Recevoir chez soi plusieurs avis de contravention à la suite d’excès de vitesse constatés par radars automatiques, est-ce légal ou non, existe-il un moyen de contester ? Les conseils de Me Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, commentateur de Code de la Route aux Editions Argus de l’Assurance.
La presse a largement relayé au mois de juillet 2021 la mésaventure vécue par une jeune automobiliste de Franche-Comté qui a reçu d’un seul coup 33 avis de contravention sanctionnant autant d’excès de vitesse. Toutes ces infractions n’ont pas été commises le même jour, pour autant elles ont été constatées par le même radar automatique.
Au lieu de recevoir les avis de contravention les uns après les autres, semaine après semaine, mois après mois, cette automobiliste a reçu l’ensemble de ces avis de contravention en même temps plusieurs mois après les faits.
La mésaventure de cette jeune automobiliste qui n’a décroché son permis de conduire que récemment a largement fait réagir sur les réseaux sociaux. Encore peu aguerrie à l’environnement routier, elle n’avait visiblement pas compris le fonctionnement du radar tronçon qui calcule une vitesse moyenne entre deux points kilométriques. La jeune conductrice pensait que chaque portique à l’entrée et à la fin de la zone de contrôle était un dispositif unique et que le contrôle de vitesse ne s’opérait que sur ces deux points précis. La conductrice va alors relâcher sa vigilance entre les deux points de contrôle et a été assez logiquement verbalisée.
Sa mésaventure aura été l’occasion de rappeler aux conducteurs novices le fonctionnement d’un radar tronçon et aura encore une fois placé sous le feu des projecteurs le radar tronçon des Mercureaux. En périphérie de Besançon ce dispositif installé sur une longue descente incite les conducteurs à être particulièrement vigilants tout au long de la zone de contrôle, il avait fait largement parler de lui au moment de son installation puisqu’il avait été parmi l’un des premiers en France.
Si avec 33 avis contravention cette conductrice bisontine semble avoir inscrit son nom dans le livre des records des contrevenants, son cas n’est pour autant isolé. Le cabinet a ainsi, été contacté, ces dernières semaines, par d’autres conducteurs confrontés à la même difficulté, à savoir la réception de plusieurs avis de contravention pour des infractions datant de plusieurs mois et souvent constatées par le même radar.
Le récit dans la presse des mésaventures de cette conductrice a pu faire réagir certains qui trouvent parfaitement méritées ces verbalisations qui ne viennent finalement que sanctionner autant d’infractions.
Néanmoins l’envoi extrêmement tardif et groupé de multiples avis de contravention pose réellement problème.
Une grosse addition à régler sans délai
Pour le contrevenant c’est tout d’abord une grosse addition à régler rapidement s’il ne veut pas risquer une majoration de chaque avis de contravention. Ce sont donc plusieurs centaines voire milliers d’euros à trouver rapidement pour pouvoir bénéficier d’une minoration ou en tout cas éviter la majoration.
Au-delà des problématiques financières, cette verbalisation tardive entraîne surtout d’importants risques de perte de validité du permis de conduire.
Une probable invalidation de permis de conduire
En effet si le législateur a prévu une limitation du nombre de points retirés (à 8), ce dispositif ne concerne que les infractions commises simultanément par un conducteur. En aucun cas ce dispositif de limitation des points retirés n’a vocation à s’appliquer à des infractions relevées à différentes dates même en cas d’avis de contravention envoyés à une date identique.
Dans le cas de la jeune conductrice bisontine, avec 33 avis de contravention, pas besoin d’avoir fait Maths Sup, Maths Spé pour réaliser que son permis de conduire risque d’y passer.
Bien sûr, il est parfaitement possible de contester chaque verbalisation, mais le lecteur comprendra qu’avec des dizaines de verbalisations préserver la validité d’un permis de conduire devient assez compliqué…
Un contrevenant devant faire face à un nombre moins impressionnant de verbalisations pourra, par exemple, suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière pour augmenter son capital de points…
Envoi groupé d’avis de contravention : légal ou pas ?
En règle générale, en cas de constatation d’un excès de vitesse par un radar automatique, l’avis de contravention arrive au domicile du titulaire du certificat d’immatriculation quelques jours après les faits. On parle généralement d’une petite semaine ou d’une dizaine de jours.
En présence d’un véhicule de location ou d’un d’une voiture appartenant à une entreprise, l’intéressé devra patienter un peu plus…
Mais les textes n’imposent nullement un envoi dans un délai précis ou un bref délai.
En matière de délai, l’administration est, en réalité, simplement tenue par la prescription annale en matière contraventionnelle.
Le mécanisme de prescription interdira au bout d’un certain temps la poursuite de l’infraction. En matière délictuelle, le délai de prescription est relativement long : six ans, mais en présence d’une contravention la prescription est atteinte au bout d’un an. En pratique, un certain nombre d’actes vont pouvoir interrompre cette prescription et parmi ces actes la plupart ne sera pas portée à la connaissance de l’intéressé.
On retiendra néanmoins de l’évocation de ce mécanisme de prescription annale que l’administration peut tout à fait envoyer à un conducteur des avis de contravention pour des faits remontant à plusieurs mois.
Pas très pertinent niveau sécurité routière !
Au-delà du sort de cette jeune conductrice ou plus globalement du sort de conducteurs recevant très tardivement de nombreux avis de contravention, on peut également s’interroger sur l’intérêt de telles pratiques en termes de sécurité routière.
L’implantation des radars automatisés de contrôle de vitesse est censée être dictée par des critères de sécurité routière avec, par exemple, la nécessité de faire ralentir les usagers sur un tracé dangereux.
En envoyant un avis de contravention plusieurs mois après les faits, le contrevenant ne va pas modifier son comportement sur la route. Et c’est ce qu’a fait cette jeune conductrice en multipliant pendant des mois les excès de vitesse et par là-même les comportements à risque.
On peut, d’ailleurs, avoir une réflexion similaire en matière de décisions de retrait de points de permis de conduire.
Les parlementaires lorsque le mécanisme du permis à point avait été imaginé en 1989 avaient pris soin d’éviter l’hypothèse d’une perte de permis de conduire liée à une série d’infractions commises simultanément. Le souci du législateur était alors de préserver la progressivité dans l’érosion du capital de points de permis de conduire. La perte progressive des points de permis de conduire est censée alerter le conducteur sur l’impérieuse nécessité de changer ses habitudes au volant. En perdant l’intégralité de ses points à l’occasion d’un même groupe d’infraction, un conducteur qui perd son permis d’un seul coup n’a en effet pas le temps d’adapter sa conduite et de se défaire de ses mauvaises habitudes au volant…
Problème, lorsque l’administration fait parvenir d’un seul coup une dizaine ou une vingtaine d’avis de contravention pour des faits remontant à plusieurs mois, elle interdit tout changement de comportement de la part du contrevenant qui n’a bien souvent d’autre perspective que la perte de validité du permis de conduire…
On peut ainsi, parfaitement, soutenir que, sans être illégale, la pratique d’un envoi tardif et groupé d ‘avis de contravention est néanmoins contraire à l’esprit des textes.
C’est d’ailleurs, peut-être, sur la base de ces considérations que pourrait être sollicitée auprès du juge du tribunal de police une dispense de peine pour certaines des infractions évitant aux conducteurs la perte de points de permis de conduire. Attention, bien sûr la juridiction n’est jamais obligée de faire droit à une demande de dispense de peine et ce d’autant plus que la chambre criminelle de la Cour de cassation se montre de plus en plus tatillonne sur l’octroi de la dispense de peine.
(MAJ : Et c’est ce mécanisme de dispense de peine qui aura finalement permis à cette jeune conductrice de sauver son permis de conduire ! )
En tout état de cause, un conducteur encore fraîchement verbalisé ne pourrait, en pratique, pas y prétendre.
Espérons que les différents cas rapportés de ces envois tardifs groupés ne découlent que de difficultés techniques passagères et non d’une nouvelle pratique des services de l’ANTAI (l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions)
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