Après une infraction grave au Code de la route, le conducteur se voit généralement remettre un avis de rétention de permis couvrant une période de 72h ou 120 h pendant laquelle il lui sera fait interdiction de reprendre le volant. C’est aussi pendant ce délai que le préfet prendra un arrêté de suspension de permis de conduire qui pourra être notifié au conducteur en infraction plusieurs jours après… Mais parfois la décision de suspension de permis de conduire par le préfet surviendra des semaines après les faits. C’est l’arrêté de suspension 1F. Des moyens de se défendre ? Des recours ? Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit fait le tour de la question pour vous, jurisprudence à l’appui.
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Après l’avis de rétention : la suspension du permis de conduire par le préfet
L’avis de rétention du permis de conduire qui est notifié au conducteur contre la remise de son permis de conduire couvre une période de 72 h ou 120 h (en matière d’alcool au volant, de conduite après usage de stupéfiants ou de refus d’obtempérer) pendant laquelle la reprise de la conduite est bien évidemment interdite et au cours de laquelle le préfet prendra une décision de suspension de permis de conduire. Ce délai de 72 ou 120 h est un délai de prise de décision et non pas de notification. La plupart du temps la notification de l’arrêté de suspension de permis de conduire pris par le préfet sera effectuée par le biais de l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception. La notification peut également être opérée par les agents lors d’une audition ultérieure.
On comprendra qu’il est fréquent que les conducteurs en infraction ne reçoivent notification de la mesure préfectorale que 5 ou 6 jours après la fin du délai de 72 ou 120 heures. Mais plus les jours passent, plus les semaines passent, plus il devient improbable de recevoir un arrêté 3F. L’hypothèse n’est pas à exclure totalement car rappelons-le le Code de la route ne prévoit aucun délai de notification…
Rétention du permis de conduire, mais pas de nouvelle d’une suspension préfectorale
Attention, beaucoup de conducteurs dans cette situation vont respecter les consignes des agents des forces de l’ordre : « ne conduisez plus ». Effectivement il n’est pas question de reprendre le volant pour un conducteur qui serait sous le coup d’un avis de rétention ou d’une mesure de suspension. Beaucoup de conducteurs considèrent qu’il n’y a pas lieu à se soucier de la chose puisque, de toute façon, ils devront encore affronter un rendez-vous judiciaire et que la privation de conduite qui leur est imposée après la commission de l’infraction viendra se déduire d’une peine complémentaire de suspension de permis de conduire qui serait prononcée par le juge. Ils n’ont pas tout à fait tort pour peu qu’un arrêté préfectoral ait bien été pris. Si le jour de jugement aucune trace ne peut être rapportée de la prise d’un arrêté de suspension provisoire 3F ou 1F, la sanction judiciaire s’appliquera dans sa pleine durée sans aucune prise en compte de la période de privation du permis de conduire consécutive à la constatation de l’infraction.
L’intéressé aura donc tout intérêt à s’enquérir de l’existence d’un arrêté qui aurait été pris ou non à son encontre. En l’absence d’arrêté, le conducteur dont le permis aurait été retiré dans le cadre d’un avis de rétention pourra en demander la restitution aux services préfectoraux. Les conducteurs poursuivis pour des faits d’alcool ou de stupéfiants au volant en état de récidive légale devront en effet avoir à l’esprit que les peines d’annulation du permis qu’ils encourent ne prennent aucunement en compte la mesure de suspension préfectorale.
Pas d’arrêté préfectoral 3F mais toujours un risque de suspension préfectorale du permis de conduire !
Passé le délai de 72 h ou de 120 h prévu par l’avis de rétention, le risque pour le conducteur en infraction d’une prise d’arrêté de suspension n’est pas à négliger. Effectivement la procédure standard implique une prise de décision dans un délai relativement bref. Dans de nombreux cas en l’absence de notification dans la dizaine de jours suivant la rétention du permis de conduire, le conducteur pourra espérer récupérer son permis de conduire. Il pourra, pour ce faire, se rapprocher des services préfectoraux (passé un délai de 12h suivant lui-même la fin du délai de la rétention, la préfecture devient l’interlocuteur naturel du conducteur pour les questions relatives à la validité et l’éventuelle suspension du titre). Bien évidemment, même en l’absence de notification de la part de la préfecture au bout d’une semaine, le conducteur n’est pas pour autant tiré d’affaire. Le conducteur devra encore affronter la justice, et la suspension de permis qui aurait pu être évitée dans la foulée des faits pourra être prononcée par le juge… (parfois reculer pour mieux sauter en somme). Mais avant le tribunal, le conducteur pourra encore faire l’objet d’une mesure de suspension par le préfet. La préfecture ne fera pas parvenir à l’intéressé un classique arrêté 3F mais un arrêté 1F.
Pour la prise de cet arrêté 1F, le préfet n’est plus enfermé dans le délai de 72 ou 120 heures de l’avis de rétention. La prise d’un arrêté de suspension de permis de conduire 1F peut parfaitement intervenir des semaines et même des mois après les faits.
Pour cette raison, il sera recommandé aux conducteurs dans cette situation à savoir une absence de notification d’un arrêté 3F dans les jours suivants les faits de se rapprocher de leur avocat pour anticiper une stratégie de défense efficace.
La prise de l’arrêté 1F de suspension de permis de conduire : sous conditions
Si la prise d’un arrêté 1F peut survenir bien après les faits, elle obéit toutefois à certaines règles. Le Préfet qui envisage la prise d’un arrêté de suspension de permis de conduire 1F devra préalablement à sa décision recueillir les observations de l’intéressé.
Depuis 2016, le Conseil d’Etat n’a eu de cesse de rappeler la nécessité pour le préfet de respecter le formalisme exigé par le Code des relations entre le public et l’administration :
« En l’absence d’une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ; que le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d’une situation d’urgence, que s’il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers »
CE, 5e – 4e ch. réunies, 28 septembre 2016, n° 390439
Le Conseil d’Etat a pu réaffirmer sa position en la matière à différentes reprises en 2016, en 2017, en 2021.
Le Conseil d’Etat considère que la violation du principe du contradictoire en la matière doit entraîner l’annulation de la décision préfectorale. Seule l’hypothèse d’une urgence caractérisée peut dispenser le préfet du respect de ce formalisme.
4. Considérant que la décision par laquelle un préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l’article L. 224-7 du code de la route est une décision individuelle défavorable qui doit être motivée en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ; que, depuis la suppression par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit des dispositions de l’article L. 224-8 du code de la route qui prévoyaient que la suspension prononcée par le préfet en application de l’article L. 224-7 intervenait après avis d’une commission spéciale devant laquelle le conducteur ou son représentant pouvait présenter sa défense, aucune disposition ne fixe des modalités particulières pour le recueil des observations du conducteur ; qu’en l’absence d’une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ; que le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d’une situation d’urgence, que s’il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la suspension litigieuse est motivée par la circonstance que lors du contrôle réalisé le 18 octobre 2013, M. A… conduisait sous l’empire de stupéfiants avec 1,60 nanogramme de cannabis par millilitre de sang ; qu’il ne ressortait pas du dossier que M. A… se fût auparavant rendu coupable d’infractions ou délits liés à la consommation de stupéfiants ni qu’il aurait eu, le jour de son interpellation, une conduite dangereuse ; que l’administration se bornait à affirmer devant les juges du fond que M. A… avait antérieurement commis, à des dates qu’elle ne précisait pas, des dépassements de la vitesse autorisée ; qu’en estimant que ces éléments ne caractérisaient pas une urgence ou des circonstances exceptionnelles telles que le préfet ne pouvait, avant de prendre la décision attaquée sur le fondement de l’article L. 224-7 du code de la route, informer l’intéressé qu’il envisageait de prendre cette décision et l’inviter à présenter ses observations, le tribunal administratif de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit et a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; que le ministre de l’intérieur n’est, dès lors, pas fondé à demander l’annulation du jugement du 16 décembre 2014 ;
CE, 9ème chambre, 4 novembre 2016, n° 388030
7. Considérant que la décision par laquelle un préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l’article L. 224-7 du code de la route est une décision individuelle défavorable qui doit être motivée en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration ; que, depuis la suppression par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit des dispositions de l’article L. 224-8 du code de la route, qui prévoyaient que la suspension prononcée par le préfet en application de l’article L. 224-7 intervenait après avis d’une commission spéciale devant laquelle le conducteur ou son représentant pouvait présenter sa défense, aucune disposition ne fixe de modalités particulières pour le recueil des observations du conducteur ; qu’en l’absence d’une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ; que le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d’une situation d’urgence, que s’il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers ;
8. Considérant qu’à la date à laquelle a été pris l’arrêté du 7 avril 2016, le permis de conduire de M. A… était suspendu par l’effet de l’arrêté du 4 avril jusqu’au 4 juillet 2017 ; que, dans ces conditions, l’intéressé se trouvant empêché de conduire un véhicule, aucune urgence ne dispensait l’administration de recueillir ses observations sur la nouvelle mesure qu’elle envisageait de prendre ; qu’il est constant que cette formalité n’a pas été accomplie ; qu’il suit de là que l’arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions citées au point 6 ; que M. A… est, par suite, fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 7 avril 2016 du préfet de la Haute-Marne ;
CE, 5ème chambre, 7 décembre 2017, n°407700
Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet des Hautes-Pyrénées n’a apporté, en première instance, aucun élément de nature à établir que la suspension contestée revêtait un caractère d’urgence dispensant l’administration d’une procédure contradictoire préalable et a, au contraire, soutenu que cette procédure contradictoire avait été respectée. Par suite, si le ministre de l’intérieur, qui ne conteste pas en cassation que le permis de conduire de Mme B… a été suspendu sans procédure contradictoire préalable, soutient dans son pourvoi, en produisant des pièces nouvelles, qu’une situation d’urgence justifiait que l’administration soit dispensée de cette formalité, un tel moyen revêt un caractère nouveau en cassation et est, par suite, inopérant.
CE, 5ème chambre, 20 avril 2021, n°438114
La jurisprudence la plus récente des tribunaux administratifs montre également l’attachement des juridictions à ce que soit démontrée de façon indiscutable une dangerosité du comportement routier qui dispenserait un Préfet du respect du formalisme prévu par la loi du 12 avril 2000 et par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration. On pourra, par exemple, se référer à de récentes décisions des Tribunaux administratif de Marseille (24 janvier 2023) ou de Nancy (26 décembre 2022).
5. Il n’est pas contesté qu’en dépit de la mention, dans les visas de l’arrêté attaqué, tenant au défaut d’explication de l’intéressé dans les délais impartis, mention résultant de la simple reprise du modèle de décision référencée « 1 F » utilisé pour adopter la décision attaquée, le permis de conduire de M. B a été suspendu, le 17 octobre 2022 sans procédure contradictoire préalable. Cette suspension est motivée par le dépassement de 42 km/h de la vitesse autorisée commis le 13 octobre 2022 par l’intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. B est titulaire du permis de conduire depuis 1982, et le relevé d’information intégral édité le 29 novembre 2022 fait apparaître que ce permis était alors crédité de douze points. Si la préfète de police des Bouches-du-Rhône souligne que ce relevé fait apparaître trois infractions au code de la route correspondant à l’usage du téléphone, au non-respect de l’arrêt à un feu rouge et à un stationnement gênant ou dangereux, ces infractions ont respectivement été commises trois ans, six ans et quatorze ans avant la décision contestée et sont donc anciennes. Les excès de vitesse apparaissant sur ce relevé sont inférieurs à 20 kilomètres heure et sans commune mesure avec l’infraction commise le 13 octobre 2022. Au vu de ces éléments, et dans les circonstances de l’espèce, le grave excès de vitesse commis par M. B ne pouvait suffire à caractériser une dangerosité du comportement routier de ce conducteur telle que l’administration aurait été en droit de se dispenser du respect du formalisme prévu par la loi et de s’abstenir d’informer l’intéressé qu’elle envisageait de suspendre son permis de conduire pour une durée de cinq mois et de l’inviter à présenter ses observations. Il suit de là que M. B est fondé à soutenir que la décision qu’il conteste a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière qui l’a privé d’une garantie.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B est fondé à demander l’annulation de la décision référencée « 1 F » du 17 octobre 2022 par laquelle la préfète de police des Bouches-du-Rhône a prononcé la suspension de la validité de son permis de conduire pour une durée de cinq mois. Il y a lieu, par voie de conséquence, d’enjoindre à la préfète de police des Bouches-du-Rhône de lui restituer son permis de conduire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement.
Tribunal administratif de Marseille, 7è ch, 24 janvier 2023, n°2209817
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la suspension en litige est motivée par la circonstance que lors du dépistage salivaire réalisé le 25 janvier 2022, M. C avait fait usage de cannabis, ce qui a été confirmé par l’analyse toxicologique du 31 janvier 2022. Si l’usage de cannabis est susceptible de créer un risque grave à la sécurité des usagers de la route et de l’intéressé lui-même, notamment, comme en l’espèce, en cas de récidive, il n’est pas contesté que le préfet, qui n’invoque d’ailleurs aucune situation d’urgence, n’a décidé de suspendre la validité du permis de conduire de M. C que le 7 février 2022. Dans ces conditions, et alors qu’aucune pièce du dossier ne permet d’établir qu’il aurait eu, le jour de son interpellation, une conduite ou un comportement dangereux, M. C est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait se dispenser, avant de prendre la décision attaquée sur le fondement de l’article L. 224-7 du code de la route, d’informer l’intéressé qu’il envisageait de prendre cette décision et l’inviter à présenter ses observations. Il n’est pas contesté qu’aucune procédure contradictoire n’a été mise en œuvre et M. C, qui a ainsi été privé d’une garantie, est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 7 février 2022 pour ce motif.
Tribunal administratif de Nancy, Juge unique (chambre 1), 26 décembre 2022, n° 2200397
À lire également à propos d’un arrêt du Conseil d’Etat du 24 mai 2024, n°474548
Une procédure contradictoire qui peut être écartée en cas d’urgence
Le préfet peut passer outre la procédure du contradictoire et le recueil des observations de l’intéressé avec la prise d’un arrêté 1F en cas d’urgence, lorsque le profil du conducteur laisse à l’évidence craindre un comportement à risque pour les autres usagers de la route.
Le conducteur qui aurait ainsi multiplié les infractions graves au Code de la route ne pourra pas se prévaloir du fait que le préfet ne lui ait pas donné l’occasion de s’exprimer avant la prise de l’arrêté de suspension.
On soulignera, par contre, que la gravité des faits pour lesquels l’administration envisage une mesure de suspension de permis de conduire ne serait traduire à elle seule un comportement routier à risque chez l’intéressé.
3. La décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l’article L. 224-7 du code de la route, qui est une mesure de police et doit être motivée en application de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, est soumise au respect d’une procédure contradictoire préalable. En l’absence d’une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations. Le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d’une situation d’urgence, que s’il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l’accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers.
4. En l’espèce, il est constant que l’arrêté en litige a été édicté plus de cinq mois après l’accident survenu le 22 mai 2022 et la suspension du permis de conduire de M. A résultant de l’avis de rétention pris en conséquence. Il ressort en outre des pièces du dossier que le rapport d’analyse du prélèvement sanguin effectué à cette date a été rendu dès le 1er juin 2022, mais qu’il n’a été transmis que le 27 octobre 2022 par les services de la gendarmerie au préfet du Finistère. Aussi, la décision de suspension en litige ne saurait être regardée comme résultant d’une situation d’urgence, eu égard au comportement de M. A à l’encontre duquel le préfet ne fait d’ailleurs valoir aucune autre infraction, dès lors que son permis de conduire lui avait été restitué 72 heures après sa rétention, l’intéressé ayant ainsi retrouvé ses droits à conduire depuis la fin du mois de mai 2022. Par ailleurs, la circonstance que le taux d’alcool dans le sang du requérant s’élevait à la date de l’accident à 2,07 grammes ne saurait être regardée comme une circonstance exceptionnelle justifiant l’absence de mise en œuvre, dans le délai ainsi écoulé, de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l’article L. 121-1 précité. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu’il a été privé d’une garantie entachant l’arrêté d’une irrégularité de nature à entrainer son annulation.
Tribunal administratif de Rennes, Vice-président 6ème chambre, 29 mars 2023, n° 2206419
La jurisprudence a pu rappeler qu’une infraction isolée ne caractérise pas une situation d’urgence au sens du Code des relations entre le public et l’administration.
4. En l’espèce, s’il ressort des pièces du dossier que Mme A a, le 3 septembre 2021, fait l’objet d’un dépistage positif à l’usage de plantes classées comme stupéfiants, et notamment au cannabinoïdes, le préfet du Finistère n’établit pas qu’elle aurait commis d’autres infractions. Dans ces conditions, compte tenu du caractère isolé de cette infraction, elle ne caractérise pas une situation d’urgence au sens du code des relations entre le public et l’administration. Par suite, le préfet du Finistère devait inviter Mme A à présenter ses observations avant de suspendre le permis de conduire de l’intéressée. Dès lors qu’il n’y a pas procédé, son arrêté du 15 septembre 2021 suspendant le permis de conduire de la requérante pour une durée de 6 mois doit être annulé, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête.
Tribunal administratif de Rennes, Mss 6ème chambre, 27 juillet 2022, n° 2105051
Cette analyse pourra même être retenue par certaines juridictions alors même que l’intéressé fait l’objet de poursuites pour des faits commis en état de récidive légale :
5. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la suspension en litige est motivée par la circonstance que lors du dépistage salivaire réalisé le 25 janvier 2022, M. C avait fait usage de cannabis, ce qui a été confirmé par l’analyse toxicologique du 31 janvier 2022. Si l’usage de cannabis est susceptible de créer un risque grave à la sécurité des usagers de la route et de l’intéressé lui-même, notamment, comme en l’espèce, en cas de récidive, il n’est pas contesté que le préfet, qui n’invoque d’ailleurs aucune situation d’urgence, n’a décidé de suspendre la validité du permis de conduire de M. C que le 7 février 2022. Dans ces conditions, et alors qu’aucune pièce du dossier ne permet d’établir qu’il aurait eu, le jour de son interpellation, une conduite ou un comportement dangereux, M. C est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait se dispenser, avant de prendre la décision attaquée sur le fondement de l’article L. 224-7 du code de la route, d’informer l’intéressé qu’il envisageait de prendre cette décision et l’inviter à présenter ses observations. Il n’est pas contesté qu’aucune procédure contradictoire n’a été mise en œuvre et M. C, qui a ainsi été privé d’une garantie, est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 7 février 2022 pour ce motif.
Tribunal administratif de Nancy, Juge unique (chambre 1), 26 décembre 2022, n° 2200397
Une urgence à suspendre un permis de conduire en cohérence avec la date des faits
Une situation d’urgence peut donc permettre à un Préfet de passer outre la procédure contradictoire, mais évidemment dans cette hypothèse la date à laquelle serait pris l’arrêté pourra éventuellement permettre de remettre en cause la réalité de l’urgence.
C’est ce que ne manque pas de rappeler la jurisprudence :
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A a été contrôlé positif le 19 septembre à 20h30 aux stupéfiants. Son permis a été retenu pour une durée de 72h puis la décision de suspension a été prise le 26 septembre 2019. Le préfet des Côtes d’Armor soutient qu’il se trouvait dans une situation d’urgence. Si le comportement du conducteur est susceptible, au cas d’espèce, de constituer un danger pour lui-même ou pour les tiers la décision attaquée a été prise sept jours après le constat des faits, sans que le préfet des Côtes-d’Armor ne fournisse d’explications à ce délai. Dès lors, il n’établit pas s’être trouvé dans une situation d’urgence à la date de la décision attaquée ni, par la suite, avoir pu légalement se dispenser de recueillir les observations de M. A.
6. Il résulte de ce qu’il précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 26 septembre 2019 doit être annulée.
Tribunal administratif de Rennes, Vice-président 6 ème chambre, 27 juillet 2022, n° 1906092
Une notification tardive qui peut remettre en cause l’urgence permettant au Préfet de passer outre le contradictoire
Si la tardiveté de la prise de décision pourra conduire à s’interroger sur la réalité de l’urgence dont se prévaut le préfet, il en va de même pour la notification. La notification plusieurs semaines après les faits d’une mesure de suspension prise elle dans les heures suivants les faits pourra entraîner l’annulation de cette décision si les observations de l’intéressé n’ont pas été recueillies.
C’est ce que montre la jurisprudence y compris en présence de décisions de suspension provisoires 3F :
6. Une décision portant restriction des droits à conduire n’est cependant opposable à un conducteur qu’à la condition de lui avoir été notifiée. Si les conditions de notification d’une décision sont sans incidence sur sa légalité, en revanche, elles peuvent être prises en compte par le juge pour apprécier la réalité de l’urgence et les contraintes pour le respect de la procédure contradictoire à l’encontre du contrevenant qui a commis une infraction telle que celle mentionnée au point 2.
7. Il résulte en l’espèce de l’instruction que la décision « 3 F » datée du 11 mars 2022 à 16h12 prise par délégation pour le préfet de police à la suite de l’infraction commise le jour-même à 14h40 a été notifiée à M. B par un courrier daté du 27 avril 2022, l’informant de la perte de validité de son titre de conduite en raison de la mesure de suspension, à compter de la date de notification de ce courrier, courrier posté en recommandé le 2 mai suivant et reçu par l’intéressé le 3 mai 2022. Ce délai particulièrement long de sept semaines, malgré le caractère dérogatoire des dispositions applicables au litige, avant que la décision ne soit opposable au contrevenant aurait pu permettre au préfet d’informer M. B de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui était offerte de présenter des observations dans les conditions prévues par les dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration. Dans ces conditions, M. B est fondé à soutenir qu’en ne lui permettant pas de présenter ses observations avant l’édiction de sa décision, le préfet de police l’a privé de la garantie instituée par les dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B est fondé à demander l’annulation de la décision du 11 mars 2022, notifiée par courrier du 27 avril 2022, par laquelle le préfet de police a suspendu pour une durée de cinq mois la validité de son permis de conduire.
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 3ème chambre (j.u.), 26 juillet 2022, n° 2209220
Dans la pratique, cette demande d’observations prendra la forme d’un courrier recommandé en provenance de la préfecture invitant l’intéressé à faire parvenir les éléments qu’il souhaite porter à la connaissance du préfet avant une telle décision. Les préfectures précisent dans ce courrier, le délai imparti aux conducteurs pour se manifester auprès du préfet, souvent une dizaine ou une quinzaine de jours.
Le respect de la procédure du contradictoire lors de la prise d’une mesure de suspension : à prouver par l’administration
En cas de recours devant une juridiction administrative, il reviendra au préfet de rapporter la preuve que le principe du contradictoire a bien été respecté avant sa prise de décision.
En l’espèce, le requérant se prévaut de ce que, malgré la mention « Vu le défaut d’explications de l’intéressé dans les délais impartis » figurant dans l’arrêté, il n’a fait l’objet d’aucune procédure contradictoire. La préfète de police des Bouches-du-Rhône, auquel la requête a été communiquée le 19 octobre 2022, n’a pas produit, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée par une lettre du 8 décembre 2022. L’inexactitude du fait allégué par M. C ne ressort d’aucune des pièces versées au dossier. La préfète est dès lors réputée avoir acquiescé à ce fait allégué conformément aux dispositions précitées au point 6. Dans ces conditions, alors que la préfète de police des Bouches-du Rhône n’a pas estimé devoir fonder son intervention sur les dispositions de l’article L. 224-2 du code de la route, lesquelles, compte tenu d’une situation d’urgence, l’aurait dispensé du respect de la procédure contradictoire, le moyen tiré de l’absence de respect de cette procédure doit être accueilli.
Tribunal administratif d’Orléans, Urgences – juge unique, 12 avril 2023, n° 2203697 – Pièce n°11
Une demande d’observations écrites et non de simples déclarations en audition ou en garde à vue
Le recueil d’observations auprès de l’intéressé ne pourra pas se confondre avec l’audition réalisée par les forces de l’ordre après la constatation des faits dans le cadre de l’enquête en vue des poursuites pénales.
C’est ce qu’il ressort de la jurisprudence :
12. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, s’il a été indiqué à M. Y, lorsqu’il a été entendu par la gendarmerie le 6 juin 2013, qu’il était soupçonné d’avoir conduit son véhicule après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et si le requérant a été informé à cette occasion, pour la première fois, de ce que « l’autorité préfectorale peut prendre une mesure administrative interdisant de conduire sur le territoire national », les observations de l’intéressé ont été immédiatement recueillies, sans qu’aucun délai n’ait été laissé à M. Y entre cette information et ces observations ; qu’il ressort d’ailleurs du procès-verbal d’audition que les observations formulées par l’intéressé au cours de cette audition n’ont pas porté sur l’éventuelle mesure administrative dont il pourrait ainsi faire l’objet ; que M. Y n’a pas été entendu ultérieurement avant l’édiction de l’arrêté litigieux ; que l’administration, alors qu’il lui était loisible de le faire, n’a pas informé l’intéressé de sa faculté de présenter des observations écrites ; qu’eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, M. Y ne peut pas être regardé comme ayant bénéficié d’un délai suffisant pour lui permettre de présenter utilement ses observations avant l’intervention de la mesure de suspension critiquée ;
13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’arrêté attaqué doit être annulé ;
Tribunal administratif de Dijon, 12 novembre 2013, n° 1301935
La jurisprudence montre donc que les mesures de suspension de permis de conduire 1F prise peuvent être combattues efficacement devant les juridictions administratives. Et même si l’annulation de la décision préfectorale de suspension de permis de conduire ne remettra aucunement en cause la procédure pénale, elle pourra permettre au conducteur de conserver sa mobilité et d’arriver devant le juge avec son permis de conduire…
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