La suppression du retrait de points pour les excès de vitesse les plus faibles à savoir moins de 5 km/h, c’est le cadeau, ou plutôt le geste, à destination des conducteurs qui a été annoncé par le Ministre de l’intérieur au printemps. Pour l’instant : toujours pas de cadeau en vue pour les automobilistes et les motards alors même que le permis à points a fêté ses 30 ans cet été. Les explications et l’analyse de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la cour, Docteur en droit, Directeur Scientifique des Etats Généraux du Droit Automobile.
L’Ecole des Avocats du Grand Est et le Barreau de Dijon ont organisé en ce mois d’août 2022 les 10emes Universités d’été à Beaune à l’occasion desquels j’ai eu le plaisir d’animer une conférence elle aussi marquée par un anniversaire celui des 30 ans d’application du permis à points.
La loi n° 89-469 du 10 juillet 1989 (relative à diverses dispositions en matière de sécurité routière et en matière de contraventions) n’est, en effet, entrée en application que le 1er juillet 1992 et l’occasion était trop belle pour ne pas en profiter et consacrer ces trois heures de conférence au permis à points et au bilan que l’on pouvait tirer de ces quelques années de jurisprudence.
A évidemment été évoquée la question actualité de la suppression du retrait de points pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h comme cela avait été annoncé au mois de mai par Gérald Darmanin.
Permis à points : ce n’est pas la première fois que l’on promet un cadeau aux conducteurs
On se rappelle du fameux Comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier 2018 au cours duquel avait notamment été annoncé le passage à 80 km heures. Parmi les autres très nombreuses mesures qui avait été dévoilées, une seule prévoyait l’engagement d’une réflexion visant à valoriser ou récompenser les bons comportements des conducteurs.
A lire : « Le droit routier revisité par le CISR », les commentaires de Jean-Baptiste le Dall, dans la Revue juridique la « Jurisprudence Automobile » « Le gouvernement a toutefois glissé parmi ces 18 mesures une promesse de cadeau sous condition pour ces « bons conducteurs ». La mesure (n°3) n’étant qu’au stade de la réflexion (avec une échéance prévisionnelle à 2019), rien de concret n’a encore été envisagé ». Lire la suite
On se souviendra qu’il avait été, à l’époque, même envisagé d’octroyer des points supplémentaires à des conducteurs par définition déjà titulaires d’un permis d’un capital de 12 points. Cette mesure aurait été d’une plus totale inutilité pour les conducteurs concernés qui avec déjà 12 points au compteur n’avaient absolument pas besoin d’en avoir 14 ou 15…
En jetant un coup d’œil à dans le rétroviseur, on s’apercevra que presque toutes les mesures annoncées lors de ce comité interministériel ont été mises en place à l’exception notable de cette réflexion sur la valorisation des bons comportements de la part des conducteurs.
Il n’est donc il ne serait donc pas étonnant que les annonces faites avant l’été restent lettre morte.
Et en matière d’excès de vitesse, l’idée d’une suppression de retrait de points pour les dépassements les moins importants n’est pas nouvelle, on pourra exemple penser à la proposition de loi Poniatowski en 2013.
Suppression du retrait : pour les petits excès de vitesse : un cadeau pour faire oublier un tour de vis ?
Il ne faut pas être dupe, l’annonce d’un tel cadeau qu’elle soit suivie d’effet ou pas permet aussi de pouvoir dire que l’on a fait un geste (ou que l’on y a pensé) à un moment où les conducteurs pourraient se sentir floués avec un coup d’utilisation qui risque d’exploser avec celui de l’énergie (que l’on parle du pétrole ou de l’électricité), avec la mise la montée en puissance des ZFE-M au sein desquels la circulation des véhicules les moins jeunes sera interdit…
On peut penser aussi, dans le même registre, aux motards parisiens et d’Île-de-France qui ont pu se satisfaire cet été de l’annonce de l’abandon du contrôle technique mais qui vont découvrir à la rentrée les joies du stationnement payant…
La suppression du retrait de point pour les petits excès de vitesse pourrait ainsi faire passer la pilule au moment de la mise en œuvre de certaines réformes et peut-être de l’annonce de nouveaux durcissements en matière de sécurité routière…
Suppression du retrait de point : un cadeau qui pourrait rapporter gros !
Si le Ministre de l’intérieur a évoqué la possibilité d’une suppression des retraits de point pour les excès de moins de 5 km/h, cette clémence ne concerne que la mesure administrative de retrait de point et non pas l’infraction en elle-même. En clair le contrevenant échappera à la perte de point mais pas à l’amende.
Quelques représentants d’associations de lutte contre l’insécurité routière ont immédiatement à l’annonce de cet éventuel assouplissement dénoncé une décision qui encouragerait un relâchement de la part des conducteurs.
Il est vrai l’idée sous-jacente de ce projet est également de permettre aux conducteurs de pouvoir quitter des yeux quelques instants l’aiguille du compteur sans craindre un flash qui viendrait grignoter leurs permis à points.
À l’évidence une telle mesure entraînerait certainement une hausse légère des infractions à la vitesse sur de faibles dépassements. Cette hausse probable pourrait d’ailleurs trouver ses causes ailleurs avec, par exemple, les erreurs liées au maintien du 80 km heures dans certains départements alors que, de plus en plus, le 90 km/h est rétabli…
L’augmentation du nombre des infractions à la vitesse et des amendes pourrait se révéler particulièrement rentable pour les caisses de l’État…
La suppression du retrait de point : un assouplissement tout de même appréciable
On rappellera que le point perdu à la suite d’une infraction n’entraînant qu’une décision de retrait d’un seul point (à savoir les excès de vitesse inférieur à 20 km/h, les chevauchements de lignes continues ou encore pour les motards le défaut de port de gants homologués) peut potentiellement être restitué au conducteur après une période de six mois sans nouvelle décision de retrait de point.
La perte d’un point du permis de conduire permet au conducteur de bénéficier d’un délai de restitution du point abrégé à six mois.
Si aucune décision de retrait de point n’est prononcée à l’encontre de ce conducteur pendant un délai de six mois, le point retiré lui est restitué.
Le Conseil d’État a pu rappeler que la nouvelle décision de retrait de point qui éventuellement priverait le conducteur du bénéfice de cette récupération abrégée est celle relative à une nouvelle infraction. Dans l’hypothèse où la nouvelle décision de retrait de point aurait été prononcée à la suite d’une infraction antérieure, cette décision de retrait de point ne privera pas le conducteur du bénéfice du délai abrégé. (Voir : Conseil d’Etat, 4 décembre 2017, n°402423)
Si la perte d’un point de permis de conduire peut pour certains bons conducteurs rapidement s’effacer avec un retour à 12 points, pour d’autres le retrait d’un petit point s’avérera particulièrement handicapant.
En effet même s’il se récupère vite ce petit point perdu demeure, du point de vue du Code de la route, une décision de retrait de points. À ce titre, il privera le conducteur en régime probatoire de la majoration de points annuelle. (Cf. Conseil d’État, 5ème chambre, 23 mars 2022, 451149)
Pour un conducteur plus aguerri ayant déjà perdu quelques points et qui attendrait patiemment le délai standard de trois ans pour récupérer ses fameux points, cette décision de retrait d’un point va faire repartir un nouveau délai de trois ans pour récupérer les autres.…
Prenons l’exemple d’un conducteur n’ayant plus que quatre points sur son permis de conduire du fait d’une infraction de défaut de port de la ceinture remontant à deux ans et demi. Ce conducteur s’il se tient à carreau pendant six mois pourrait retrouver ses 12 points.
Si, par contre, il est verbalisé pour un faible excès de vitesse et perd un point, cette décision va faire courir un nouveau délai de trois ans pour la récupération de huit points lui ayant été déjà retirés.
Pour ce conducteur la suppression du retrait de point pour un très faible excès de vitesse lui permettra concrètement de retrouver un capital de 12 points alors qu’il lui aurait fallu encore attendre trois ans avec seulement quatre points au compteur…
À l’évidence cet exemple ne concernera pas forcément tous les conducteurs mais il pourra apporter un réel assouplissement à ce conducteur dont le comportement routier est globalement très conforme aux attentes du Code de la route. On ne pourra pas, en effet, considérer que dans cet exemple le conducteur représenterait un réel danger pour la sécurité routière alors qu’il ne lui aurait été reproché qu’un faible dépassement de vitesse en pratiquement trois ans…
On suivra donc le sort qui sera réservé à cette annonce ministérielle…
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