Excès de vitesse : à partir de quel dépassement de la limitation risque-t-on la suspension de permis de conduire par le préfet ou par le juge ? Éléments de réponse avec Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit qui revient notamment sur un récent arrêt du 12 mars 2024 de la Cur de cassation.
Suspension préfectorale : dès 40 km/h au-dessus de la limitation de vitesse
S’il y a encore quelques années la suspension de permis de conduire n’était pas systématique pour les excès de vitesse compris entre 39 et 50 km/h au-delà de la limitation de vitesse, celle-ci est désormais quasi automatique en cas d’interception par les forces de l’ordre.
Le conducteur se verra remettre un avis de rétention du permis de conduire couvrant une période de 72 heures pendant lesquelles il lui sera interdit de reprendre le volant. C’est pendant ce même délai que le préfet prendra un arrêté de suspension de permis de conduire. Cet arrêté qui pourra être pris jusqu’à la dernière minute du délai de l’avis de rétention sera généralement notifié par courrier recommandé avec accusé de réception quelques jours après à l’intéressé. Chaque préfecture détermine ses grilles de suspension en prévoyant par avance que telle infraction entraînera une suspension de permis de conduire de telle durée. Pour un excès de vitesse compris entre 39 et 50 km/h, les durées de suspension préfectorale sont en moyenne de quatre mois.
En cas d’excès de vitesse compris entre 39 et 50 km heures au-delà de la limitation de vitesse constaté par radar automatique, la préfecture ne prendra pas d’arrêter de suspension. Pour cette contravention de quatrième classe, c’est encore la procédure de l’amende forfaitaire qui est utilisée sans suspension préfectorale.
Au tribunal pour un grand excès de vitesse : une suspension de permis de conduire toujours requise
En cas de dépassement de la limitation de vitesse de plus de 49 km/h, le conducteur n’échappera pas à l’examen de son infraction par le tribunal de police devant lequel sera systématiquement requise une peine de suspension de permis de conduire.
Dans de nombreux cas, le conducteur en infraction aura déjà été notifié d’une suspension de permis de conduire préfectorale. La période de privation de permis de conduire purgée à ce titre viendra se déduire de la peine prononcée par le juge du tribunal de police.
Avis de contravention pour excès de vitesse : attention à la contestation !
Les contrevenants destinataires d’un avis de contravention qui choisiraient de contester la verbalisation pourront s’exposer à une sanction plus lourde devant le tribunal de police.
Avec la contestation de l’amende forfaitaire, le conducteur se place, lui-même, en dehors du forfait permettant alors au juge de prononcer toutes les peines prévues par le Code de la route pour réprimer telle ou telle infraction.
Risque de suspension de permis à partir de 30 km/h de dépassement de limitation de vitesse !
Le Code de la route prévoit une possibilité pour le juge de prononcer une suspension de permis de conduire dès lors que l’excès de vitesse dépasse les 30 km/h au-delà de la vitesse autorisée.
Le contrevenant devra donc prendre le temps de la réflexion avant de contester une verbalisation pour un tel motif. On rappellera toutefois que dans l’hypothèse d’une condamnation à une peine de suspension, celle-ci pourrait faire l’objet d’un aménagement afin d’autoriser la conduite à certains moments dans la semaine.
En dessous de 30 km/h : pas de risque de suspension (en théorie du moins…)
Comme il a été rappelé précédemment, devant le juge du tribunal de police les 30 km/h constituent la ligne rouge : au-dessus, possibilité d’une suspension de permis de conduire, en-dessous le Code de la route ne prévoit pas de peine de suspension.
Malgré cette règle des plus claires, la chambre criminelle de la Cour de cassation doit régulièrement la rappeler et censurer des juridictions peut être un peu trop promptes à dégainer la suspension de permis.
C’est par exemple ce que l’on peut constater à la lecture d’un arrêt du 12 mars 2024 :
Enoncé du moyen
9. Le moyen, pris de la violation des articles 111-3 du code pénal et R. 413-14 du code de la route, critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. [W] à dix jours de suspension de permis de conduire, alors que cette peine complémentaire ne peut être prononcée que pour les excès de vitesse supérieure à 30 km/h.
Réponse de la Cour
Vu l’article R. 413-14 du code de la route :
10. Il résulte de ce texte que, lorsque le dépassement, par le conducteur d’un véhicule à moteur, de la vitesse maximale autorisée est inférieur à 30 km/h, la peine complémentaire de suspension du permis de conduire n’est pas encourue.
11. L’arrêt attaqué énonce que M. [W] a été contrôlé à 79 km/h pour une vitesse autorisée de 50 km/h et qu’en raison de ces antécédents, il y a lieu de prononcer une peine de suspension de permis de conduire de dix jours.
12. En statuant ainsi, alors que le dépassement de la vitesse maximale autorisée était inférieur à 30 km/h, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé.
13. La cassation est de nouveau encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Paris, en date du 5 septembre 2023, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 mars 2024, n°23-85348
Cette décision est loin d’être novatrice, elle s’inscrit dans un courant jurisprudentiel désormais bien établi (voir par exemple Cass. Crim., 1er septembre 2015, n° 14-80652, arrêt qui avait été rapidement commenté en ces lieux).
A lire également, l’interview de Me Jean-Baptiste le Dall pour l’Alsace
Peut-on perdre son permis dès 30 km/h au-dessus de la vitesse autorisée?
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