Confiscation du véhicule : dans quels cas peut-on se faire immobiliser ou saisir son véhicule à la suite d’une infraction au Code de la route ? Comment réagir face à l’immobilisation de sa voiture ? Existe-t-il des recours ? Les explications et les conseils de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Confiscation du véhicule : on parle de quoi exactement ?
En pratique la peine de confiscation se traduit par la saisie du véhicule. Si celui-ci a déjà fait l’objet d’une immobilisation avec, par exemple, mise en fourrière directement après les faits, le propriétaire condamné ne revoit plus son véhicule. Si le véhicule n’a pas fait l’objet d’une immobilisation à la suite de l’infraction, le véhicule devra être remis aux forces de l’ordre. Le véhicule sera ensuite transféré au service des domaines qui procédera à sa vente. Le fruit de cette vente reviendra à l’Etat et non à l’ancien propriétaire. Dans le cas d’un véhicule hors d’usage ou de très faible valeur, le bien confisqué partira en destruction. Le véhicule pourra également être attribué à une brigade de gendarmerie ou un service de police.
A l’évidence une telle peine de confiscation peut s’avérer extrêmement sévère. La confiscation d’un scooter en bout de course n’aura que peu d’impact sur le patrimoine d’un conducteur condamné mais tel ne sera pas le cas en présence d’une voiture cotant encore plusieurs milliers (voire dizaine de milliers) d’euros. Pour certains foyers largement dépendants de la voiture pour les trajets domicile / travail ou même les besoins du quotidien, le véhicule est souvent le bien financièrement le plus important (ou celui qui vient après le logement pour les propriétaires de leurs résidences).
Malgré cela, le Conseil constitutionnel n’a pas trouvé à redire aux dispositions de « l’article 131-21 du Code pénal qui préserve le droit de propriété des tiers de bonne foi » cette peine de confiscation « n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit » (Décision n°2010-66 QPC du 26 novembre 2010).
Cette particulière sévérité n’a pas davantage ému la chambre criminelle de la Cour de cassation :
« En application des articles 131-21 du code pénal et R. 413-14-1 du code de la route, le conducteur d’un véhicule à moteur qui dépasse de plus de 50 km/ h la vitesse maximale autorisée encourt, à titre de peine complémentaire facultative, la confiscation du véhicule qui a servi à commettre cette infraction ; (…) cette sanction, à caractère principalement dissuasif, dont l’objet est de lutter plus efficacement contre les grands excès de vitesse et de réduire le nombre de morts et de blessés causés par les accidents de la route, répond à un impératif d’intérêt général et ne méconnaît aucun des principes conventionnels invoqués » (« de nécessité et de proportionnalité des peines »).
Cass. Crim. 10 février 2016, 15-82.324
Confiscation du véhicule : de plus en plus fréquent !
La peine de confiscation du véhicule du condamné n’est pas une nouveauté, et fait parler d’elle depuis une vingtaine d’années. Le régime juridique de la peine de confiscation avait, notamment, déjà été profondément remanié et élargi par une loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Cette peine de confiscation est, par contre, de plus en plus prononcée par les tribunaux. Le risque d’une telle condamnation n’est pas à négliger aujourd’hui dans le cadre de dossiers de délinquance routière. Et il sera souligné que la confiscation peut intervenir alors même que le véhicule n’a pas fait l’objet d’une mesure d’immobilisation avant l’audience. C’est ce que rappelle le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC n°2210-66 du 26 novembre 2010 : « lorsque la chose confisquée est un véhicule qui n’a pas été saisi ou mis en fourrière au cours de la procédure, le condamné doit, sur injonction qui lui en faite par le ministère public, remettre ce véhicule au service ou à l’organisme chargé de sa destruction ou de son aliénation ».
Évidemment, si le véhicule a été placé en fourrière jusqu’au jour du jugement, le risque de confiscation devient majeur… On pourra cependant rassurer le lecteur dont le véhicule aura fait l’objet d’une telle immobilisation. La décision prise par le procureur ne traduit pas systématiquement la volonté de requérir la confiscation du véhicule lors du jugement. La privation du véhicule pendant plusieurs mois et les frais de fourrière induits par une telle mesure peuvent constituer pour le parquet un moyen de sanctionner le conducteur de façon un peu détournée…
Confiscation du véhicule : une peine obligatoire ou pas
Le Code de la route en matière de confiscation de la voiture du conducteur condamné ou de son véhicule utilitaire ou de sa moto prévoit deux types de peine : une peine de confiscation que le tribunal peut prononcer s’il le souhaite et une peine de confiscation dite obligatoire.
La confiscation du véhicule : pour quelles infractions ?
Sans surprise, ce sont les poursuites pour délits routiers qui confronteront la plupart du temps le conducteur à un risque de confiscation de sa voiture ou de sa moto. On soulignera toutefois que la peine de confiscation est également prévue pour le grand excès de vitesse, en cas de dépassement de 50 km/h ou plus de la vitesse autorisée.
Parmi les délits pour lesquels le Code de la route prévoit une peine de confiscation on citera :
- le délit de fuite ;
- la conduite sans assurance ;
- le refus d’obtempérer ;
- le refus de se soumettre à vérification destinées à établir l’état d’alcoolémie ou l’usage de stupéfiants,
- la conduite sous l’empire d’un état alcoolique,
- la conduite en état d’ivresse manifeste,
- la conduite après usage de stupéfiants…
La peine de confiscation obligatoire du véhicule
Pour les infractions les plus graves, le Code de la route prévoit depuis la loi n° 2011-267 dite Loppsi 2 du 14 mars 2011 une peine de confiscation obligatoire du véhicule du conducteur condamné.
On retrouvera dans la pratique souvent cette peine pour les délits commis en état de récidive légale.
Dans le détail, on retiendra que les infractions pour lesquelles le Code de la route prévoit cette peine de confiscation du véhicule correspondent aux délits suivants :
- récidive de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ;
- récidive de conduite après usage de stupéfiants ;
- récidive de grand excès de vitesse supérieur ou égal à 50km/h de la vitesse maximale autorisée ;
- récidive de refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir l’état alcoolique ou l’usage de produits stupéfiants ;
- récidive de conduite d’un véhicule non équipé d’un système d’anti-démarrage, malgré une interdiction prononcée par un juge à la suite d’une condamnation pour alcool au volant ;
- homicide involontaire avec circonstances aggravantes ;
- blessures involontaires avec circonstances aggravantes ;
- récidive de blessures involontaires commises en état d’ivresse manifeste, sous l’empire d’un état alcoolique, sous emprise de stupéfiants ou d’un grand excès de vitesse supérieur ou égal à 50 km/h ;
- récidive de refus d’obtempérer ;
- conduite avec un faux permis de conduire.
La confiscation obligatoire du véhicule : pas toujours automatique
Contrairement à une peine de plein droit comme l’annulation judiciaire du permis de conduire en cas de récidive d’alcool au volant, la peine dite obligatoire de confiscation du permis du véhicule pourra être écartée dans certains cas.
En effet, les dispositions du Code de la route, prévoyant la confiscation obligatoire du véhicule ménagent toujours la possibilité pour le magistrat d’écarter cette peine en rendant une décision spécialement motivée en ce sens. En d’autres termes, le juge devra pour ne pas confisquer le véhicule du conducteur condamné expliquer noir sur blanc dans son jugement pour quelle(s) raison(s) il écarte cette peine.
Parmi les raisons qui pourront inciter le magistrat à ne pas confisquer le véhicule, on pourra par exemple citer : la situation professionnelle du prévenu (la personne convoquée), la valeur du véhicule (on pourra également communiquer à la juridiction des factures montrant des interventions récentes et coûteuses sur le véhicule), la situation de famille du prévenu et l’utilisation du véhicule par ses proches…
La loi ne précise pas la nature de cette motivation qui, conformément aux dispositions générales des deux premiers alinéas de l’article 312-24 du code pénal, doit porter sur les circonstances de l’infraction et la personnalité du prévenu, ainsi que sur la nécessité de prévenir la commission de nouvelles infractions. Compte tenu de la nature patrimoniale de la peine de confiscation, les charges et les revenus du prévenu et par voie de conséquence, la valeur du véhicule, peuvent être pris en compte. Lors des débats parlementaires, il a par ailleurs été mentionné le fait qu’une telle confiscation était susceptible de porter atteinte aux conditions de vie des proches du conducteur concerné.
Circulaire du 6 juillet 2011 relative à la présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale relatives à la lutte contre la violence routière résultant de la loi n° 2011- 267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité (NOR : JUSD1118695C)
Le conducteur et son avocat prépareront donc en amont un dossier de pièces montrant des circonstances particulières permettant de solliciter la restitution du véhicule.
Le magistrat ne sera, bien sûr, pas contraint de faire droit à une telle demande même étayée de pièces justificatives :
« en rejetant (…) la demande du prévenu, tendant à être dispensé de la confiscation obligatoire du véhicule dont il est propriétaire et dont il s’est servi pour commettre le délit de conduite en état d’ivresse manifeste en récidive, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre l’intéressé dans le détail de son argumentation, et qui n’a fait qu’user du pouvoir d’appréciation que lui reconnaît l’article L. 234-12, 1° du code de la route, a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles ».
Cass. Crim., 4 mars 2015, n°13-86954
Une demande de non confiscation qui doit être formulée
Ce n’est pas, parce que le Code de la route prévoit cette possibilité d’écarter la confiscation que le conducteur poursuivi devra négliger de formuler une demande en ce sens.
Il pourra souvent être souligné le caractère disproportionné de la peine de confiscation. Il sera d’autant plus important d’en faire état que le magistrat n’est en rien contraint d’en tenir compte si la question ne lui est pas soumise.
C’est ce que rappelle, par exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt de juin 2018 (Cass. Crim., 26 juin 2018, n°17-86678).
Pas toujours de confiscation du véhicule, mais attention aux frais de fourrière !
Le conducteur relaxé dont la voiture aurait été immobilisée pourra la récupérer sans avoir à assumer les frais d’enlèvement et de garde de celle-ci pendant la durée de l’immobilisation.
Il pourra toutefois lui être demander d’avancer les frais de fourrière pour en sortir son véhicule. Le conducteur devra alors solliciter ensuite le remboursement par les services de l’État.
A l’inverse, le conducteur qui serait condamné et dont le véhicule n’aurait finalement pas été confisqué, devra s’acquitter des frais d’enlèvement et de garde journaliers du véhicule. Pour des procédures longues (et l’on pense, par exemple, à certains dossiers jugés par la Cour d’appel), les frais de fourrière pourront s’avérer non négligeables…
La confiscation du véhicule : uniquement possible en cas de condamnation
La chose peut sembler évidente : la confiscation ne pourra être prononcée par le tribunal que si le conducteur est reconnu coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Mais cette évidence a dû toutefois être rappelée par la Cour de cassation à des juridictions ayant décidé de prononcer une peine de condamnation à l’encontre de propriétaires certes reconnus innocents mais dont le véhicule ne répondait pas forcément aux exigences légales et réglementaires :
Vu l’article 131-21 du code pénal :
7. Il résulte de ce texte que la confiscation obligatoire, peine complémentaire encourue dans les cas prévus par la loi, ne peut être prononcée que lorsque le prévenu est déclaré coupable.
8. Pour ordonner la confiscation du véhicule du demandeur après l’avoir relaxé du chef de recel, l’arrêt attaqué relève que l’article L. 317-2 du code de la route réprime le fait de faire usage d’une plaque ou d’une inscription, exigée par les règlements en vigueur et apposée sur un véhicule à moteur ou une remorque, portant un numéro, un nom ou un domicile faux ou supposé, et qu’en l’espèce, si la procédure n’a pas permis d’établir que le prévenu est l’auteur de la contrefaçon constatée par le rapport technique, faits infractionnels pour lesquels il n’est pas poursuivi, il demeure constant que le véhicule contrôlé et saisi est un véhicule contrefait, la contrefaçon portant sur un élément essentiel d’identification du véhicule.
9. Les juges énoncent qu’il résulte de la combinaison de l’article précité avec l’article 131-21 du code pénal que la confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné et que ne peut donc pas être remis en circulation un véhicule dont il est établi qu’il est contrefait, la contrefaçon portant sur un élément essentiel d’identification.
10. Ils ajoutent qu’au surplus les dispositions de l’article R. 322-1 du code de la route imposent au propriétaire d’un véhicule d’assurer la conformité de celui-ci à un type CE réceptionné ou à un type national réceptionné, au sens des articles R. 321-6 et R. 321-15 du même code.
11. La cour d’appel relève qu’en l’espèce, outre le fait que M. [K] a déclaré avoir remplacé lui-même certaines pièces de son véhicule sans en donner la liste exhaustive, il est établi que le véhicule présente des pièces contrefaites ou modifiées, certaines portant sur l’entité technique du véhicule comme des traces de soudure sur le pourtour du numéro de série frappé, ces soudures n’étant pas d’origine et résultant d’un remplacement de la tôle support afin de mettre en lieu et place un autre numéro de série.
12. Elle conclut que ce véhicule, n’ayant pas été soumis à un nouveau passage aux mines, reste en infraction et ne peut être valablement assuré en l’état et que l’ordre public impose qu’il soit retiré de la circulation routière.
13. En se déterminant ainsi, alors qu’elle venait de relaxer le demandeur des fins de la poursuite, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
14. La cassation est par conséquent encourue.
Cass. Crim., 13 octobre 2021, n°20-86868
Attention, en présence d’un véhicule immobilisé, en cas de relaxe ou en cas de non-confiscation dans le cadre d’une procédure de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité, il conviendra de solliciter la main-levée de la mesure d’immobilisation et la restitution du véhicule.
Le principe : la confiscation du véhicule utilisé au moment des faits
Les différentes dispositions du Code de la route qui envisagent une peine de confiscation (qu’elle soit obligatoire ou non) visent toutes le seul véhicule utilisé au moment de l’infraction.
Le propriétaire de plusieurs véhicules qui serait confronté à des poursuites délictuelles à la suite d’une ou plusieurs infractions graves au Code de la route devra se faire du souci pour le véhicule utilisé au moment des faits, mais ne sera pas inquiété pour les autres.
L’exception en matière de confiscation : le refus d’obtempérer
Les dispositions de l’article L233-1 du Code de la route qui prévoient et répriment le délit de refus d’obtempérer précisent en effet :
I.-Le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
III.-Toute personne coupable du délit prévu au I encourt également les peines complémentaires suivantes :
5° La confiscation du véhicule dont le condamné s’est servi pour commettre l’infraction, s’il en est le propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, s’il en a la libre disposition, à la condition, dans ce second cas, que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ait été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi ;
6° La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
Article L233-1 du Code de la route
Le conducteur condamné pour refus d’obtempérer pourrait ainsi se voir confisquer plusieurs de ses véhicules, et l’on pourrait même imaginer que le magistrat ne confisque qu’un seul de ses véhicules, alors que celui-ci, n’aurait pas été utilisé au moment des faits.
On pourrait, par exemple, penser au cas d’un artisan condamné pour récidive d’alcool au volant. Le tribunal sensible à ses contraintes professionnelles pourrait décider de ne pas confisquer le véhicule utilitaire lui permettant la poursuite de son activité, mais pourrait confisquer un autre véhicule lui appartenant.
La confiscation du véhicule appartenant au condamné
En principe si le véhicule utilisé pour la commission d’un délit routier appartient à un tiers, même en présence d’un délit commis en état de récidive légale, la peine de confiscation ne pourra pas être prononcée par la juridiction. Le véhicule pourra toutefois faire l’objet d’une mesure d’immobilisation temporaire (7 jours).
Quid en cas de véhicule en copropriété ?
La confiscation de la voiture immatriculée au nom de Monsieur/ Madame : c’est possible ?
On pense tout de suite à la voiture du foyer qui a été immatriculée aux deux noms. Par le passé les Cartes Grises étaient établies au nom de Monsieur/Madame, les Certificats d’immatriculation permettent aujourd’hui de mentionner deux cotitulaires.
Rappelons tout de suite que le Certificat d’immatriculation, comme avant la Carte Grise, n’est pas un titre de propriété. C’est ce que rappelle régulièrement la jurisprudence à ce sujet, et on invitera le lecteur à la consultation d’un arrêt particulièrement clair rendu par la Cour de cassation en septembre 2019 (Cass. Crim., 11 septembre 2019, n°19-80300).
En cas de risque de confiscation du véhicule, la mutation du Certificat d’immatriculation pour la mise aux deux noms du couple ou au nom de Madame uniquement risque de se montrer peu efficace pour sauver la voiture des griffes de la justice…
A lire ou à relire : Héritage ou confiscation comment détermine-t-on la propriété d’un véhicule ?
Mais dans bien des cas l’immatriculation d’une automobile au nom des deux personnes en couple correspond bien à une réalité économique : le véhicule appartient bien aux deux.
Pendant longtemps, la multipropriété d’un véhicule et notamment dans le cas des couples mariés n’a guère préoccupé les juridictions qui prononçaient la peine de confiscation sans réel état d’âme.
Les juridictions y ont été, d’ailleurs, largement encouragés par les services du Garde des sceaux à l’époque. La circulaire du 6 juillet 2011 précise, en effet, que « la confiscation obligatoire s’applique (…) dans le cas où le condamné est copropriétaire du véhicule, conformément aux dispositions générales du deuxième alinéa de l’article 131-21 du code pénal sur la peine de confiscation, précisant que la nature des biens, divis ou indivis, est sans incidence. »
La seule perspective pour l’épouse du conducteur à l’encontre duquel aurait été prononcée une peine de confiscation du véhicule familial de récupérer si ce n’est sa voiture tout du moins une partie de l’argent qu’elle a consacré à son achat résidait dans le divorce… Au moment de la liquidation du régime matrimonial, l’épouse pourra faire valoir ses droits et réclamer à son ancien conjoint la moitié de la valeur de l’auto… (Voir par exemple sur cette question pour la confiscation de biens immobiliers : Cass. Crim., 9 septembre 2020, n°18-84619) encore faut-il que l’ancien conjoint ait les moyens de payer… Et pour le conjoint qui choisirait de ne pas divorcer… rien n’était prévu pour éviter la confiscation de son bien ou permettre une indemnisation…
Le sort réservé (théoriquement) par la justice aux copropriétaires de biens pouvant faire l’objet de peines de confiscation semble désormais un peu plus enviable.
Cette évolution est à mettre au crédit de la jurisprudence européenne avec plusieurs arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui sont venus renforcer les droits des propriétaires de bonne foi (voir, notamment : CJUE, 13 janvier 2021, n°393/19)
La CJUE estime que « la directive 2014/42, lue en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose à une réglementation nationale qui permet la confiscation, au profit de l’État, d’un bien dont il est allégué qu’il appartient à une personne différente de l’auteur de l’infraction pénale, sans que cette personne ait la faculté de se constituer partie à la procédure de confiscation. »
Pour la CJUE, « cette directive impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les personnes concernées par les mesures qu’elle prévoit, y compris les tiers alléguant ou dont il est allégué qu’ils sont les propriétaires des biens dont la confiscation est envisagée, aient droit à un recours effectif et à un procès équitable pour préserver leurs droits. En outre, la directive prévoit plusieurs garanties spécifiques afin d’assurer la sauvegarde des droits fondamentaux de tels tiers. Parmi ces garanties se trouve le droit d’avoir accès à un avocat pendant toute la procédure de confiscation, qui comporte à l’évidence le droit pour ces tiers d’être entendus dans le cadre de cette procédure, y inclus le droit de faire valoir leur titre de propriété sur les biens concernés par la confiscation. »
CJUE, 21 octobre 2021 affaires jointes n°845/19 et n°863/19 Okrazhna prokuratura – Varna
Mais le récent mouvement jurisprudentiel n’émane pas que la CJUE, le Conseil constitutionnel a été saisi de toute une série de Questions prioritaires de constitutionnalité qui ont conduit à une censure des dispositions du Code pénal permettant le prononcé de peines de confiscation (voir : Décision n° 2021-899 QPC du 23 avril 2021 sur la conformité des dispositions de l’article 225-25 du Code pénal ; et Décision n° 2021-932 QPC du 23 septembre 2021 (Société SIMS Holding agency corp et autres) sur celle des dispositions l’article 131-21 du code pénal).
Le Conseil constitutionnel s’est rapidement retrouvé confronté à la question des véhicules appartenant à la fois au conducteur condamné et sa compagne.
A la suite de deux Questions Prioritaires de Constitutionnalité – QPC (arrêts de renvoi : Cass. Crim., 15 septembre 2021 n°21-82389, Cass. Crim., 15 septembre 2021 n°21-90029), des compagnes confrontées à la confiscation de leurs biens ont mis en avant devant le Conseil Constitutionnel que le dispositif mis en place par l’article 131-21 du Code pénal ne prévoyait pas que le conjoint soit cité à comparaitre, qu’il soit informé de son droit à présenter des observations de son droit de se faire représenter par un avocat ou encore de son droit de faire appel de sa décision…
Ces nouvelles saisines amènent le Conseil constitutionnel à déclarer contraires à la Constitution les 2ème, 4ème, 5ème, 6ème, 8ème et également 9ème alinéas de l’article 131-21 du Code pénal.
Voir, Conseil Constitutionnel, décision QPC n°2021-949/950 du 24 novembre 2021
Ces décisions ont à leur tour conduit le législateur à revoir sa copie en matière de confiscation. C’est dans ces conditions que la loi n°2021-129 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire est venue remanier les dispositions de l’article 131-21 du Code pénal.
Le dernier alinéa de cet article 131-21 précise désormais que :
Hors le cas mentionné au septième alinéa (des objets qualifiés de dangereux ou nuisibles) lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels toute personne autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si cette personne dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n’a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’elle revendique et sa bonne foi.
Article 131-21 du Code pénal
Un décret n°2021-1794 du 23 décembre 2021 est venu, dans la foulée, préciser les modalités de mise en œuvre de l’information des tiers en matière de confiscation.
Un article D. 45-2-1 bis a été, ainsi, inséré dans le Code de procédure pénale : « en application du dernier alinéa de l’article 131-21 du code pénal, lorsqu’est susceptible d’être prononcée par le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels la confiscation d’un bien sur lequel une personne autre que le prévenu dispose d’un droit de propriété, y compris s’il s’agit de l’époux du prévenu et que le bien fait partie de la communauté, que ce titre est connu ou que cette personne a réclamé cette qualité au cours de la procédure, le ministère public avise celle-ci par tout moyen de la date d’audience, au moins dix jours avant celle-ci. Ce délai de dix jours n’est pas applicable si le tribunal est saisi selon la procédure de comparution immédiate.
« Cet avis informe la personne que la confiscation de ce bien peut être ordonnée et qu’elle a le droit de présenter elle-même ou par un avocat ses observations à l’audience, le cas échéant selon les modalités prévues au troisième alinéa, aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu’elle revendique et sa bonne foi. Cet avis précise que la personne devra si nécessaire communiquer tout justificatif établissant son titre de propriété.
« Ces observations peuvent être faites par un document écrit remis au greffe du tribunal correctionnel et consigné par le greffier soit avant l’audience, soit pendant l’audience, ou adressé au greffe du tribunal par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception parvenue au moins 24 heures avant la date d’audience.
« Si le bien avait été placé sous main de justice, la personne peut demander sa restitution en application de l’article 479. Elle peut alors prétendre à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie de ce bien.
« Si la confiscation du bien est prononcée par le tribunal, la personne est informée par tout moyen de cette décision et, lorsque celle-ci est devenue définitive, elle peut demander la restitution de ce bien en application de l’article 710.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en ce qui concerne la confiscation obligatoire des objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite.
« Il n’y a pas lieu d’aviser la personne mentionnée au premier alinéa de la date d’audience conformément aux dispositions du présent article si celle-ci est convoquée comme témoin devant le tribunal correctionnel. Dans ce cas, lors de son audition, le président lui rappelle qu’elle peut faire ses observations sur la peine de confiscation qui est susceptible d’être prononcée.»
Article D. 45-2-1 bis du Code de procédure pénale
Le décret du 23 décembre 2021 précise que ces dispositions sont également applicables devant le tribunal de police.
La Circulaire du 27 décembre 2021 relative aux dispositions de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire tirant les conséquences de décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel (n° NOR : JUSD2138990 C) apporte une précision importante pour les conjoints des conducteurs condamnés :
Même si les dispositions législatives ont été adoptées avant la décision n° 2021-949/950 QPC du 24 novembre 2021, ces nouvelles dispositions – législatives et réglementaires – permettent de prendre également en compte cette décision par laquelle le Conseil constitutionnel a à nouveau déclaré contraire à la Constitution l’article 131-21 du code pénal au motif que cet article ne prévoit pas que l’époux non condamné doit être mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation devant la juridiction de jugement qui envisage de la prononcer lorsque celle-ci porte sur un bien commun
La confiscation du véhicule qui n’appartient pas au conducteur
Les propos et les jurisprudences de la Cour de Justice de l’Union Européenne et du Conseil Constitutionnel trouveront bien sûr à s’appliquer en présence de n’importe quel tiers propriétaire du véhicule immobilisé et en possible voie de confiscation. La protection offerte par la nouvelle rédaction des dispositions de l’article 131-21 du Code pénal ne sera pas superflue, car la jurisprudence, y compris la plus récente, a pu offrir des exemples (certes rares) de confiscations de véhicules n’appartenant pas au conducteur condamné (voir : Cass. Crim., 8 juin 2022, n°21-85422).
A lire ou à relire : Confiscation du véhicule : un risque même pour une voiture qui n’appartient pas au conducteur
Dans le dernier arrêt à l’occasion duquel la Cour de cassation avait confirmé la confiscation d’un véhicule, il avait été souligné que « le propriétaire du véhicule, qui connaissait le comportement routier du prévenu, a menti aux enquêteurs pour tenter de protéger celui-ci, et ne peut donc être considéré comme étant de bonne foi. » Le propriétaire malheureux avait donc été privé de sa Mercedes…
Mais les Mercedes auront, à nouveau après cet arrêt de 2022, donné l’occasion à la Cour de cassation de revoir sa copie sur la question de la bonne ou mauvaise foi d’un propriétaire d’un véhicule confisqué.
Confiscation du véhicule appartenant à un tiers : revirement de jurisprudence
Le tiers propriétaire de bonne ou de mauvaise foi
Dans un arrêt du 28 juin 2023, en présence de différents biens confisqués par la justice dont une Mercedes et une Ford Focus, la Cour de cassation est revenue sur la notion de bonne ou de mauvaise foi du propriétaire. Pour la Cour de cassation, il ne s’agit plus de poser un « jugement de valeur » sur ce propriétaire comme cela se pratiquait jusqu’à présent avec parfois l’impression que la jurisprudence assimilait en quelque sorte propriété de mauvaise foi et complicité (on pense, par exemple, au propriétaire prêtant son véhicule à quelqu’un dont il sait qu’il n’a pas de permis de conduire).
Désormais la Cour de cassation considère que la notion bonne foi porte sur la conscience de la réalité de la propriété.
Sur le moyen, en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la confiscation du véhicule Mercedes 350 immatriculé et ses accessoires
24. Pour confirmer la confiscation du véhicule, les juges retiennent, après avoir énoncé les motifs propres à établir que celui-ci est à la libre disposition de M. [T] [A], que Mme [W] [U] ne démontre pas sa bonne foi, ne sachant pas comment M. [A] avait les moyens de payer les mensualités et l’entretien du véhicule.
25. Ils ajoutent que la confiscation est proportionnée car Mme [W] [U] n’est pas la véritable propriétaire du véhicule.
26. En prononçant ainsi, par des motifs dont il se déduit que Mme [W] [U] savait qu’elle n’était pas la propriétaire économique réelle du véhicule, en sorte qu’elle n’était pas de bonne foi, la cour d’appel, qui s’est par ailleurs assurée que la confiscation ne portait pas au droit de propriété de l’intéressée une atteinte disproportionnée, en retenant qu’elle n’était pas la propriétaire économique réelle du bien confisqué, a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.
Mais sur le moyen, en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la confiscation du véhicule Ford Focus immatriculé
Vu l’article 131-21, alinéas 1 et 5, du code pénal :
27. Selon ce texte, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement.
28. S’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s’expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n’ont pu en justifier l’origine.
29. Pour confirmer la confiscation du véhicule, l’arrêt retient que la carte grise indique que son propriétaire est Mme [H] [U] mais qu’il ressort des éléments du dossier qu’il est utilisé par MM. [T] et [K] [A], ce dernier n’ayant pas interjeté appel du jugement ayant déclaré qu’il avait la libre disposition du véhicule.
30. Les juges ajoutent que Mme [H] [U] ne donne aucun renseignement sur le financement du véhicule et son entretien.
31. En se déterminant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas recherché, pour établir la mauvaise foi de Mme [H] [U], si cette dernière savait que M. [K] [A] était le propriétaire économique réel du véhicule, a insuffisamment justifié sa décision
Cass. Crim., 28 juin 2023, n° 22-85091
Confiscation du véhicule : des choses à ne pas faire !
Il pourrait être tentant de soustraire le véhicule à la justice. Le Code pénal prévoit toutefois des sanctions lourdes
« Est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (…)
le fait, par une personne recevant la notification d’une décision prononçant à son égard (…) la confiscation d’un véhicule (…) de refuser de remettre (…) le bien (…) confisqué à l’agent de l’autorité chargé de l’exécution de cette décision. »
Article 434-41 aliéna 3 du Code pénal
Et pour celui qui préférerait mettre le feu à son véhicule plutôt que de le voir s’en aller, les peines prévues sont exactement les mêmes…
« Est puni des mêmes peines le fait de détruire, détourner ou tenter de détruire ou de détourner un véhicule immobilisé ou un véhicule, une arme, tout autre bien, corporel ou incorporel, ou un animal confisqués »
Article 434-41 alinéa 2 du Code pénal
On rappellera également que la mutation de Certificat d’immatriculation en dernière minute avant le passage au tribunal faisant apparaître un conjoint, un père, une mère, une fille ou fils comme nouveau propriétaire résistera mal aux réquisitions d’un Procureur ne voulant pas voir le prévenu quitter la salle d’audience avec le véhicule (comme exposé précédemment le Certificat d’immatriculation n’est pas un titre de propriété).
Immobilisation ou confiscation du véhicule : des recours possibles
Confronté à une éventualité forte de confiscation le conducteur poursuivi pour délit routier aura tout intérêt à se rapprocher de son avocat pour anticiper le rendez-vous judiciaire et limiter au maximum le risque de prononcé d’une telle peine.
Même en cas d’immobilisation du véhicule, des démarches et des recours peuvent être engagés en vue de la restitution du véhicule, notamment lorsque le véhicule n’appartient pas en réalité au conducteur poursuivi en justice.
Le cabinet se tient à la disposition de ses clients pour envisager toutes les stratégies de défense qui pourraient être déployées en cas d’immobilisation ou de risque de confiscation du véhicule.
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