La pilule avait été difficile à avaler pour les spécialistes du permis à points mais cela fait une dizaine d’années déjà que la possibilité d’appel a été supprimée en matière de contentieux du permis à points. Traduction : après un jugement rendu par un tribunal administratif, l’appel n’est plus possible. La seule voie de recours demeure celle du Conseil d’État. Les explications et les rappels de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit qui revient sur un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 3 octobre 2024.
Le contentieux du permis à points devant les Cours administratives d’appel… C’est fini…
Contentieux du permis à points : plus d’appel possible
Jusqu’il y a une dizaine d’années, les conducteurs (et l’administration) à qui un Tribunal administratif ne donnait pas raison à un recours à l’encontre de l’invalidation d’un permis de conduire ou d’une décision de retrait de points de permis de conduire pouvaient se tourner vers la Cour administrative d’appel.
Un Décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative a mis fin à cette possibilité. Depuis le 1er janvier 2014, les conducteurs sont ainsi privés d’un degré de juridiction.
C’est ce que je dénonçais à l’époque, par exemple, dans les colonnes du Midi Libre :
Permis de conduire retiré : les conducteurs ne pourront plus contester
Pour expliquer cette violation manifeste des droits des conducteurs, le gouvernement de l’époque avait expliqué que souvent la juridiction d’appel adoptait la même position que le tribunal administratif et qu’en supprimant l’appel les justiciables ne perdraient plus temps, argent et énergie dans des voies de recours parfois inutiles. Cette justification était évidemment lunaire et cachait difficilement les vraies raisons : des économies et le renforcement du dispositif du permis à points à l’encontre de recours particulièrement efficaces à l’époque.
Alors bien sûr le Garde des Sceaux de l’époque, Madame Christiane Taubira n’avait pas manqué de rappeler que les conducteurs pouvaient toujours se tourner vers le Conseil d’Etat. Certes cette voie de recours existe toujours mais elle s’avère particulièrement coûteuse pour les conducteurs (comptez entre 4000 et 5000 euros pour un Avocat au Conseil). A l’inverse, l’administration pourra dépenser sans compter pour aller au Conseil d’Etat à chaque fois qu’un jugement pourrait remettre en question une jurisprudence défavorable aux conducteurs…
10 ans après des conducteurs toujours piégés par l’absence d’appel en matière de contentieux du permis à points
C’est ce que montre encore un récent arrêt de la Cour administrative de Paris :
M. B A a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision, référencée 48 SI, par laquelle le ministre de l’intérieur a constaté l’invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et la décision de retrait de points afférente à l’infraction constatée le 19 avril 2022.
Par une ordonnance n° 2309765 du 18 juin 2024, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête comme manifestement irrecevable car tardive.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 août 2024, M. A doit être regardé comme demandant à la cour d’annuler cette ordonnance du 18 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. D’une part, aux termes, de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « () les présidents de formation de jugement des tribunaux () peuvent, par ordonnance : () 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser (). / () les présidents des formations de jugement des cours () peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter () les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article (). ». Aux termes de l’article R. 351-4 du même code : « Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d’appel ou le Conseil d’Etat relève de la compétence d’une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d’appel ou le Conseil d’Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, () pour rejeter la requête en se fondant sur l’irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ».
2. D’autre part, il résulte des dispositions du 6° de l’article R. 811-1 du code de justice administrative que les jugements du tribunal administratif statuant sur les litiges relatifs au permis de conduire sont rendus en premier et dernier ressort et qu’ils ne sont ainsi susceptibles que d’être déférés au Conseil d’Etat par la voie du recours en cassation.
3. M. A, qui conteste l’ordonnance du 18 juin 2024 par laquelle la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’intérieur a constaté l’invalidité de son permis de conduire pour solde de points nul et la décision de retrait de points afférente à l’infraction constatée le 19 avril 2022, ne peut qu’être regardé comme ayant entendu exercer un pourvoi en cassation à l’encontre de cette ordonnance, lequel pourvoi relève, en principe, de la compétence du Conseil d’Etat.
4. Toutefois, en première instance, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A comme étant manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté. Devant la Cour, le requérant qui se borne à se prévaloir de l’absence de notification des amendes liées aux infractions en cause et de la circonstance qu’il ne serait pas l’auteur des faits reprochés, ne conteste pas le motif de rejet qui lui a été opposé par le premier juge. Il y a lieu, dès lors, non de renvoyer son pourvoi au Conseil d’Etat mais de le rejeter par application des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 222-1 et de l’article R. 351-4 du code de justice administrative.
Ordonne :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A.
Cour administrative d’appel de Paris, Juge des référés, 3 octobre 2024, n° 24PA03601
On regrettera bien évidemment la suppression de la voie d’appel ne matière de contentieux du permis à points, mais cet arrêt montre également à quel point il est nécessaire d’être bien accompagné dans le cadre de ces recours…
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