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Dispense de peine et infraction au Code de la route : comment éviter un retrait de point sur son permis de conduire

Dispense de peine et infraction au Code de la route : comment éviter un retrait de point sur son permis de conduire

Un arrêt récent du Conseil d’État (CE, 5ème ch., 6 août 2021, n°445514) offre l’occasion de revenir sur un mécanisme parfois oublié en matière de permis à points : la dispense de peine qui évite au contrevenant la perte de point malgré une condamnation pour infraction au Code de la route. Les explications de Me Jean-Baptiste le Dall.

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Une dispense de peine qui peut permettre de sauver son permis de conduire !

Par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit

Président de la Commission ouverte Droit routier du Barreau de Paris

Directeur scientifique des États Généraux du Droit Automobile

Le Code de la route prévoit différents facteurs permettant le prononcé d’une décision de retrait de points. Tous les conducteurs savent, par exemple, que le paiement de l’amende forfaitaire entraîne reconnaissance de l’infraction et permet d’établir la réalité de cette infraction. Le Code de la route prévoit également que la décision de retrait de point pourra intervenir en présence d’une condamnation définitive. Pour autant une décision de justice condamnant un contrevenant (ou même un délinquant, puisque ce principe peut tout à fait s’appliquer à propos d’un délit routier) mais le dispensant de peine ne peut être assimiler à une condamnation permettant la prise d’une décision de retrait de point.

Dispense de peine = pas de retrait de point de permis de conduire

C’est ce qu’avait clairement posé le Conseil d’État dans un arrêt du 16 juin 2004 :

« La dispense de peine exclut l’application des dispositions prévoyant des interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu’elles soient qui résulteraient de plein droit d’une condamnation ». Le Conseil d’État qui interprète strictement ces dispositions en déduit « qu’une décision par laquelle le juge pénal déclare le titulaire d’un permis de conduire coupable d’une infraction justifiant un retrait de points de son permis mais le dispense de peine ne saurait être assimilée à une condamnation au sens de l’article L. 11-1 du code de la route et ne peut légalement fonder un retrait de points ».  

CE, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 16 juin 2004, n°248628

Une règle réaffirmée avec un arrêt du Conseil d’État du 6 août 2021

Si l’arrêt de principe rendu par le Conseil d’État en 2004 est largement connu des praticiens, la jurisprudence administrative (et notamment celle du Conseil d’État) sur cette question n’est pas forcément abondante, la récente décision du 6 août 2021 est donc, de ce fait, intéressante. Elle permettra notamment aux avocats de pouvoir rappeler aux magistrats que la jurisprudence n’a pas évolué sur cette question en 15 ans. Car si l’application de cette jurisprudence ne pose pas véritablement de difficulté devant un tribunal administratif, ce mécanisme peut s’avérer moins connu par les juridictions de Police devant lesquelles les contrevenants et leurs avocats devront expliquer pourquoi ils sollicitent la dispense de peine…

Le Conseil d’État vient, ainsi, de préciser qu’en « jugeant que la circonstance que la décision du 1er octobre 2019, par laquelle le tribunal de police de Besançon a estimé que M. B… s’était rendu coupable d’une infraction aux dispositions du code de la route pour avoir conduit un véhicule ne respectant pas les prescriptions réglementaires de transparence des vitres, l’avait dispensé de peine en application de l’article 469-1 du code de procédure pénale, était sans incidence sur la légalité de la décision du 2 mai 2020 par laquelle le ministre de l’intérieur a retiré 3 points du permis de conduire de l’intéressé en raison de cette même infraction, le président de la 2e chambre du tribunal administratif a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l’annulation de son ordonnance. »

CE, 5ème ch., 6 août 2021, n°445514

On ne citera pas l’ensemble de la jurisprudence sur cette question mais on pourra noter, pour un exemple dans le cadre d’une procédure en référé, la décision rendue par Tribunal administratif de Nancy le 2 mai 2013 (n° 1300795).

La décision du 6 août 2021 est également intéressante en raison de l’infraction sur laquelle porte la décision de condamnation et la dispense de peine. Dans cette espèce, le conducteur avait été verbalisé pour conduite d’un véhicule muni de vitre teintées ne respectant pas les prescriptions réglementaires de transparence des vitres (code natinf : 32050).

Depuis un décret de 2016 les dispositions de l‘article R316-3 du Code de la route précisent que «toutes les vitres doivent être en substance transparente telle que le danger d’accidents corporels soit, en cas de bris, réduit dans toute la mesure du possible. Elles doivent être suffisamment résistantes aux incidents prévisibles d’une circulation normale et aux facteurs atmosphériques et thermiques, aux agents chimiques et à l’abrasion. Elles doivent également présenter une faible vitesse de combustion. Les vitres du pare-brise et les vitres latérales avant côté conducteur et côté passager doivent en outre avoir une transparence suffisante, tant de l’intérieur que de l’extérieur du véhicule, et ne provoquer aucune déformation notable des objets vus par transparence ni aucune modification notable de leurs couleurs. La transparence de ces vitres est considérée comme suffisante si le facteur de transmission régulière de la lumière est d’au moins 70 %. En cas de bris, elles doivent permettre au conducteur de continuer à voir distinctement la route. »

Sans parler de piège pour les conducteurs, on soulignera que cette infraction peut être constatée par les agents sans recours à un appareil de mesure, que cette infraction concerne le conducteur (et non le propriétaire) et qu’elle entraîne une décision de retrait de 3 points sur le permis de conduire.

Dans la pratique, de nombreux avis de contravention peuvent être envoyés à des automobilistes de bonne foi ne pensant pas être en infraction parce qu’ils n’ont pas fait filmer eux-mêmes le véhicule (qu’ils ont acheté d’occasion ou qu’ils se font faits prêter) ou qui ont fait poser un film chez un professionnel aux pratiques douteuses… On s’interrogera également sur la réelle capacité des agents verbalisateurs à faire la différence à l’œil nu entre un vitrage à 65 ou 75 % de facteur de transmission régulière de la lumière… Par ailleurs, l’automobiliste qui ferait défilmer son véhicule le jour même de la verbalisation (pour s’éviter ou mettre fin à son immobilisation) pourra être bien en peine de prouver que son vitrage était en réalité bien conforme aux prescriptions du Code de la route.

Avec la dispense de peine le juge pénal reprend la main sur les points

En présence de ces conducteurs de bonne foi à l’encontre desquels une verbalisation difficilement contestable a été dressée, la dispense de peine peut permettre à une juridiction de respecter les prescriptions du Code de la route tout en évitant un retrait de point (parfois synonyme d’invalidation de permis de conduire) au contrevenant.

La dispense de peine peut permettre ainsi de redonner ou plutôt donner au magistrat la main sur le retrait de points. Rappelons qu’en droit positif (en droit français), la mesure de retrait de point n’est pas considérée comme une peine, c’est une simple mesure de police administrative (même si la CEDH depuis un arrêt Malige a un avis bien différent sur cette question Cf. CEDH, Affaire Malige c. France, 23 septembre 1998, 27812/95). Ce n’est donc pas le magistrat du tribunal de police (ou du tribunal correctionnel) qui décide de retirer 1, 2, 3 ou 4 points à un conducteur pour le sanctionner de la commission de telle ou telle infraction. Le tribunal ne peut que condamner ou relaxer, il ne peut absolument pas moduler le nombre de points retirés, la seule marge de manœuvre réside donc dans le mécanisme de dispense de peine.

Des dispenses de peine ont pu être prononcées en présence de différentes infractions, souvent commises par un contrevenant « de bonne foi ». On pense, par exemple, à des excès de vitesse en cas de signalisation ou de limitation de vitesse peu explicites (pour un exemple de dispense de peine pour un excès de vitesse à 98 km/h pour une vitesse maximale autorisée de 70 km/h, voir : Cass, Crim., 30 octobre 2012, n°12-81603) ; ou le franchissement de plusieurs feux de signalisation au rouge sur un même carrefour…

Comment être dispensé de peine ?

Pour obtenir une dispense de peine, il faut tout d’abord qu’un magistrat puisse examiner l’infraction. En présence d’un délit, le traitement judiciaire est quasi systématique (on laisse de côté la question de l’amende forfaitaire délictuelle), mais pour une simple contravention, c’est en général la procédure de l’amende forfaitaire qui est appliquée. Le contrevenant reçoit donc un avis de contravention à son domicile. Sans action particulière de sa part, la verbalisation entraînera alors retrait de points…

Pour pouvoir espérer bénéficier d’une dispense de peine, le conducteur verbalisé (ou son avocat) n’aura d’autre choix que de contester la verbalisation et de solliciter une dispense de peine.

Attention, on rappellera que la dispense de peine relève uniquement du bon vouloir du juge qui, en aucun cas, n’est dans l’obligation de faire droit à une telle demande de la part d’un automobiliste ou d’un motard…

N’est pas dispensé de peine qui veut !

La chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler à l’ordre les juridictions prononçant une dispense de peine sans respecter les prescriptions du Code pénal et notamment les dispositions de l’article 132-59.

La dispense de peine a, en effet, été largement utilisée dans le cadre de l’épineux contentieux de la désignation obligatoire des conducteurs de véhicules de société. Depuis 2017, les dispositions de l’article L.121-6 du Code de la route imposent aux chefs d’entreprise de désigner le conducteur (souvent un salarié) responsable d’une infraction au Code de la route lorsqu’elle a été commise au volant d’un véhicule immatriculé au nom de cette société. Mal appliqué, ce mécanisme a entraîné de très nombreuses contestations qui ont permis aux juridictions de police de constater que bien souvent les entreprises avaient agit de bonne foi ou avaient mal compris des avis de contravention pas très bien rédigés… On pense, par exemple, aux entreprises unipersonnelles : beaucoup de représentants légaux travaillant en solo avaient pensé « s’auto-dénoncer » en réglant l’amende dont le paiement est présenté comme valant reconnaissance de l’infraction.

En présence de petites entreprises parfois très lourdement sanctionnées de nombreuses juridictions ont eu recours à la dispense de peine (on parle, rappelons le, d’une amende forfaitaire de 675 euros et même de 1875 euros pour l’amende forfaitaire majorée, et le montant de cette amende est à multiplier par le nombre d’infractions pour lequel l’entreprise n’est pas parvenue à désigner le salarié responsable de l’infraction).

La Chambre criminelle de la Cour de cassation qui depuis décembre 2018 assurait le « service après-vente » en présence d’un mécanisme d’obligation de désignation très mal appliqué par l’administration a assez logiquement rappelé à l’ordre certaines juridictions trop généreuses à son goût en matière d’octroi de dispense de peine.

Dans son arrêt du 7 mai 2019, la Chambre criminelle a ainsi censuré le tribunal de Police de Tarbes qui « pour accorder la dispense de peine, a(vait) simplement énoncé le dommage est réparé puisque le représentant légal de la société s’est désigné à l’audience ». Dans cette affaire le représentant légal de la société (un société de Taxi) s’était désigné à l’audience par l’intermédiaire de son avocat, comme étant le conducteur lors de l’excès de vitesse

La Cour de cassation rappelle qu’il se déduit de l’article 132-59 du Code pénal que le juge ne peut accorder une dispense de peine que s’il constate dans sa décision que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé. (Cass. Crim., 7 mai 2019 n°18-85729, le même jour la chambre criminelle a également rendu un autre arrêt censurant également la même juridiction pour avoir accordé une dispense de peine à une autre société, Cf. Cass. Crim.,, 7 mai 2019, n°18-85730)

La dispense de peine peut être accordée lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé.

La juridiction qui prononce une dispense de peine peut décider que sa décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire.

La dispense de peine ne s’étend pas au paiement des frais du procès.

Article 132-59 du Code pénal

Plus récemment, on pourra, toujours en présence de ce que les praticiens appellent les « PVNDC » (PV pour Non Désignation de Conducteur), citer un arrêt du 8 juin 2021 maintenant la position de la chambre criminelle : Cass. Crim., 8 juin 2021, n°21-80538.

Un contrôle de l’octroi de la dispense de peine par la Cour de cassation pour toutes les infractions

Le contrôle de la chambre criminelle ne se limite pas au contentieux de la non désignation de conducteur. On pourra ainsi relever quelques arrêts montrant que les exigences de la Cour de cassation sont de mise pour une infraction de défaut de justification dans les cinq jours de l’attestation d’assurance (Cass. Crim., 17 septembre 2019, n°19-81248) ; pour une circulation en sens interdit (Cass. Crim., 8 septembre 2020, n°20-80469, dans cette affaire la dispense de peine avait été prononcée « en se fondant sur l’erreur de lecture des panneaux que (le conducteur) reconnaît avoir commise ») ; pour une infraction de stationnement très gênant (Cass. Crim., 8 septembre 2020, n°20-81495 avec une « dispense de peine en se fondant sur la situation financière du prévenu »).

Une dispense de peine toujours utile !

Le strict contrôle de la Cour de cassation sur les conditions dans lesquelles peut être prononcée une dispense de peine ne doit pas décourager les conducteurs souhaitant en bénéficier. Il conviendra toutefois lorsque son bénéfice est sollicité d’appuyer cette demande en soulignant que les conditions posées par les dispositions de l’article 132-59 du Code pénal sont bien remplies. Dans la pratique, l’avocat qui souhaitera entraîner une juridiction vers une dispense de peine (en s’appuyant notamment sur le récent arrêt du 6 août 2021 pour rappeler au magistrat son intérêt en matière de retrait de point) devra attirer l’attention de la juridiction sur la nécessité d’une rédaction qui résistera à un éventuel examen par la Cour de cassation !

 

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