Déclarer à son assurance une valeur surcotée de son véhicule ne permettra pas de gagner le jackpot en cas de sinistre, ce qui n’empêche pas de faire assurer son véhicule pour sa véritable valeur qui parfois peut très largement dépasser la cote … Les conseils, jurisprudences à l’appui, de Maître Jean-Baptiste le Dall Avocat en droit automobile. Directeur scientifique des états généraux du droit automobile, Jean-Baptiste le Dall a notamment signé le guide juridique des véhicules de collection aux éditions ETAI – Argus de L’Assurance.
Assurer son véhicule c’est bien, l’assurer pour sa véritable valeur : c’est encore mieux. En présence de véhicules de collection, de véhicules sportifs ou haut de gamme, la valeur de l’automobile ou de la moto peut largement différer de celle de la cote. Les assurés ont alors intérêt à faire expertiser leurs véhicules pour pouvoir prétendre à une bonne indemnisation. Mais il n’est pas question de gonfler artificiellement la valeur de son véhicule.
Une expertise du véhicule pour la compagnie d’assurance
L’amateur de belles autos ou de véhicules anciens pourra trouver des prestataires qui se sont spécialisés dans l’assurance de véhicules de collection et de véhicules de prestige.
Souvent ces produits d’assurance permettent de proposer à l’amateur des tarifications plus basses permises par un taux de sinistralité plus bas. Les collectionneurs ont fréquemment plusieurs véhicules qu’ils ne font circuler que relativement peu diminuant mathématiquement le risque de survenance d’un accident. Ces véhicules font généralement l’objet de toutes les attentions de la part de leurs propriétaires, limitant là encore le risque de défaillance mécanique.
Auprès de ces spécialistes du véhicule de collection, l’automobiliste pourra également faire assurer son véhicule pour sa valeur véritable.
Il existe, bien sûr, des magazines ou des sites Internet spécialisés qui proposent des cotes à l’instar de la côte Argus pour les modernes. Néanmoins de par ses spécificités, de par la qualité des travaux de restauration menés sur le véhicule, de par sa rareté, etc., la valeur d’un véhicule de collection ou d’un véhicule exceptionnel peut, dans certains cas, largement dépasser la valeur de la cote que l’on peut retrouver sur ces magazines.
Pour pouvoir prétendre, en cas de sinistre, à une indemnisation en rapport avec la valeur véritable du véhicule, son propriétaire aura intérêt à la faire assurer pour un montant défini avec la compagnie d’assurance.
En règle générale l’assureur demandera à ce propriétaire de lui fournir un rapport d’expertise récent permettant de mieux appréhender la spécificité du véhicule et sa valeur.
Déclarer une valeur fantaisiste ne permettra pas de toucher le jackpot en cas de sinistre
Il existe quelques règles en matière d’assurance et l’une des plus connues permettra aux assurés de comprendre qu’il ne sert à rien de déclarer ou de faire assurer une voiture pour le double ou le triple de sa valeur.
En effet, la survenance d’un sinistre ne doit pas conduire à l’enrichissement sans cause de l’assuré.
Les dispositions du Code des assurances sont très claires sur ce point et écarteront le risque de gains indus par l’assuré dès lors que la compagnie d’assurance est en mesure de rapporter la preuve d’une « surassurance » :
« L’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ; l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. »
Article L. 121-1 du Code des assurances
« Lorsqu’un contrat d’assurance a été consenti pour une somme supérieure à la valeur de la chose assurée, s’il y a eu dol ou fraude de l’une des parties, l’autre partie peut en demander la nullité et réclamer, en outre, des dommages et intérêts.
S’il n’y a eu ni dol ni fraude, le contrat est valable, mais seulement jusqu’à concurrence de la valeur réelle des objets assurés et l’assureur n’a pas droit aux primes pour l’excédent. Seules les primes échues lui restent définitivement acquises, ainsi que la prime de l’année courante quand elle est à terme échu. »
Article L.121-3 du Code des assurances
C’est, également, ce qu’a pu rappeler, en présence d’une Dodge Viper largement surestimée, le Tribunal de Grande Instance de Paris dans un jugement de 2017.
« A la suite du sinistre, le demandeur a adressé le 24 juillet 2014 à son assureur un questionnaire dans le cadre duquel il a déclaré avoir acquis le véhicule moyennant la somme de 75.000 euros, dont 33.000 euros issus d’un prêt à la consommation. »
Aux termes des “Conventions spéciales véhicules de collection” applicables au contrat litigieux, il était prévu que la délivrance de la garantie soit subordonnée à une expertise préalable obligatoire du véhicule aux frais de l’assuré, la valeur agréée correspondant à l’indemnité versée à l’assuré cédant son véhicule en cas de perte totale.
Le demandeur verse au débat l’expertise réalisée à sa demande par Monsieur C A, “expert véhicules de collection et de prestige”, ayant estimé la valeur du véhicule à hauteur de 90.000 euros. »
Seulement voilà, le sinistre a lieu il y a déjà quelques années à une époque où la cote d’une Viper n’était pas forcément celle que l’on connaît aujourd’hui (et encore à 90000 euros, il faudrait vraiment que le véhicule soit exceptionnel, je laisse les amateurs se ruer les cotes spécialisées, il y a peut-être encore des affaires à réaliser ;). Et la preuve en est que « dans son rapport d’expertise en date du 2 mars 2015, Monsieur D E, expert mandaté par la compagnie d’assurance, a évalué la valeur du véhicule litigieux entre 40.000 et 45.000 euros, relevant que cette valeur n’avait pas subi de variation significative ces cinq dernières années. »
Le tribunal relève que « cette valeur est cohérente avec celle initialement déclarée par le demandeur lors de la souscription du contrat d’assurance AN325030, à savoir 45.000 euros, et il ressort en outre de l’attestation rédigée le 1er avril 2015 par Monsieur B Z lui-même que le véhicule a en réalité été acquis moyennant la somme de 43.000 euros. »
Pour la juridiction parisienne, cette Dodge Viper, « déclarée le 24 mai 2013 pour une valeur de 90.000 euros, a fait l’objet d’une surassurance au sens de l’article L. 121-3 » du Code des assurances.
Les magistrats n’ont dans cette affaire pas eu trop de questions à se poser puisque la compagnie d’assurance leur avait bien maché le travail avec notamment l’intervention d’un enquêteur à qui l’assuré a pu expliquer : « J’ai acheté ma Dodge Viper 1997 A9847QX à une société spécialisée dans l’importation pour la somme de 43.000€ dont 10.000€ correspondant aux frais d’homologation. J’ai souscrit un crédit à la consommation mais j’ai tout payé en espèce et je n’ai pas eu de facture. J’ai parfaitement conscience que Mr A a largement surestimé la valeur du véhicule ».
Le tribunal a, également, relevé que « la conscience qu’avait le demandeur de la valeur réelle du véhicule ressort du caractère mensonger des déclarations effectuées dans le cadre du questionnaire adressé le 24 juillet 2014 à la défenderesse, dans laquelle il a déclaré avoir acquis le véhicule moyennant la somme de 75.000 euros alors qu’il a par la suite reconnu l’avoir acheté pour la somme de 43.000 euros. »
Tribunal de grande instance de Paris, 4ème chambre 2ème , 30 novembre 2017
La règle : l’indemnisation du véhicule à sa véritable valeur
Le recours à une expertise pourra permettre à l’assuré de faire valoir une valeur correspondant réellement à son véhicule en cas de sinistre. Bien évidemment, cette expertise ne devra donner aucunement lieu (comme dans l’affaire de la Viper surestimée) à un rapport de complaisance. Le collectionneur pourra s’attacher les services d’un expert en automobile diplômé pour examiner et estimer son véhicule.
La valeur d’un véhicule de collection évoluant en fonction des tendances de la cote mais également en fonction des éventuelles interventions ou restaurations intervenues sur le véhicule, il ne sera pas inutile de procéder à une nouvelle expertise pour pouvoir présenter en cas de besoin une valeur actualisée du véhicule.
Ce rapport pourra permettre également la prise en compte, en cas de sinistre, d’équipements particuliers présents sur le véhicule pouvant lui apporter une valorisation particulière et pouvant avoir, intrinsèquement, une valeur importante. On pense, par exemple, à des jantes spécifiques ou à un hard top introuvable aujourd’hui sur le marché… Ce rapport pourra être agrémenté de photographies du véhicule et de ses équipements mais également de factures, qu’il s’agisse de factures de restauration ou d’entretien ou d’achat à commencer par la facture d’achat du véhicule.
Mais attention la facture d’achat du véhicule ne fait pas tout !
La Cour de cassation a eu l’occasion de la rappeler en 2019 à l’occasion de l’indemnisation d’une Lamborghini sérieusement endommagée après une première rencontre avec Peugeot Partner… puis après avoir repris la route… un flirt avec 40 mètres de glissière de sécurité.
Indemnisation par l’assurance : le prix d’achat ne fait pas la valeur !
Dans l’affaire que la Cour de cassation a eu à examiner le 7 février 2019, et le véhicule et les circonstances ont pu expliquer un long parcours judiciaire et une certaine réticence de la compagnie à indemniser son assuré.
Les procès-verbaux de constatation et d’audition établis par les services de police ont pu mettre en évidence qu’alors « qu’il circulait à très vive allure en empruntant toutes les voies de circulation de l’autoroute A15, M. A…, conducteur de la Lamborghini, a percuté au niveau de son avant gauche un véhicule Peugeot Partner ; que M. A… a proposé au conducteur de quitter l’autoroute pour rédiger un constat amiable puis s’est engagé sur une bretelle de sortie avant de reprendre l’autoroute ; que le véhicule Lamborghini a été retrouvé quelques kilomètres plus loin, abandonné par son chauffeur après avoir endommagé 40 mètres de glissière de sécurité ». (Cass. Civ. 2, 7 février 2019, n°17-31256)
L’assureur a refusé de prendre en charge le sinistre en se réfugiant derrière l’absence de production d’une facture d’achat du véhicule par son assuré (et il est vrai qu’il est étonnant de ne pas pouvoir produire de facture quand il s’agit d’un véhicule à 148 000 euros..). La compagnie a exigé la production de ce document pour, d’après elle, vérifier que la mise en œuvre des garanties n’allait pas aboutir à l’enrichissement de son assuré.
L’argumentation de la compagnie a reçu un accueil favorable de la part des magistrats de la Cour d’appel de Versailles qui ont estimé qu’il « est de principe que la mise en œuvre des garanties dues par l’assureur ne peut aboutir à l’enrichissement de l’assuré, que dès lors qu’il lui était demandé de mettre en œuvre sa garantie en versant à la société la valeur de remplacement du véhicule, il était légitime qu’afin de vérifier que le montant de l’indemnité sollicitée n’était pas supérieur au prix d’achat réel du véhicule, l’assureur réclame à l’assurée des pièces justifiant celui dont elle faisait état, et qu’à défaut d’avoir produit de telles pièces, (l’assuré )ne prouve pas que les conditions de la garantie demandée sont réunies ».
Fort heureusement, la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel en lui reprochant tout d’abord de ne pas avoir « précisé quelles étaient les stipulations contractuelles qui subordonnaient l’indemnisation de l’assuré à la production de pièces justifiant du prix d’achat réel du véhicule ».
Mais surtout la 2ème chambre civile vient rappeler qu’il est question ici du « versement de la valeur de remplacement » qui peut bien évidemment différer largement du prix d’achat. On pense immédiatement aux véhicules anciens qui prennent de la valeur avec les années. Et sans attendre que ne s’écoulent une, deux ou trois décennies entre l’achat et le sinistre, on pense également aux véhicules de prestige ou aux supercars (pour l’indemnisation d’un client n’ayant pas pu être livré de sa Porsche 918 et qui n’a pas pu profiter de l’explosion de la cote voir : Cour d’appel d’Aix en Provence dans son arrêt du 23 novembre 2021) dont les exemplaires d’occasion s’arrachent souvent bien plus cher que le tarif officiel du fait d’une forte demande (et c’est sans doute le cas d’une Lamborghini).
En matière de différence entre prix d’achat et valeur du véhicule, les exemples sont nombreux ! On pourra d’ailleurs commencer par ce qui est la règle, c’est-à-dire la perte de la valeur du véhicule avec le temps pour un modèle récent. Mais les exemples peuvent également concerner la situation inverse d’une valeur supérieure au prix d’achat, lorsque le nouveau propriétaire fait « une bonne affaire » ou tout simplement lorsque le véhicule est acheté dans le but de le restaurer ou le réparer (voir par exemple, pour une compagnie condamnée à indemniser son assuré plus que le prix d’achat : Cour d’appel de Besançon, 7 avril 2015, n° 13/02356, dans cette affaire l’assuré avait l’acquisition d’une Peugeot 406 qu’il avait lui-même réparée). On retiendra de ces jurisprudences que l’indemnisation de la compagnie en cas de sinistre portera sur non pas sur un prix d’achat (la plupart du temps plus d’actualité) mais sur la valeur réelle du véhicule. La compagnie pourra parfaitement écarter une valorisation fantaisiste comme elle l’a fait pour la Viper surassurée. Aussi pour éviter les déconvenues, en cas de coup dur, on ne pourra que conseiller de faire expertiser dans de bonnes conditions son véhicule et de conserver tous les éléments (factures notamment) amener à réévaluer l’estimation.
Contacter Maître le Dall pour une étude de votre dossier :
ledall@maitreledall.com
06 64 88 94 14 (ligne professionnelle)
2022 LE DALL AVOCATS
Droit automobile – Droit des mobilités – Avocat permis de conduire