Les images ont beaucoup circulé et c’était l’objectif. Ces activistes ont visiblement réussi leur coup mais que risquent-ils du fait des dégradations dont ils se sont rendus coupables devant les caméras ? Sanction pénale ou indemnisation des dégâts ? Les éléments de réponse par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la cour, Docteur en droit
La mode est visiblement à ce genre d’événements, on pense par exemple à un récent « happening » au cours duquel deux activistes ont aspergé de sauce tomate un chef-d’œuvre de Van Gogh, « Les Tournesols », qui ne craignait, d’ailleurs, pas grand-chose à l’abri derrière sa vitre de protection en plexiglas
Et plus récemment… neuf manifestants écologistes du groupe Scientist Rebellion ont pris pour cible le musée de l’Autostadt (situé en face de l’usine Volkswagen à Wolfsburg) et plus précisément le pavillon Porsche au sol duquel ils se sont collés…
Vient le tour du Mondial de l’auto avec une mise en scène plutôt malvenue. Très loin de cautionner ce genre de mises en scène, on ne pourra que constater qu’elle est, peut-être, encore plus hors de propos à la Porte de Versailles.
Le Mondial de l’auto cette année est, en effet, marqué (tous les visiteurs l’auront constaté) par l’absence regrettable de nombreux constructeurs mais aussi surtout par le tournant pris par le monde de l’automobile avec une omniprésence sur les stands de cette édition 2022 de véhicules électriques. Bien sûr les stands des constructeurs nationaux font la part belle aux véhicules électriques mais ce sont surtout les constructeurs chinois (BYD, Great Wall avec Wey et Ora, Seres…) et vietnamien (Vinfast) très présents cette année qui par leurs modèles exclusivement électriques qui nous laissent penser que la page du thermique sera sans doute tournée dans quelques années et plus vite que l’on ne le pensait.
Clairement, lorsque l’on regarde les fiches techniques des véhicules exposées cette année au Mondial de l’auto, on ne pourra que s’accorder sur le fait que jamais un salon automobile (ou qu’il soit) n’aura été aussi « propre »… ou, en tout cas, conforme aux standards actuels attendus en matière d’écologie.
Alors bien sûr à côté de cette flopée de modèles électriques, quelques modèles thermiques osent encore pointer le bout de leurs capots on pense, par exemple, aux étourdissants pick-up exposés par American car City et aussi aux quelques très belles autos qui ont été vandalisées par ces activistes en mal de notoriété.
Clairement le choix d’aller s’enchaîner ou tout du moins se coller aux capots des Ferrari du stand des « voitures d’exception » est une mauvaise idée.
Il n’aura échappé à personne que ces belles autos ne dévoilent leurs charmes qu’aux visiteurs ayant bien voulu, outre le billet d’entrée, sortir un billet de cinq euros pour accéder à ce stand. Les cinq euros réclamés à l’entrée étant reversés à la Fondation Perce-Neige, créée en 1966 à l’initiative de l’acteur Lino Ventura et de sa femme Odette pour venir en aide aux personnes handicapées mentales.
Ces véhicules appartiennent, donc, pour la plupart à de généreux gentlemen drivers qui ont mis leurs autos à la disposition des organisateurs de cette belle action.
Si l’on peut se rassurer en se disant que ces activistes ont dû aussi ouvrir leurs portefeuilles pour glisser un billet de cinq euros au profit de la fondation Perce-Neige on ne pourra que regretter le manque de discernement quant au choix de la cible de leur opération.
Quelles sanctions pour les activistes responsables de ces dégradations au Mondial de l’Auto?
Alors bien sûr les commentateurs les plus indulgents souligneront que les dégradations seront sans doute légères.
Heureusement ces militant n’ont pas, pour l’instant, sorti les masses pour défoncer les carrosseries de ces bolides mais le simple fait de se coller la paume de la main à la Superglue laissera à l’évidence quelques traces sur la robe de ces voitures. Au mieux les véhicules, objets des dégradations, en seront quitte pour un passage en cabine avec des interventions peinture sur toute ou partie de la carrosserie.
La plupart des modèles exposés sur le stand de la Fondation Perce-Neige est relativement récente, mais pour les spécialistes les plus pointilleux un véhicule avec sa peinture d’origine conservera toujours plus de valeur que celui qui a été repeint.
On peut aussi craindre que, sur certains véhicules, la remise en état ne porte pas seulement sur des travaux de peinture mais sur les travaux de carrosserie…
Alors que risquent ces activistes ?
Acitivistes : du pénal pour les actes de dégradation de biens d’autrui
Si on laisse un instant de côté l’univers de l’automobile, on pourra constater que parfois ce genre de happenings pose la question de certaines qualifications pénales relatives à des problématiques d’exhibition. Il n’en est rien pour les événements du salon de l’auto mais clairement des faits de dégradation volontaire du bien d’autrui pourront être reprochés à ces activistes écologiques.
Les dispositions de l’article R635-1 du Code pénal prévoient que
«La destruction, la dégradation ou la détérioration volontaires d’un bien appartenant à autrui dont il n’est résulté qu’un dommage léger est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe.
Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
2° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de trois ans au plus, une arme soumise à autorisation ;
3° La confiscation d’une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;
4° Le retrait du permis de chasser, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
5° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;
6° Le travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent vingt heures…
Article R635-1 du Code pénal
Le recours aux dispositions de la partie réglementaire du Code pénal est de mise lorsqu’il s’agit de dommages légers causés aux biens d’autrui, mais si l’on imagine des dégâts beaucoup plus importants, le ministère public pourra alors dégainer la partie législative avec des qualifications pénales aux sanctions beaucoup plus lourdes…
La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger.
Article 322-1 du Code pénal
L’actualité judiciaire récente permettra de constater que les activistes écologistes font l’objet de poursuites et de condamnations même si celles-ci demeurent pour l’instant mesurées ;
On pourra, par exemple, se reporter à la condamnation prononcée par le Tribunal judiciaire de Lyon pour dégradations et détériorations de bien d’autrui commises en réunion à l’encontre de militants qui avaient saboté près de 300 trottinettes Tier et Dott en free-floating une nuit de juillet 2021. La juridiction s’est montrée clémente et a simplement condamné ces activistes à des stages de citoyenneté. Mais le 26 septembre 2022 avait lieu l’audience sur intérêts civils, au terme de laquelle les militants se sont vus condamnés à indemniser les sociétés Dott et Tier à hauteur de 4200 euros. Ces militants auraient pu devoir débourser une plus forte somme si le tribunal avait pris en compte le préjudice lié à l’immobilisation des engins…
Responsabilité civile : en cas de dégradation une addition salée pour les militants !
N’étant pas dans le secret des dieux, je ne pourrai pas commenter les conditions de mise à disposition de ces véhicules dans le cadre du salon de l’automobile et plus particulièrement dans le cadre de cette opération au profit de la fondation Perce-Neige. Dans le cadre de certaines manifestations, les biens exposés qu’il s’agisse de véhicules ou d’autres biens mobiliers peuvent faire l’objet d’assurances spécifiques le temps de l’exposition.
Mais au-delà des considérations d’ordre assuranciel, il n’en demeure pas moins qu’en cas de dégradation les activistes seront responsables des dommages causés à ces véhicules.
En cas de poursuites pénales, les propriétaires de véhicules endommagés pourront donc réclamer une indemnisation à ces activistes. Comme cela a été le cas pour l’affaire des saboteurs de trottinettes, le volet pénal est généralement traité dans le cadre d’une première audience, et l’affaire est renvoyée ultérieurement pour parler de la question de l’indemnisation du préjudice.
La demande d’indemnisation peut également se faire devant les juridictions civiles en invoquant les dispositions de l’article 1240 du Code civil : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Même dans l’hypothèse où une compagnie d’assurance viendrait indemniser le propriétaire, il sera toujours possible à ladite compagnie d’aller rechercher la responsabilité civile de l’auteur des dégradations.
Les activistes du Mondial de l’Auto seront donc sans doute contraints d’indemniser les propriétaires des véhicules endommagés… et regretteront de ne pas avoir suivi la procédure mise en place par leurs acolytes allemands qui, plus inspirés, ont collé leurs mains non pas aux carrosseries mais au sol du pavillon Porsche…
Pour finir ces quelques propos juridiques, le lien de la Fondation Perce-Neige, si certains lecteurs privés de salon veulent faire une BA 😉!
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2022 LE DALL AVOCATS
Droit automobile – Droit des mobilités –
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