À l’occasion du CISR du 17 juillet 2023, a été annoncée un délit de la création d’un délit de désignation frauduleuse de conducteur, venant renforcer le dispositif répressif autour du trafic de points de permis de conduire. Les explications et les mise en garde de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Le trafic de points comment ça se passe ?
Le trafic de points de permis de conduire ne date pas d’hier, cette pratique illégale a explosé avec le l’arrivée des radars automatiques en 2004.
En cas de constatation d’une infraction à la vitesse ou par exemple d’une infraction de franchissement de feu rouge sans interception du conducteur, par le biais d’un radar automatique ou de la vidéo verbalisation, c’est un avis de contravention qui est envoyé au titulaire du certificat d’immatriculation.
Le titulaire du certificat d’immatriculation pourra opter pour plusieurs stratégies à la réception de cet avis de contravention. Il pourra commencer par reconnaître les faits et payer son amende. Quelques semaines après ce paiement, c’est une décision de retrait de points de permis de conduire qui lui sera notifiée.
Le conducteur peut également avoir prêté son véhicule. S’il ne se souvient pas à qui il avait prêté son véhicule au moment de l’infraction, le conducteur pourra contester être l’auteur des faits, mais il indiquera à l’officier du ministère public (OMP) dans sa contestation ne pas être en mesure de désigner qui que ce soit.
Le conducteur peut aussi se rappeler qui était au volant au moment des faits et le désigner comme conducteur en transmettant son identité et ses coordonnées dans sa contestation. Il utilisera pour ce faire le formulaire de requête en exonération et couchera la case cas numéro deux.
C’est à cette étape que peuvent intervenir les trafiquants de points.
Ces trafiquants de points vous proposer leurs points ou les points de tiers au destinataire de l’avis de contravention. En d’autres termes, contre rémunération certains vendeurs de points vont offrir au destinataire de l’avis de contravention des coordonnées lui permettant d’indiquer les coordonnées d’un tiers. L’acheteur de points renseigne les coordonnées qui lui ont été fournies et c’est un nouvel avis de contravention qui sera envoyé à ce nouveau destinataire fraichement désigné.
Si les trafiquants de points de permis de conduire, ont assez vite compris, à l’époque que la montée en puissance d’Internet et l’arrivée des forums pouvait leur permettre de proposer au plus grand nombre à l’achat illégal de points, les autorités ont tardé à réagir face à cette délinquance d’un nouveau genre.
Les textes existaient déjà avec le recours possible aux délits de faux et d’usage de faux.
Malgré ces délits, il aura fallu attendre la création d’un délit spécifique de trafic de points avec la loi, LOPPSI 2 du 14 mars 2011. Avec cette loi, le Code de la route se dote d’un délit spécifique peut-être plus simple à manipuler pour le parquet, et comme c’est souvent le cas un délit spécifique permet de communiquer plus aisément sur le renforcement d’une politique répressive.
Le délit de trafic de points de permis de conduire
Depuis 2011, le Code de la route prévoit ainsi que :
I. ― Est puni de six mois d’emprisonnement et 15 000 € d’amende le fait, par l’auteur d’une contravention entraînant retrait de point du permis de conduire, de proposer ou de donner une rémunération à une personne pour qu’elle accepte d’être désignée comme conducteur du véhicule dans la requête en exonération ou la réclamation présentée dans les conditions prévues au b du 1° de l’article 529-10 du code de procédure pénale.
II. ― Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne, de proposer ou d’accepter contre rémunération d’être désignée, par l’auteur d’une contravention entraînant retrait de point, comme conducteur du véhicule dans la requête en exonération ou la réclamation présentée dans les conditions prévues au même b.
III. ― Lorsque les faits prévus au II sont commis de façon habituelle ou par la diffusion, par tout moyen, d’un message à destination du public, la peine est portée à un an d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
IV. ― La personne coupable des délits prévus par le présent article encourt également les peines complémentaires suivantes :
1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle ;
2° La peine de travail d’intérêt général selon des modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code et à l’article L. 122-1 du code de la justice pénale des mineurs ;
3° La peine de jours-amendes dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;
4° L’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;
5° L’obligation d’accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Article L223-9 du Code de la route
Et effectivement, les gendarmes du Web ont commencé rapidement à traquer des délinquants fort peu discrets sur Internet. Cet outil encore récent à l’époque, de nombreux apprentis délinquants internautes laissent, en effet, leurs coordonnées aux yeux de tous y compris, des policiers et des gendarmes, pour que les acheteurs de points puissent facilement les contacter…
La création d’un délit spécifique de trafic de points avec les dispositions de l’article L 223-9 du Code de la route et la mise en œuvre d’une politique répressive a effectivement conduit à la condamnation de nombreux conducteurs qui vendaient illégalement leurs points.
Évidemment le trafic de points entre amis, entre proches, au sein de la cellule familiale demeure beaucoup plus compliqué à identifier pour les forces de l’ordre.
Trafic de points : un phénomène en explosion avec les réseaux sociaux comme Snapchat
En près de 20 ans, les outils ont évolué, et ce qui se pratiquait hier sur des forums plus ou moins privés se pratiquent aujourd’hui sur des réseaux sociaux comme Snapchat.
Les trafiquants de points se présentent parfois comme des spécialistes de la contestation, ils promettent une argumentation juridique musclée entraînant automatiquement l’annulation du PV… En réalité, il n’y a pas de contestation étayée par une quelconque argumentation juridique ou technique, mais tout simplement la désignation d’un conducteur souvent étranger dont l’identité aura été usurpée.
Parfois les trafiquants de points ne s’embarrassent pas de ce genre de mises en scène et proposent directement à la vente les coordonnées d’un conducteur pour opérer une fausse désignation…
La désignation d’un conducteur à des milliers de reprises permettra évidemment aux autorités d’identifier une fausse désignation.
Mais parfois, les éléments de preuve ne suffiront pas pour imaginer la mise en œuvre de poursuites délictuelles pour trafic de points de permis de conduire.
À défaut d’engager des poursuites pour trafic de points de nombreuses juridictions se sont rabattus sur une autre infraction : la désignation erronée
Contravention de désignation erronée
Pour cette infraction prévue aux dispositions de l’article R49-19 du Code de Procédure pénale, la question de l’intention coupable de l’auteur de la désignation ne se posera pas, et le tribunal n’aura qu’à se convaincre du fait que le conducteur désigné n’était pas au volant, ou au guidon au moment des faits.
Hors les cas prévus par les articles 226-10 et 441-1 du code pénal, le fait, pour l’auteur d’une requête en exonération ou d’une réclamation relevant des dispositions de l’article 529-10 du présent code, de donner, en application du b du 1° de cet article, des renseignements inexacts ou erronés est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
Article R49-19 du Code de procédure pénale
Avec la désignation frauduleuse, l’objectif est d’afficher une plus grande sévérité et d’offrir au parquetiers un outil peut-être plus adapté pour poursuivre des faits n’ayant pas forcément donné lieu à une rémunération sous une forme sous une autre.
Un nouveau délit de désignation frauduleuse de conducteur.
Le Code de la route n’avait peut-être pas besoin de la création d’une telle infraction, mais l’on ne pourra pas s’empêcher d’établir un parallèle avec l’infraction de trafic de points créée par la loi Loopsi 2 du 14 mars 2011. Là encore à l’époque, la création d’un délit spécifique n’était pas forcément nécessaire, mais son arrivée a marqué une nouvelle politique répressive, et c’est sans doute également l’un des objectifs de cette annonce opérée lors du comité interministériel de sécurité routière du 17 juillet 2023.
On se donne donc rendez-vous prochainement pour une mise à jour de cette page avec les nouveaux textes d’incrimination. Les textes viseront et celui qui offrira ses points et celui qui les espérérait les récupérer.
En attendant, le cabinet se tient à la disposition de tous les conducteurs concernés par ces problématiques de désignations erronées ou frauduleuses.
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