Un licenciement fondé sur une invalidation du permis de conduire annulée par la justice peut entraîner la condamnation de l’employeur. La perte du permis de conduire signifie malheureusement pour certains conducteurs la perte de leurs emplois. Certains de ces conducteurs malheureux ne vont pas hésiter à contester la décision d’invalidation de leurs permis de conduire et il n’est pas rare, accompagné par le bon conseil qu’ils parviennent à faire valoir leurs droits. Me Jean-Baptiste le Dall avait eu l’occasion de revenir sur un arrêt de décembre 2011 qui avait mis en difficulté l’employeur trop prompt à licencier son salarié en cas d’invalidation de permis de conduire
Article publié sur le blog d’actualité du cabinet le 29 mars 2013
La jurisprudence était depuis longtemps fixée en matière pénale, la chambre criminelle reconnaissant le caractère rétroactif de l’annulation d’une décision d’invalidation du permis de conduire dans le cadre d’éventuelles poursuites pour conduite malgré invalidation. La décision d’invalidation du permis de conduire n’étant sensée n’avoir jamais existé, il devient impossible de condamner quelqu’un pour ne pas avoir respecté une décision… n’ayant jamais existé.
Mais les sanctions pénales ne sont, bien souvent, pas les seules à toucher l’automobiliste dont le permis a été invalidé. La première sanction vient, en général, de l’employeur pour qui chauffeurs, livreurs, techniciens de clientèle, commerciaux… deviennent inutiles sans permis.
Le licenciement suit alors la décision d’invalidation de permis et le fameux courrier 48SI.
C’est ce qui était arrivé à ce commercial sur lequel s’est récemment penchée la Cour de cassation. Son employeur lui a signifié la fin de son contrat de travail en « indiquant ne pouvoir continuer à employer un ingénieur technico-commercial qui ne pouvait plus se déplacer chez ses clients ni venir de son domicile en Indre-et-Loire au siège social de la société en Loir-et-Cher ».
Une invalidation du permis de conduire annulée
Certes le permis de conduire de ce commercial avait été invalidé, mais celui-ci avait contesté cette décision d’invalidation devant le tribunal administratif qui lui a donné raison au bout de quelques mois.
Pour le commercial son licenciement devient sans cause réelle et sérieuse et il décide de le porter à la connaissance de la juridiction prud’homale.
Un employeur condamné
Saisie de cette espèce, la Cour d’appel d’Orléans donnera gain cause au salarié par un arrêt du 8 décembre 2011 :
« Monsieur X… est licencié le 20 janvier 2009 ; que la longueur de la lettre de rupture ne permet pas de la reprendre intégralement ; qu’en résumé : – il fait savoir le 16 décembre 2008 que son permis est annulé pour 6 mois, et davantage puisqu’il devra le repasser, – son permis lui est indispensable pour l’exercice de ses fonctions et aucune solution ne permet la poursuite de celles-ci, – il est dans l’impossibilité d’exécuter son contrat de travail, et l’employeur prend l’initiative de le rompre, – son préavis ne lui est pas payé car il ne peut l’effectuer ; qu’il fait une procédure devant le Tribunal Administratif d’ORLÉANS qui, par jugement du 10 décembre 2009, décide que : – 3 décisions de retrait de points et celle du Ministre de l’Intérieur du 24 novembre 2008 l’informant du solde nul de son nombre de points et de la perte de validité de son permis de conduire sont annulées, – il est enjoint audit Ministre, dans les 2 mois de la notification, de lui restituer 4 points, de fixer son nombre de points et de mettre un terme à la procédure d’annulation de son permis de conduire, sous réserve de l’absence d’infraction entre le 7 mars 2008 et la notification du jugement ; que cette décision est définitive ; qu’eu égard à l’effet rétroactif que comporte une décision de l’autorité administrative rapportant un acte antérieur, ou une décision de la juridiction administrative annulant un tel acte, le jugement du Tribunal Administratif a conféré à Monsieur X… un droit définitivement acquis à être réputé n’avoir jamais eu son permis de conduire annulé ; qu’ainsi, en se plaçant à la date du licenciement, celui-ci ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, l’annulation de son permis, et en conséquence l’impossibilité de conduire étant réputées n’avoir jamais existé » ;
L’employeur a formé un pourvoi qui a été rejeté par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 12 décembre 2012 (n° de pourvoi 12-13522).
Cet arrêt pourrait faire réfléchir à deux fois un employeur qui aurait la vilaine idée de licencier son salarié sans permis. Mais quand bien même cette jurisprudence serait portée à la connaissance des directions juridiques, les difficultés économiques actuelles plaideront, sans doute, pour la prise de risque juridique et ce d’autant plus que les perspectives de succès devant les juridictions administratives en matière de contestation de la décision d’invalidation du permis de conduire ne sont plus les mêmes depuis l’arrêt Papin de juillet 2012.
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