Peut-on vendre un véhicule sans contrôle technique ? Quelles sont les sanctions et les risques en cas de vente sans CT ? Quels recours possibles pour l’acheteur ? Les explications de Jean-Baptiste le Dall Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Contrôle technique : obligatoire en cas de vente
Le Code de la route est clair : dès lors que le véhicule aura soufflé ses quatre bougies, le contrôle technique devra être effectué tous les deux ans et également en cas de cession du véhicule.
Les dispositions de l’article R323-22 du Code de la route précisent en effet :
Les véhicules légers (…) doivent faire l’objet :
1° D’un contrôle technique dans les six mois précédant l’expiration d’un délai de quatre ans à compter de la date de leur première mise en circulation ;
2° Postérieurement à ce contrôle, d’un contrôle technique périodique, renouvelé tous les deux ans ;
3° Avant toute mutation intervenant au-delà du délai de quatre ans prévu au 1° ci-dessus, d’un contrôle technique, dont sont toutefois dispensés les véhicules ayant subi un contrôle technique dans les six mois précédant la date de demande d’établissement du nouveau certificat d’immatriculation ;
Article R323-22 du Code de la route
Défaut de contrôle technique : pas de sanction pénale pour le vendeur
Le Code de la route ne prévoit pas de sanctions pénales pour celui qui vendrait son véhicule sans contrôle technique. L’omission du CT avant la vente n’est tout simplement pas une infraction.
Plus possible de vendre son véhicule pour pièces
On rappellera que la vente d’un véhicule sans contrôle technique avec la mention pour pièces n’est plus aujourd’hui possible. Tout du moins cette vente n’est plus envisageable en présence d’un acheteur particulier.
Vendre son véhicule sans CT : une opération néanmoins risquée côté radars automatiques
La cession d’un véhicule hors cadre réglementaire, en d’autres termes sans respecter les démarches administratives de rigueur, feront en réalité courir un risque à l’ancien propriétaire. Sans établissement d’un nouveau certificat d’immatriculation par le nouveau propriétaire, celui qui a vendu son véhicule risque de demeurer pour l’administration le seul interlocuteur… En clair, le nouveau propriétaire qui n’immatriculerait pas le véhicule et commettrait quelques infractions au Code de la route risque de faire porter (involontairement ou non) le chapeau à l’ancien propriétaire.
Ce sont parfois des dizaines d’avis contravention qui sont ainsi envoyées à des personnes ayant vendu leurs véhicules, parfois pour une bouchée de pain et ayant négligé les démarches administratives imposées à l’heure de la vente.
Vente sans contrôle technique : des risques d’annulation de la vente
Le Code civil prévoit que le vendeur d’un bien et notamment d’un véhicule était une tenue à différentes obligations. On pense par exemple à la garantie légale des vices cachés mais également surtout en matière de contrôle technique à l’obligation de délivrance conforme.
Garantie légale des vices cachés : des défauts considérés comme non visibles sans CT
Il n’est pas rare qu’un véhicule vendu d’occasion avec plusieurs dizaines (voire centaines) de milliers de km/h au compteur montrent quelques signes de fatigue. Ces défauts ou ces points de faiblesse sont généralement indiqués sur le rapport de contrôle technique. L’acheteur en prenant connaissance de ce document pourra difficilement soutenir que tel ou tel défaut n’a pas été porté à sa connaissance. Sans rapport de contrôle technique le vendeur aura plus de mal de rapporter la preuve que son acheteur avait bien été mis au courant d’une avarie ou d’une réparation à prévoir. L’absence de contrôle technique fait donc courir un risque en cas d’action en justice sur le fondement de la garantie légale des vices cachés. Mais le risque le plus important réside sans doute du côté de l’obligation de délivrance conforme.
Obligation de délivrance conforme : une obligation qui porte pour le vendeur sur la voiture et sur ces documents administratifs
En l’absence de communication du procès-verbal de contrôle technique, normalement nécessaire à la vente, la jurisprudence pourra considérer que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance conforme.
La jurisprudence et le lecteur pourra le découvrir au fil des arrêts rapportés ci-dessous est parfois hésitante en la matière, mais de nombreuses cours d’appel ont pu estimer que ce contrôle technique était un accessoire indispensable à une délivrance conforme.
Pour le vendeur, cette violation de l’obligation de délivrance conforme pourra se traduire par une résolution de la vente prononcée par une juridiction saisie par l’acheteur insatisfait. Le risque est donc important pour le vendeur de se retrouver en cas d’action justice à devoir rembourser à son acheteur le prix de vente et à récupérer son ancien véhicule dans un état parfois encore plus délabré que lorsqu’il avait vendu…
Cour d’appel de Douai, 17 décembre 2015, n° 14/07849
Sur le manquement à l’obligation de délivrance :
L’article 1615 du code civil dispose que l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
Par ailleurs il résulte de l’article 5 bis du décret du 4 octobre 1978, modifié par décret du 11 juin 2004, que tout vendeur professionnel ou non professionnel d’un véhicule automobile soumis à la visite technique, remet à l’acheteur non professionnel, avant la conclusion du contrat de vente, le procès-verbal de la visite technique établi depuis moins de six mois, ainsi que les procès-verbaux des éventuelles contre-visites.
Le certificat de contrôle technique, en ce qu’il doit nécessairement être présenté pour la délivrance du certificat d’immatriculation à l’acquéreur, constitue donc un accessoire normal de la chose vendue dès lors que l’acheteur n’est pas professionnel et que l’engin a plus de quatre ans. Les parties pouvaient convenir d’une vente sans certificat de contrôle technique, soit parce qu’il n’était pas dans l’intention de l’acquéreur de faire circuler le véhicule, soit parce qu’il acceptait de faire son affaire du contrôle, mais une telle convention exigeait une stipulation explicite qui n’existe pas en l’espèce.
Le vendeur se prévaut uniquement de ce que la carte grise est barrée avec la mention ‘Vendu dans l’état’ ce dont on peut déduire que les vices, même cachés, ne sont pas garantis sauf connaissance de leur existence par l’acquéreur qui n’en aurait pas fait mention, mais pas qu’il existait un accord particulier sur l’absence de certificat de contrôle technique.
En omettant de remettre un tel certificat sans stipulation spéciale à ce sujet, le vendeur a manqué à son obligation de délivrance de sorte que la vente doit être résolue.
Cour d’appel de Douai, 17 décembre 2015, n° 14/07849
Cour d’appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 6 octobre 2022, RG n° 19/02576
Sur la demande de résolution de la vente sur le fondement des articles 1604 et suivants du code civil selon lesquels le vendeur est tenu d’une obligation de délivrance conforme, la délivrance conforme suppose que la chose livrée est identique à celle convenue en nature, quantité et qualité. Il incombe aux juges du fond de déterminer in concreto quelles étaient les caractéristiques de la chose en considération desquelles la vente avait été conclue.
En l’espèce, c’est à juste titre que M. [C] souligne que les dispositions du code de la route prévoyant la remise du procès-verbal de contrôle technique sont d’ordre public et que le vendeur ne peut s’affranchir de celles-ci, que le procès-verbal de contrôle technique est un accessoire de la chose vendue dont la remise constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur permettant à l’acheteur de se convaincre de l’état réel du véhicule et que, quand bien même serait-elle mentionnée sur la facture du véhicule, le défaut de délivrance de ce document constitue ainsi un défaut de délivrance conforme justifiant que soit prononcée la résolution de la vente.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résolution de la vente du véhicule, a condamné la Sarl AUTOANTHO à restituer à M. [C] le prix du véhicule soit la somme de 3340 euros et à récupérer à ses frais le dit véhicule.
Cour d’appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 6 octobre 2022, RG n° 19/02576
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 28 octobre 2021, n° 20/05490
Sur l’obligation de délivrance conforme
L’article 1606 du Code Civil énonce que la délivrance des objets mobiliers s’opère par la remise de la chose, et l’article 1615 ajoute que l’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
L’article 1610 du code civil stipule que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du vendeur.
Selon l’article 3 de l’arrêté du 18 juin 1991, en cas de mutation d’un véhicule de catégorie M1 [ véhicule conçu et construit pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum], mis en circulation pour la première fois depuis plus de quatre ans, le vendeur professionnel ou non professionnel remet à l’acquéreur non professionnel du véhicule, avant la conclusion du contrat, le procès-verbal du contrôle technique périodique tel que défini à l’article 6 du présent arrêté et établi depuis moins de six mois.
L’article 5 bis du décret 78-993 du 04 octobre 1978 énonce que tout vendeur professionnel ou non professionnel d’un véhicule automobile soumis à la visite technique prévue par les dispositions des articles R. 323-22 et R. 323-26 du code de la route remet à l’acheteur non professionnel, avant la conclusion du contrat de vente, le procès-verbal de la visite technique établi depuis moins de six mois, ainsi que les procès-verbaux des éventuelles contre-visites.
Dès lors, il convient de considérer que la remise du procès-verbal de contrôle technique du véhicule vendu par Monsieur X est un accessoire de ce véhicule, puisqu’il estsoumis à cette réglementation.
Cette remise constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur.
Il n’est pas contesté qu’aucun procès-verbal de contrôle technique n’a été remis à Monsieur Y par son vendeur.
Par ailleurs, l’annonce faite sur ‘le bon coin’ mentionnait un bon état général du véhicule.
Or, le contrôle technique effectué après la vente, par l’acquéreur, le 23 juillet 2019, fait état de plusieurs défaillances majeures (efficacité insuffisante du frein de stationnement; lampe du phare défectueuse entraînant une visibilité fortement réduite ; défaillance du système d’airbag ; fuite excessive de liquide susceptible de porter atteinte à l’environnement ou constituant un risque pour la sécurité des autres usagers de la route).
Le réparateur Mercedes-Benz de Sisteron, consulté par Monsieur Y, mentionne, au terme d’une facture du 31 juillet 2019, que le test rapide de sécurité est impossible à effectuer, puisqu’il manque la prise diagnostic d’origine. Il est ajouté que le flexible de frein est à remplacer, qu’il existe une fuite du pont arrière, qu’il existe une fuite d’huile au joint de culasse et que le faisceau électrique, ‘bricolé’, est à revoir.
Dès lors, il est établi que le vendeur, en vendant à Monsieur Y un véhicule désigné comme étant ‘en bon état ‘, sans délivrance du contrôle technique, alors que les investigations ultérieures effectuées par l’acquéreur témoignent de défaillances majeures, a manqué à son obligation de délivrance conforme, peu importe que l’acquéreur ait en partie réglé le prix du véhicule. Il n’est pas nécessaire que soit ordonnée une expertise, les pièces du débat permettant de constater que le vendeur n’a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme.
Il convient dès lors de prononcer la résolution de la vente et de confirmer en conséquence le jugement déféré sur ce point.
La résolution judiciaire entraînant l’anéantissement rétroactif du contrat, chacune des parties doit se voir restituer l’objet de son obligation.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 28 octobre 2021, n° 20/05490
La Cour d’appel d’Aix en Provence a pu adopter des positions différentes et considérer que le vendeur n’avait pas manqué à son obligation de délivrance conforme en ne fournissant pas de contrôle technique avec son véhicule.
C’est par une juste appréciation des circonstances de la cause que le premier juge, répondant en fait et en droit aux arguments invoqués par Madame A B, a considéré que la vigilance normale attendue de l’acquéreur d’un véhicule d’occasion affichant un kilométrage élevé devait lui imposer l’exigence de la remise du contrôle technique, celui-ci effectué quelques jours après la vente ayant révélé l’existence de vices ne pouvant être considérés comme cachés et pouvant s’expliquer par l’état d’usure du véhicule, l’absence de remise du contrôle technique par le vendeur ne constituant par ailleurs pas un accessoire de la chose au sens de l’article 1615 du code civil permettant de considérer que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 28 mai 2015, n° 13/21873
Vendre avec un CT avec contre-visite c’est possible !
On terminera ces propos qu’il est possible de vendre un véhicule ne pouvant espérer réussir avec succès les épreuves du contrôle technique. Il est en effet possible de vendre le véhciule alors qu’il a échoué au CT. Il suffira d’opérer la transaction dans le délai des deux mois de la contre-visite…
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