Se prendre au jeu de la recherche de la bonne affaire, de l’achat et de la revente de véhicules ensuite peut, lorsqu’il devient trop fréquent, faire de l’amateur un vendeur imposable. Les explications de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la cour, Docteur en Droit qui revient sur une récente jurisprudence de la Cour administrative d’appel de Lyon en date du 13 octobre 2022.
Arrêt commenté : CAA de LYON, 5ème chambre, 13 octobre 2022, 21LY00960
Achat revente de véhicules quand le loisir devient une activité professionnelle
Passer des heures à traquer les bonnes affaires sur le Bon coin ou d’autres sites comme CarJager, les passionnés d’autos anciennes ou de véhicules sportifs connaissent… Et certains peuvent même se prendre au jeu à force d’enchaîner les épisodes télévisés de Wheeler Dealers ou Vintage Mecanic …
Si, d’un point de vue juridique, le fait de changer de véhicule qu’il s’agisse d’un véhicule neuf, d’un petit coupé sportif ou encore d’un véhicule de collection tous les deux ou trois ans n’appelle pas véritablement de commentaires, il en ira autrement à l’égard de celui qui va enchaîner les ventes d’automobiles à un rythme effréné…
La multiplication des cessions de véhicules pourrait transformer le simple amateur en professionnel de la vente automobile. L’acquisition de fait de ce nouveau statut pourra avoir de lourdes conséquences juridiques.
En matière de litiges liés à la cession d’un véhicule et je pense, par exemple, aux problématiques de vices cachés (Cf. articles 1641 et suivants du Code civil), le statut de vendeur professionnel impliquera une présomption de connaissance du vice ou du défaut affectant le véhicule.
Il sera, dès lors, possible, pour une juridiction, en présence d’un vendeur professionnel ou d’un particulier en ayant de fait la qualité, d’aller au-delà de la seule résolution de la vente en condamnant le vendeur à indemniser un certain nombre de postes de préjudice supplémentaires.
Nous reviendrons très certainement sur cette question à l’occasion d’un prochain dossier ou d’un prochain article consacré aux vices cachés automobiles mais la jurisprudence récente nous conduit à nous intéresser aux conséquences fiscales de l’acquisition du statut de vendeur professionnel.
Achat revente de véhicule d’occasion ou de collection : ne pas oublier les impôts !
À partir du moment où l’activité d’achat/vente de véhicules génère un revenu celui-ci va avoir vocation à être imposable.
Au-delà de l’imposition de ce revenu, le particulier qui aurait enfilé l’habit de vendeur professionnel s’expose également à de fortes pénalités.
C’est ce que rappelle notamment l’arrêt rendu par la 5ème chambre de la Cour administrative d’appel de Lyon, le 13 octobre 2022. La juridiction d’appel dans cette espèce a largement confirmé ce qui avait été retenu par les juges de première instance.
La Cour administrative d’appel de Lyon commence par rappeler les principes applicables en la matière :
Aux termes de l’article L. 110-1 du code de commerce : « La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre (…) » et en vertu de l’article 34 du code général des impôts : « sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale (…) ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l’accomplissement habituel d’opérations ayant le caractère d’actes de commerce, tels que l’achat en vue de la revente de biens meubles, caractérise l’exercice d’une profession commerciale dont les bénéfices sont, sauf disposition législative spécifique, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l’article 34 du code général des impôts, le seul fait de procéder à la vente de biens meubles, fût-ce de manière répétée, ne suffit pas à traduire l’exercice d’une telle profession lorsque ces biens n’ont pas été acquis en vue de leur revente.
CAA de LYON, 5ème chambre, 13 octobre 2022, 21LY00960, Inédit au recueil Lebon
Une activité d’achat revente de véhicules de collection qui génère un bénéfice imposable
Après le rappel des fondamentaux, la Cour administrative d’appel de Lyon met les mains dans le camboui et s’intéresse de près aux acquisitions et aux ventes efectuées par notre amateurs d’anciennes aux goûts d’ailleurs assez sûr puisque les juges ne manqueront pas de relever que pour la plupart ces véhicules arborent de beaux blasons: Porsche, Jaguar ou encore Mercedes…
Dans l’affaire portée à la connaissance des juges lyonnais l’amateur de belles mécaniques avait «acquis quatre véhicules au cours de l’année 2014 et (…) les a(avait) revendus quelques mois plus tard ainsi que deux autres véhicules qu’il avait achetés en 2013. Il a également revendu au cours de l’année 2015 cinq véhicules achetés entre 2013 et 2015 et pour trois d’entre eux détenus moins de 8 mois. Il est constant que ces transactions ont concerné, pour la plupart, des véhicules de marque Jaguar, Mercedes, ou Porsche, dont la mise en circulation datait de plus de trente ans et qui pouvaient être qualifiés de voitures de collection ». Si cet amateur soutient devant la justice « qu’il a procédé à ces opérations d’achat puis de revente dans le cadre d’un loisir personnel, il résulte des faits ainsi constatés par l’administration et rappelés dans la proposition de rectification (…) qu’eu égard au nombre d’opérations réalisées et à leur fréquence au cours des années 2014 et 2015, ces opérations doivent être regardées comme présentant un caractère habituel. En outre, dès lors que les véhicules revendus au cours des années d’imposition ne sont pas demeurés dans le patrimoine de (l’intéressé) pendant une longue période, l’administration a pu considérer que ces biens étaient destinés à être revendus dès leur acquisition. » Les époux ayant fait l’objet du redressement fiscal n’ont pas d’ailleurs contesté que « pour certaines ventes, (ils) avaient acheté des pièces détachées pour réparer le véhicule avant même son achat ce qui démontre une intention de le revendre, ce qu’il a fait dans une courte période. Enfin, il ressort de la proposition de rectification susvisée que (l’intéressé) a reconnu au cours de l’examen mené par l’administration avoir l’intention de « créer une structure afin d’exercer son activité d’achat-revente de façon régulière », activité qu’il a effectivement créée à compter de l’année 2018. Eu égard à ces circonstances, l’administration a pu à bon droit considérer que les biens en cause étaient destinés à être revendus dès leur acquisition et, en conséquence, à regarder M. A… comme exerçant une activité commerciale au sens de l’article 34 du code général des impôts et imposer les revenus issus de cette activité de revente dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. »
Pas de délaration d’impôt = majoration de 80%
Outre l’imposition des revenus dégagés par ces opérations de vente non déclarées à l’administration fiscale, le particulier reconnu comme ayant de fait exercé une activité commerciale s’expose en plus l’application de la majoration de 80% pour activité occulte.
Mais les particuliers qui avaient fait l’objet de ce redressement ne regretteront néanmoins pas le passage devant la cour administrative d’appel qui aura légèrement réduit la note en abaissant le prix de vente retenu dans le cadre du redressement pour une Mercedes 230 SL et une 280 SL. La base d’imposition aura, de ce faite un peu diminué (18000 euros en moins).
Entre l’imposition des plus-values générées par les opérations de cessions (procédure de l’évaluation d’Office Cf. Article L. 73 du livre des procédures fiscales) et la majoration de 80% pour activité occulte sans parler des frais de justice et d’avocat, pas sûr que cette activité ait été très rentable pour notre amateur d’anciennes… On pourra donc se rappeler de cette jurisprudence lyonnaise avant de craquer une nouvelle fois pour une belle petite anglaise présentée pour une bouchée de pain…
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