisé de la possibilité de solliciter un deuxième contrôle et n’a pu, de ce fait, exercer ses droits. En effet, il n’importe que du fait de sa conception et de sa construction, l’appareil exige deux souffles successifs pour afficher une seule mesure, puisqu’un contrôle achevé suppose l’affichage de l’alcoolémie par l’appareil puis la notification du résultat affiché. En définitive, les deux « souffles » demandés par l’appareil ne pouvant être confondus avec les deux contrôles auxquels le prévenu avait légalement droit, il en résulte que la procédure est viciée par la violation des droits du prévenu, lequel se fait justement un grief de ce qu’il est privé du droit de demander à la cour de tirer la conséquence d’une distorsion des taux mise en évidence par deux contrôles successifs, le cas échéant. Le caractère nul du procès-verbal de constatation de l’infraction privant la procédure de toute force probante, le jugement sera infirmé et le prévenu renvoyé des fins de la poursuite. A défaut de connaître le taux d’alcoolémie que présentait le prévenu, son état d’ivresse manifeste étant par ailleurs insuffisamment établi, la cour relaxe Eric X… du délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique commis en récidive. » (CA Orléans, 2 décembre 2008, n° de RG: 08/00424)
Attention, celui qui a refusé un second contrôle ne pourra, bien évidemment, pas se plaindre de n’avoir bénéficié que d’une mesure.
Le taux retenu est le plus faible.
A lire : les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall pour LCI sur les marges d’erreur des éthylomètres
Aucun texte ne prescrit un temps d’attente entre les deux souffles.
Un autre délai est, par contre, souvent discuté en matière d’alcool au volant, il concerne les trente minutes avant lesquelles il ne serait pas possible de soumettre un conducteur aux épreuves de l’éthylomètre.
Le moment du contrôle
Ce « délai des 30 minutes » fait référence à un vice de procédure pouvant affecter la régularité de la mesure du taux d’alcoolémie par éthylomètre. Les notices d’utilisation des éthylomètres utilisés en France SERES OU DRAGER précisent très clairement que l’utilisation de l’appareil ne doit pas être opérée dans les 30 minutes qui suivent une consommation d’alcool ou l’absorption d’une fumée de cigarette. La prescription de ce délai par les concepteurs et fabricants des appareils correspond tout simplement à un risque de perturbation de la mesure. Et ce délai n’est d’ailleurs pas une spécificité française, il varie selon les pays 20 minutes, 25…30…
C’est notamment sur la base de ces notices qu’un bon nombre de juridictions avaient procédé à la relaxe de l’automobiliste en cas de non-respect de ce délai. La première décision avait été obtenue devant le TGI de Lure en 2007.
La question a, bien évidemment, été depuis portée devant les juridictions d’appel. Certaines ont suivi les premiers juges, d’autres non… Une réponse tranchée de la Cour de cassation était donc attendue, comme toujours avec impatience, par les professionnels.
La cour de cassation a eu l’occasion de se pencher sur la question en 2009.
Le premier arrêt rendu, sur cette question, le 7 janvier 2009 par la chambre criminelle se concluait par un rejet de l’argumentation de l’automobiliste. Celui-ci invoquait certes le non-respect du délai des 30 minutes. Mais comme il ressortait des termes mêmes de la décision « qu’il n’est pas allégué, que celui-ci avait fumé ou absorbé un produit dans les minutes ayant précédé son interpellation »… Sans fumée de cigarette ou d’absorption d’alcool dans les 30 minutes avant le contrôle, la mesure ne risque pas d’être perturbée… Sans grief pour le prévenu, pas de vice de procédure… Le rejet était donc logique. (Cour de cassation, chambre criminelle, 7 janvier 2009, n° de pourvoi: 08-83842)
Cette première intervention de la Cour de cassation ne réglait donc toujours pas le problème…
Les mois ont passé avant que la chambre criminelle ne se penche à nouveau sur la question. Dans son arrêt du 13 octobre 2009, la cour de cassation semble, à première vue, enterrer cet argument :
« Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu qui soulevait l’irrégularité des opérations de dépistage, en faisant valoir notamment que le temps d’attente de trente minutes entre l’absorption du produit et la mesure de contrôle par l’air expiré au moyen d’un éthylomètre prévu par l’arrêté du 8 juillet 2003 n’a pas été respecté, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen (qu’en affirmant, néanmoins, pour refuser d’annuler ce contrôle qui ne respectait pas les préconisations d’utilisation de l’appareil, et pour retenir sa culpabilité, que la circonstance qu’Alain X… ait été soumis à un contrôle d’alcoolémie seulement 10 minutes après son interpellation, n’est pas à elle seule de nature à caractériser un manquement aux prescription d’utilisation de l’appareil et que s’il affirme qu’il venait de sortir d’un restaurant, il n’en justifie nullement ; qu’il n’apporte pas la preuve du bien-fondé de sa contestation)
Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu ne rapporte pas la preuve d’un grief résultant du non-respect allégué du délai d’attente, la cour d’appel a justifié sa décision ;»
Cet arrêt de la cour de cassation met-il pour autant totalement fin à cette argumentation liée au délai des 30 minutes ? Pas totalement en fait.
En effet, la cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2009 revient sur les conditions dans lesquelles est rapportée la preuve de la consommation d’alcool. Pour la chambre criminelle le simple fait d’affirmer sortir d’un restaurant ne suffit pas à prouver que l’on a consommé de l’alcool dans les 30 minutes précédant le contrôle… Et, « au fond », elle n’a pas tort… Tout d’abord – et les aubergistes doivent regretter ce temps révolu – tous les clients d’un restaurant ne finissent pas leur repas par un digestif… et quand bien même tel serait le cas…il ne s’agit que d’une allégation…
La cour de cassation invite donc les conducteurs à dépasser le stade de la simple allégation.
Par la suite, la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer sa position en se cantonnant aux modalités de production de la preuve. Il n’est inutile, à ce propos, de rappeler que si le procès-verbal ne précise rien sur la problématique du délai, l’automobiliste n’aura pas à en combattre la force probante et pourrait prouver ses consommations d’alcool par tout moyen… Bien évidemment, ces moyens de preuve resteront à la libre appréciation du juge.(Pour un exemple d’attestations jugées non probantes, voir, par exemple : Crim. Cass., 5 janvier 2010, n° de pourvoi: 09-84440 rejetant le pourvoi engagé à l’encontre d’un arrêt de la CA Rennes : « aux motifs propres et non contraires des premiers juges qu’il appartient à Pascale X… de prouver le bien-fondé de l’exception qu’elle invoque à Pascale X… de prouver le bien-fondé de l’exception qu’elle invoque ; qu’il ne résulte ni de ses déclarations lors de son interpellation ni des pièces qu’elle verse aux débats la preuve qu’elle avait consommé des boissons alcoolisées au cours de trente minutes précédant le contrôle ; qu’en effet, les attestations qu’elle produit, établies en janvier 2008 par M. Y… et M. Z…, sont dépourvues de valeur probante, étant observé qu’après avoir attesté l’une et l’autre (les 7 et 10 janvier 2008) que Pascale X… s’était fait contrôler à 20 heures 30, alors qu’elle venait de consommer avec eux dans un bar, ces derniers, ont rédigé postérieurement deux nouvelles attestations rectificatives indiquant que le contrôle avait eu lieu à 21 heures 30 et non à 20 heures 30 comme indiqué par erreur ; que cette rectification démontre à suffire que les auteurs des attestations n’avaient pas une connaissance certaine de l’heure du contrôle, ce qui retire toute crédibilité à leur témoignage »)
Et l’on indiquera, également, aux lecteurs, que, malgré la position hésitante de la jurisprudence en la matière, bon nombre de brigades ont compris qu’effectivement ce délai posait un problème et soumettent l’automobiliste « à la question » : avez-vous consommé de l’alcool ou fumé une cigarette dans les 30 minutes… Les possibilités de soulever le non-respect des 30 minutes sont, donc, de fait plus limitées…
L'identification de l'éthylomètre utilisé
Avant toute chose, le recours à l’éthylomètre par les Forces de l’ordre implique pour que la procédure soit régulière une identification claire et sans équivoque de l’appareil. Toute confusion entre marque et modèle, ou incohérence sur ce point devra être soulignée devant le juge dans une optique de relaxe. La chambre criminelle est, en effet, sur ce point des plus exigeantes : « Attendu que, pour retenir la culpabilité de Djamel X… poursuivi pour délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique en récidive, l’arrêt, après avoir considéré que l’absence de numéro d’homologation ne permettait pas d’établir que l’éthylomètre utilisé était conforme à un modèle homologué, énonce que le prévenu avait effectué des zigzags et brûlé un feu rouge, que, de son propre aveu, il avait consommé plusieurs boissons alcooliques et que, selon les policiers, il sentait fortement l’alcool et se tenait à peine debout ; Mais attendu qu’en l’état de ces seules énonciations qui ne caractérisent pas la concentration d’alcool visée par l’article L. 234-1, I, du Code de la route, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision » (Cour de cassation, 8 février 2005, n°04-83925).
L’identification de l’appareil utilisé permettra effectivement de s’assurer de son homologation mais également de la validité de sa vérification périodique.
La vérification périodique de l'éthylomètre
Outre l’homologation, les appareils de métrologie légale dont les éthylomètres doivent faire l’objet d’une vérification périodique. Cette vérification doit être opérée chaque année. (Cf. Arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres)
La date de cette vérification doit pouvoir être vérifiée. Et c’est ce qu’exige la chambre criminelle de la Cour de cassation.
L’absence de précision quant à la date de contrôle de l’éthylomètre doit, en effet, conduire au prononcé de la nullité du procès-verbal.
La Cour de cassation a réaffirmé à de très nombreuses reprises sa position en la matière depuis notamment un arrêt du 11 mai 2006. Et s’il n’est pas le plus récent, l’arrêt rendu le 7 mars 2007 par la chambre criminelle présente l’intérêt d’une formulation des plus explicites et d’une exigence très stricte en la matière : « pour écarter l’argumentation du prévenu prise de l’absence de mention au procès-verbal de la date de la dernière vérification de l’éthylomètre, l’arrêt retient qu’en raison de la périodicité annuelle des contrôles, cette date peut être aisément déterminée en se référant à celle de la prochaine vérification de l’appareil figurant au procès-verbal ; Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; D’où il suit que la cassation est encourue »
C’est donc bien la date de la dernière vérification périodique qui doit apparaître et non une mention du type appareil « valable jusqu’au… »