Un refus de priorité à piéton est une infraction qui peut entraîner la perte du permis de conduire avec un retrait de 6 points. Les explications et les conseils de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, auteur commentateur du Code de la route aux Editions de l’Argus de l’Assurance.
Refus de priorité à piéton : des sanctions renforcées !
Le Décret n° 2018-795 du 17 septembre 2018 relatif à la sécurité routière est, en effet, venu muscler le dispositif répressif, en faisant passer le nombre de points retirés à la suite de cette infraction de quatre à six.
Ce décret de 2018, ainsi, a fait de cette infraction de refus de priorité piéton l’une des contraventions les plus gourmandes en termes de nombre de points retirés.
En pratique, en matière de contraventions seuls le grand excès de vitesse au-delà de 50 km/h et l’alcool au volant coûtent aussi cher au contrevenant.
Pour un jeune conducteur en permis probatoire, cette infraction pourra lui faire perdre son permis de conduire d’un seul coup (la limite de points retirés à 2/3 est calculée sur le nombre maximal de points à savoir 12 et non 6).
Les dispositions de l’article R415-11 du Code de la route prévoient ainsi que :
« Tout conducteur est tenu de céder le passage, au besoin en s’arrêtant, au piéton s’engageant régulièrement dans la traversée d’une chaussée ou manifestant clairement l’intention de le faire ou circulant dans une aire piétonne ou une zone de rencontre.
Le fait, pour tout conducteur, de ne pas respecter les règles de priorité fixées au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
Tout conducteur coupable de cette infraction encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.
Cette contravention donne lieu de plein droit à la réduction de six points du permis de conduire. »
Article R415-11 du Code de la route
Une infraction qui peut être constatée « en direct » avec arrestation
Cette infraction pourra être constatée par des agents circulant en voiture ou même à pied aux abords du lieu de commission. Elle pourra même, dans certains cas, être constatée par le piéton lui-même… lorsqu’il s’agit d’un agent des forces de l’ordre (tel fut le cas, par exemple, dans une affaire portée à la connaissance de la Cour de cassation le 15 décembre 2015 avec un commissaire de Police de Créteil en civil traversant sur un passage piéton… Cf. Cass. Crim., 15/12/2015 n °15-81322)
Dans cette hypothèse, les agents dresseront directement sur place la verbalisation et recueilleront les éventuelles observations du conducteur. Celui-ci recevra quelques jours plus tard un avis de contravention directement à son domicile.
On attirera l’attention du lecteur sur les risques de suspension immédiate du permis de conduire si le refus de priorité à piéton est commis alors que le conducteur est également verbalisé pour téléphone portable au volant (Cf. Décret n° 2020-605 du 18 mai 2020 portant diverses dispositions en matière de sécurité routière).
Contravention de refus de priorité à piéton par PV à la volée
Les agents des forces de l’ordre qui voient sous leurs yeux un automobiliste ou un motard refuser la priorité à un piéton régulièrement engagé pourront l’arrêter et procéder au contrôle routier. Ils pourront aussi tout simplement relever le numéro de la plaque minéralogique. S’il ne leur est pas possible de stopper le véhicule, ils rédigeront alors un PVe qui entraînera l’émission d’un avis de contravention à destinataire du titulaire du certificat d’immatriculation.
Contravention de refus de priorité à piéton par vidéoverbalisation
L’infraction de refus de priorité à piéton également être constatée par vidéo verbalisation avec un agent derrière à son écran qui choisira de verbaliser le conducteur. Là encore, l’avis de contravention sera émis par le Centre national de traitement automatisé de Rennes et envoyé au titulaire du certificat d’immatriculation.
Contestation de l’identité du conducteur au volant ou au guidon et absence de retrait de point
L’avis de contravention pour refus de priorité piéton (qui est envoyé au titulaire du certificat d’immatriculation en cas de vidéoverbalisation) pourra être contesté notamment si le véhicule avait été prêté à un tiers au moment de l’infraction.
Le titulaire du certificat d’immatriculation qui est souvent le propriétaire du véhicule pourra s’il n’était pas au volant moment des faits : soit désigner la personne à qui il avait prêté le véhicule, soit contester être l’auteur des faits, mais indiquer ne pas être en possibilité de préciser le nom du véritable conducteur.
En cas de désignation du véritable conducteur, le titulaire du certificat d’immatriculation prendra soin de remplir le formulaire de requête en exonération (case numéro 2) et indiquera les coordonnées de ce conducteur. Attention, le propriétaire ne devra pas, à ce stade, payer l’amende, il reviendra au conducteur désigné de s’en charger après qu’il ait été destinataire d’un nouvel avis de contravention.
Le destinataire de l’avis de contravention peut également ne pas être en mesure de désigner le véritable conducteur au moment des faits, tout simplement, parce qu’il ne s’en souvient plus ou qu’il l’ignore totalement… Il devra donc utiliser également le formulaire de requête en exonération. Il cochera, par contre, la case numéro trois. Dans son courrier de contestation, il expliquera ne pas être l’auteur des faits, mais ne pas être en mesure d’indiquer les coordonnées du conducteur véritable.
Il pourrait également utiliser le site de l’ANTAI pour contester sa verbalisation, ce qui lui permettra d’économiser un courrier recommandé.
Contrairement à la désignation, le destinataire de l’avis de contravention qui conteste en être l’auteur de l’infraction devra verser une consignation pour que sa contestation puisse être recevable.
Pas de point en moins, mais une amende plus salée !
Dans le cas où le titulaire du certificat d’immatriculation nie avoir été l’auteur des faits, il reviendra à l’officier du ministère public (OMP) de tenter de rapporter la preuve contraire.
Si cette preuve ne peut pas être rapportée (parce que le véhicule a été aperçu au loin par exemple), le tribunal de police relaxera le destinataire de l’avis de contravention. Mais attention, si ce dernier évitera toute condamnation pénale (et donc la douloureuse décision de retrait de 6 points du permis de conduire), il n’échappera peut-être pas à une amende corsée.
On rappellera que dès lors qu’une amende forfaitaire est contestée, le juge qui examine l’infraction retrouve la possibilité d’utiliser toute la palette de sanctions prévues par le Code de la route.
Dans ce cas de figure, l’absence de condamnation pénale limitera les possibilités… Les dispositions de l’article L. 121-3 du Code de la route prévoient, toutefois, un mécanisme de responsabilité financière pour le titulaire du certificat d’immatriculation.
Même si celui-ci n’est pas condamné pénalement, il pourra donc être condamné à une amende civile dont le montant pourra s’avérer beaucoup plus important que les 90 ou 135 € de départ…
Les dispositions de l’article L.121-3 du Code de la route et la responsabilité pécuniaire ne seront bien évidement pas applicables au conducteur ayant été arrêté (Cf. Cass. Crim., 6 janvier 2004, n°03-85498).
Refus de priorité au piéton : l’infraction qui peut être constatée sur un passage clouté protégé ou ailleurs…
Bien évidement l’infraction pourra être commise à l’encontre d’un piéton empruntant un passage « clouté » protégé mais également en dehors de ces passages.
Pour le passage, le fait de passer avant le piéton en se déportant, par exemple, sera considéré comme un refus de priorité (sauf à ce que soit rapportée la preuve contraire aux constatations du PV voir : Cass. Crim 18 juin 2013, n°13-80098)
Et le piéton qui traverse au rouge ?
Les dispositions de l’article R415-11 du Code de la route font référence à un « piéton s’engageant régulièrement dans la traversée d’une chaussée ». Rapporter la preuve que ce piéton traversait au rouge pourrait permettre au conducteur de soutenir que ce piéton ne s’était pas engagé régulièrement et donc que l’infraction visée par les dispositions de l’article R 415-11 du Code de la route n’est pas constituée…
Le refus de priorité à piéton : aussi en dehors des clous
Le Code de la route impose normalement aux piétons d’utiliser les passages protégés sauf… à ce qu’il n’en y ait pas à proximité.
« Les piétons doivent traverser la chaussée en tenant compte de la visibilité ainsi que de la distance et de la vitesse des véhicules.
Ils sont tenus d’utiliser, lorsqu’il en existe à moins de 50 mètres, les passages prévus à leur intention.
Aux intersections à proximité desquelles n’existe pas de passage prévu à leur intention, les piétons doivent emprunter la partie de la chaussée en prolongement du trottoir.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux aires piétonnes et aux zones de rencontre. »
Article R412-37 du Code de la route
Pour les piétons qui traverseraient n’importe où sans respecter les prescriptions du Code de la route, les sanctions s’avéreront assez peu dissuasives avec une amende d’un montant de… 4 euros…
Refus de priorité à piéton : une infraction au Code de la route parfois très subjective
Les dispositions de l’article R415-11 du Code de la route font référence à un piéton « manifestant clairement l’intention de » traverser la chaussée. Pourra donc se poser la question de l’intention de traverser ou plutôt de la manifestation de cette volonté…
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