Petit rappel des règles en matière de marges d’erreur technique applicables aux radars de contrôle de vitesse à l’occasion d’un récent arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 1er octobre 2024. Toutes les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Radar de vitesse : des marges d’erreur et non pas de tolérance
On insistera sur le fait que l’on parle bien de marges d’erreur technique et non pas de marges de tolérance. Il ne s’agit pas de faire un cadeau aux conducteurs en infraction mais bien de prendre en compte de très légères approximations ou très légères défaillances du cinémomètre (le seul cadeau fait récemment aux conducteurs concerne en réalité la suppression du retrait de points pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h au-delà de la limitation de vitesse).
On ne pourra que se féliciter de l’application de ces marges d’erreur technique lorsque l’on se rappelle qu’à 1 km/h près, le conducteur sera en infraction ou pas, risquera de perdre un point de permis ou pas, risquera de perdre son permis de conduire ou pas…
Mais attention, une marge d’erreur technique peut jouer dans les deux sens. Dans certains cas elle sera favorable au conducteur et lui permettra d’éviter le flash pour 2 ou 3 km/h de trop. Mais parfois la marge d’erreur technique s’avérera défavorable au conducteur.
On alertera, ainsi, l’attention des conducteurs qui aiment flirter avec les limites de vitesse en réglant le régulateur un peu plus haut que la vitesse autorisée en comptant sur les marges d’erreurs du compteur kilométrique du véhicule et surtout sur la marge d’erreur technique du radar. Dans certains cas, le radar de vitesse peut enregistrer une vitesse faussement plus élevée de 2 ou 3 km/h qui peuvent faire basculer le conducteur dans l’infraction…
Des marges d’erreur technique qui varient en fonction du type de radar
Les marges d’erreur technique sont strictement encadrées par l’Arrêté du 4 juin 2009 relatif aux cinémomètres de contrôle routier. Les marges d’erreur techniques vont différer en fonction du type de cinémomètre de contrôle routier utilisé.
Les erreurs maximales tolérées applicables aux instruments en service sont les suivantes :
– pour les cinémomètres à poste fixe :
– plus ou moins 5 km/h, pour les vitesses inférieures à 100 km/h ;
– plus ou moins 5 % de la vitesse, pour les vitesses égales ou supérieures à 100 km/h ;
– pour les cinémomètres installés dans un véhicule en mouvement :
– plus ou moins 10 km/h, pour les vitesses inférieures à 100 km/h ;
– plus ou moins 10 % de la vitesse, pour les vitesses égales ou supérieures à 100 km/h.
Article 6 de l’Arrêté du 4 juin 2009 relatif aux cinémomètres de contrôle routier
Dans la catégorie des cinémomètres fixes on retrouvera bien sûr les appareils installés dans les cabines radars automatisés ou sur les mâts mais aussi les dispositifs déployés par les agents le bord de la route et peut-être plus surprenant les petits appareils de type jumelle ou pistolet qui sont tenus à bout de bras par les agents.
Ne rentrent dans la catégorie mobile que les appareils installés dans des véhicules pour pouvoir constater un excès de vitesse en circulation.
En appliquant les marges d’erreur les condcuteurs pourront retenir les vitesses suivantes.
Limitations de vitesse avec application des marges pour radars fixes
Limitation de vitesse Marge d’erreur Verbalisable dès :
80 km/h 5 km/h 86 km/h (vitesse retenue : 81 km/h)
90 km/h 5 km/h 96 km/h (vitesse retenue : 91 km/h)
110 km/h 5% 116 km/h (vitesse retenue : 111 km/h)
130 km/h 5% 137 km/h (vitesse retenue : 131 km/h)
Limitations de vitesse avec application des marges pour radars mobiles
Limitation de vitesse Marge d’erreur Verbalisable dès :
80 km/h 10 km/h 91 km/h (vitesse retenue : 81 km/h)
90 km/h 10 km/h 101 km/h (vitesse retenue : 91 km/h)
110 km/h 10% 122 km/h (vitesse retenue : 111 km/h)
130 km/h 10% 144 km/h (vitesse retenue : 131 km/h)
Ces marges d’erreur technique sont appliquées directement au moment de la verbalisation avec des avis de contravention qui vont mentionner à la fois la vitesse mesurée mais aussi la vitesse retenue après l’application de ces marges d’erreur.
Les marges d’erreur technique seront appliquées par les forces de l’ordre, mais également par les juridictions qui ne peuvent choisir de les écarter.
On se rappellera qu’en matière d’alcoolémie et d’éthylomètres, pendant de nombreuses années, l’application de la marge d’erreur technique était laissée à l’appréciation des tribunaux. Le Conseil d’État en 2018, puis la chambre criminelle de la Cour de cassation en 2019 ont finalement imposé l’application systématique de ces marges d’erreur technique aux appareils de type éthylomètre.
A lire les explications de Me Jean-Baptiste le Dall pour le magazine Capital
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Marges d’erreur des radars : obligatoirement appliquées par le tribunal
En matière de cinémomètres de contrôles de vitesse, la chambre criminelle vient de rappeler le caractère obligatoire et systématique de l’application de cette marge d’erreur technique par les juridictions.
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [G] a été poursuivi pour excès de vitesse supérieur à 50 km/h par conducteur de véhicule à moteur, soit une vitesse retenue de 123 km/h sur une voie limitée à 70 km/h.
3. Le tribunal de police l’a déclaré coupable et condamné à 200 euros d’amende et trois mois de suspension du permis de conduire.
4. M. [G] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré le prévenu coupable d’excès de vitesse d’au moins 40 km/h et inférieur à 50 km/h, en prenant en compte la vitesse mesurée de 130 km/h au lieu de la vitesse retenue, après pondération, de 123 km/h.
Réponse de la Cour
Vu l’article R. 413-14 du code de la route :
6. Selon ce texte, le fait, pour tout conducteur d’un véhicule à moteur, de dépasser de moins de 50 km/h la vitesse maximale autorisée fixée par le code de la route ou édictée par l’autorité investie du pouvoir de police est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe et donne lieu, de plein droit, à une réduction de quatre points du permis de conduire en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée compris entre 40 km/h et moins de 50 km/h et de trois points du permis de conduire en cas de dépassement de la vitesse maximale compris entre 30 km/h et moins de 40 km/h.
7. Pour déclarer le prévenu coupable d’excès de vitesse d’au moins 40 km/h et inférieur à 50 km/h, l’arrêt attaqué énonce que M. [G] circulait à 130 km/h sur un tronçon limité à 70 ou 90 km/h.
8. En prononçant ainsi, alors que la vitesse pondérée retenue, de 123 km/h, dépassait de moins de 40 km/h la vitesse maximale de 90 km/h, de sorte que le prévenu encourait la perte de trois points du permis de conduire et non de quatre, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 1 octobre 2024, n°24-80586
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