Cote Argus, cote LVA ou cote en ligne sur un site Internet dédié aux véhicules de collection, aux youngtimers… qu’est-ce que cela vaut juridiquement ? Est-ce que ces cotes sont prises en compte ou reconnues par les tribunaux ? Quelques éléments de réponses et quelques jurisprudences commentées par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Directeur scientifique des Etats généraux du droit Automobile.
Le grand public connaît bien la cote argus ou La Centrale mais quid des autres cotes que l’on retrouve sur des supports moins généralistes ? Pour des véhicules sportifs ou des automobiles anciennes les amateurs se reporteront à des cotes établies par des sites internet ou des magazines spécialisés.
Les montants fournis par ces magazines ou ces sites sont régulièrement décriés (souvent à tort) par des amateurs ayant du mal à croire à la prise de valeur de tel ou tel véhicule. Et il faut bien le reconnaître, certains sites avancent, parfois, des chiffres un peu trop gonflés lorsqu’il s’agit du véhicule fétiche du réacteur en chef…
Mais après tout lorsqu’il s’agit d’acheter ou de vendre un véhicule de collection, le bon prix est celui de l’offre et de la demande… Mais si les choses tournent au vinaigre, pourra se poser la question du prix, de la valeur du véhicule. Bien sûr, il est possible de faire à des experts en automobile pour estimer la valeur d’un véhicule mais la plupart du temps acheteur et vendeur se seront référés à une cote trouvée sur Internet ou extraite d’un magazine.
A l’acheteur mécontent pensant qu’il a payé plus qu’il ne fallait son véhicule, le vendeur pourra toujours répondre que le prix de vente avait été établi en fonction de la cote dressée par tel ou tel magazine spécialisé. Mais ces cotes sont-elles reconnues par les tribunaux ?
La cote LVA prise en compte par les experts judiciaires
Sur la question de la valeur de remplacement on pourra, par exemple, citer un arrêt de la Cour d’appel de Lyon ;
« Attendu que l’expert judiciaire retient la cote officielle du magazine LVA de 20 500 euros pour ce véhicule en état standard construit entre 1969 et 1972, ajoutant une somme de 5 059,57 euros correspondant à 30 % des sommes investies par le concluant pour améliorer et réparer son véhicule au cours des années, soit un total de 25 560 euros,
Attendu que ni l’appelant ni Mme Y et ni la GMF ne formulent aucune observation particulière sur la valeur retenue, qu’il y a dès lors lieu d’entériner la valeur de remplacement proposée par l’expert et de condamner ces derniers au paiement.»
Cour d’appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 3 septembre 2019, n° 18/00859
La cote LVA prise en compte matière de succession
Si l’on pense immédiatement à la prise en compte de ces cotes dans le cadre d’un litige automobile, on rappellera que les véhicules anciens font également partie d’un patrimoine qui se transmet un jour… La question de la valeur d’un ou plusieurs véhicules peut ainsi se retrouver au cœur des débat lorsqu’il s’agit de régler une succession.
C’est ce que l’on pourra, ainsi, constater à la lecture d’un récent arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait à se pencher sur la valeur de plusieurs véhicules anciens dont une BMW ancienne.
Là encore la juridiction prend en compte la cote LVA alors même que l’une des parties reprochait à l’expert judiciaire de ne pas avoir « procédé à l’examen du véhicule » : « il s’est borné à indiquer aux parties qu’il n’était pas expert automobile, alors qu’il aurait pu faire appel aux services d’un sapiteur ; iI s’est borné à reprendre la cote du journal LVA – Auto qui reflète la tendance du marché des véhicules de collection (résultats des ventes aux enchères et les prix constatés régulièrement dans les petites annonces dédiées aux véhicules de collection) mais non la valeur vénale d’un véhicule ; il fait état d’une impossibilité de savoir quelle était la côte du véhicule en 1983 sans préciser les difficultés qu’il aurait rencontrées, alors qu’il existe, en accès libre sur internet ou ailleurs, quantité de revues automobiles des années passées, en particulier pour l’année 1983, dont la consultation lui aurait permis de remplir sa mission sur ce point . »
Cour d’appel de Versailles, 1re chambre 1ere 16 novembre 2021
Un cote au caractère indicatif
Bien évidemment la cote, comme d’ailleurs le rapport d’un expert peut être soumis à discussion devant le juge, et comme le rappelle souvent les magistrats : la cote n’a qu’un caractère indicatif. (voir, par exemple, Tribunal de commerce de La Rochelle, 10 septembre 2010, n° 2009005451 : « Attendu que le demandeur fait état d’un prix de vente trop élevé au regard de la cote des véhicules de collection ; Mais attendu que cette cote ne saurait avoir qu’un caractère indicatif »)
Bien utiliser la cote
Pour les véhicules de collection, le lecteur trouvera souvent trois « estimations » en fonction de l’état du véhicule : à restaurer, état courant/bon état, excellent. Certains magazines proposent également un système d’indice avec des pourcentages à appliquer sur la côte de référence : -80% pour une épave ou au contraire + 40% pour un véhicule exceptionnel…
Le vendeur d’un véhicule est, parfois, en possession d’informations qui, à l’évidence, peuvent avoir un impact important sur la cote, il pourra lui être reproché de ne pas avoir fait mention de ces éléments et de s’être référé à un « état excellent » par exemple.
On pourra, à ce titre, se référer à un arrêt qui avait fait couler un peu d’encre à l’époque sur la vente d’un véhicule ayant fait l’objet de réparations importantes qui avaient été passées sous silence par le vendeur qui n’avait pas hésité à se référer à une cote Argus correspondant à un véhicule en excellent état…
« Selon l’expert judiciaire, un sinistre, même parfaitement réparé, était de nature à entraîner une décote notable sur le marché des automobiles de sport haut de gamme, la cour d’appel a retenu qu’en vendant la voiture litigieuse pour un prix correspondant à la cote Argus d’un véhicule en parfait état, sans signaler l’existence d’un accident antérieur ni communiquer les documents y afférents qui se trouvaient en sa possession, Mme X… avait commis une réticence dolosive qui avait eu pour conséquence de surprendre le consentement de M. Rafik Z… dans l’un de ses éléments déterminants »
Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2015, n°14-22695
Le lecteur l’aura compris : la cote ne fait pas tout, mais pour autant les indications qu’elle peut fournir pourront être prises en compte par un tribunal en cas de litige surtout si la cote est établie par un site ou un magazine de référence au sérieux incontestable.
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