Un cinémomètre de contrôle routier, qu’il s’agisse d’un radar automatique ou de jumelles laser utilisées par les forces de l’ordre, doit être régulièrement vérifié pour que l’on puisse être certain de son bon fonctionnement. Cette vérification intervient normalement chaque année. Quid en l’absence de vérification : vice de procédure ou pas ? Les explications de Maître Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en droit.
Un radar homologué et vérifié tous les ans
Les appareils de métrologie légale utilisés pour relever des infractions à la vitesse doivent être homologués et faire l’objet d’une vérification périodique.
Il n’est donc pas possible pour les forces de l’ordre de commander sur une plate-forme de commerce sur internet quelques appareils en plus pour pallier les dysfonctionnements de certains radars.
Les textes sont précis en la matière :
« Lorsqu’ils sont destinés soit à être utilisés sur les voies ouvertes à la circulation publique, soit à servir aux expertises judiciaires concernant des véhicules régis par le code de la route, les cinémomètres sont soumis, en application du décret du 3 mai 2001 susvisé, aux opérations de contrôle suivantes :
― examen de type ;
― vérification primitive des instruments neufs et réparés ;
― vérification de l’installation pour les instruments installés à poste fixe non déplaçables ;
― contrôle en service. »
Article 2 de l’Arrêté du 4 juin 2009 relatif aux cinémomètres de contrôle routier
Au-delà de la procédure d’homologation et de vérification primitive, ces appareils doivent faire l’objet d’inspection périodique.
Cette vérification est évidemment nécessaire compte tenu de l’utilisation intensive et quotidienne de ces appareils.
« Le contrôle en service consiste en la vérification périodique prévue à l’article 30 du décret du 3 mai 2001 susvisé. Cette vérification est annuelle. »
Article 20 de l’Arrêté du 4 juin 2009 relatif aux cinémomètres de contrôle routier
La vérification intervient une fois par an et le tribunal doit en cas d’interrogation sur ce point pouvoir vérifier que celle-ci a bien été opérée.
Une absence de vérification détectable sur l’avis de contravention ?
On ne le rappellera jamais assez : un avis de contravention n’est pas un procès-verbal. Il ne s’agit que d’un document qui avise le conducteur en infraction qu’il a été verbalisé…
Par définition, l’avis de contravention ne contiendra pas toutes les informations nécessaires à la régularité de la procédure pénale.
La dernière date de vérification du radar n’apparaîtra pas donc forcément sur l’avis de contravention cela ne veut pas dire que le radar n’a pas été vérifié dans l’année, et que cette information n’est pas présente sur le procès-verbal de constatation de l’infraction.
Une date de vérification mentionnée sur le PV
La date de dernière vérification apparaîtra généralement sur le procès-verbal de constatation avec la précision de l’organisme ayant procédé à la vérification périodique.
La jurisprudence de la Cour de cassation exigera en matière de métrologie légale que soit mentionnée la date de dernière vérification et non une période de validité, avec par exemple une mention « valable jusqu’au ». La jurisprudence est la même en matière de cinémomètres (radar de contrôle de vitesse) qu’en présence d’éthylomètres (pour la mesure du taux d’alcoolémie)
« Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu prise de l’absence de mention au procès-verbal de la date de la dernière vérification de l’éthylomètre, l’arrêt retient qu’en raison de la périodicité annuelle des contrôles, cette date peut être aisément déterminée en se référant à celle de la prochaine vérification de l’appareil figurant au procès-verbal ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ; »
Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 mars 2007, n°05-87292
Des opérations de vérification périodique reportées sur le carnet métrologique de l’appareil
En cas de doute, il est parfaitement possible de solliciter, devant la juridiction, la production du carnet de métrologie qui doit normalement faire mention de cette vérification. Le conducteur en infraction et son conseil peuvent même demander la production de l’intégralité du carnet de métrologie afin de s’assurer du suivi régulier de l’appareil.
L’accès au carnet métrologique : de droit !
À partir du moment où le producteur poursuivi sollicite la communication du carnet de métrologie, ce dernier devra être produit et soumis au débat contradictoire.
Qu’il s’agisse d’un éthylomètre ou d’un cinémomètre de contrôle routier, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante et censurera la juridiction refusant la production du carnet.
C’est, par exemple, ce que précise la chambre criminelle dans un arrêt du 14 avril 2015 :
« Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu’il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que le véhicule conduit par M. X… a fait l’objet d’un contrôle par radar automatique, à la suite duquel l’intéressé a été cité devant la juridiction de proximité du chef d’excès de vitesse ; qu’à l’audience, il a présenté une exception de nullité de la procédure au motif que le carnet métrologique de l’appareil du contrôle n’était pas joint au dossier ; que le juge de proximité a fait droit à cette exception ;
Mais attendu qu’en se déterminant par ce seul motif alors qu’aucune disposition légale n’impose au ministère public de joindre à la procédure le carnet métrologique de mesure de l’appareil de contrôle de la vitesse des véhicules, la juridiction de proximité, à qui il appartenait de faire toute vérification utile sur ce point, n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ; »
Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 avril 2015, n°14-81984
Plus récemment, un arrêt de la Chambre criminelle du 8 janvier 2019 est venu rappeler que la carnet devait produit (si la communication en était demandée) même si le procès-verbal de constatation faisait mention de la dernière vérification.
« Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de l’absence de production, dans la procédure, du carnet métrologique de l’éthylomètre utilisé, l’arrêt énonce que le greffe du tribunal correctionnel, invité à adresser celui-ci à la cour, a répondu ne pas disposer de ce document qui n’a pu être versé à la procédure malgré les recherches effectuées ; que les juges relèvent toutefois que les mentions obligatoires telles que visées par les dispositions de l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres sont transcrites au procès-verbal qui mentionne que l’appareil DRAGER 7110 FP a été homologué sous le numéro ARYC 0115, à la date primitive du 16 novembre 2007, puis vérifié le 30 août 2016 pour une validité jusqu’au 30 août 2018 ; que les juges en déduisent que tous les examens et toutes les vérifications inhérentes au bon fonctionnement de l’appareil prévus par l’arrêté sus-visé ont été effectués, de sorte que le taux d’alcoolémie ne peut être contesté ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’absence de production du carnet métrologique ne pouvait être suppléée par les mentions du procès-verbal de constatation de l’infraction, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ; »
Cour de cassation, Chambre criminelle, 8 janvier 2019, n°18-83661
Pour autant, il sera souligné que la simple demande de production du carnet métrologique ne constitue pas forcément un laissez-passer direction la relaxe.
Il est désormais rare qu’une juridiction confrontée à une demande de communication de carnet métrologique n’y fasse pas droit et ouvre la voie à la cassation. Il est de même rare que le carnet métrologique ne puisse être retrouvé et communiqué au conducteur ou à son avocat.
La demande de communication du carnet métrologique si elle n’est formulée qu’à l´audience aura pour conséquence le renvoi de l’affaire à une date ultérieure. Parfois ce renvoi pourra permettre au conducteur de gagner du temps (pour pouvoir continuer de conduire ou suivre un stage de récupération de points par exemple) mais dans d’autres cas il pénalisera un conducteur privé de permis de conduire du fait d’une suspension préfectorale.
La vérification périodique du radar : à vérifier systématiquement !
La vérification périodique du radar de contrôle routier est aujourd’hui bien intégrée par les juridictions, mais parfois l’inspection d’un appareil peut passer à la trappe… Une argumentation autour de cette absence de vérification pourra conduire à la relaxe.
La jurisprudence sur ce point ne manque pas puisqu’en réalité cette vérification annuelle des radars était de rigueur bien avant l’arrêté de 2009…
On pourra, par exemple, se reporter à un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 11 décembre 1985 :
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er du décret du 30 novembre 1944 relatif au contrôle des instruments de mesure du décret n° 74-74 du 30 janvier 1974 et 12 de l’arrête du ministre de l’industrie et de la recherche en date du 1er aout 1974 relatif à la vérification des cinémomètres de contrôle routier ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu’aux termes de l’article 12 de l’arrête du 1er aout 1974 relatif à la vérification des cinémomètres de contrôle routier, ces appareils sont soumis à la vérification périodique prévue par le décret n° 74-74 du 30 janvier 1974 et “sont vérifiés en principe une fois par an” ;
Qu’il s’en déduit que la durée de validité de la vérification ainsi prescrite est limitée à douze mois ;
Attendu que pour infirmer le jugement qui a relaxe le prévenu au motif que le cinémomètre ayant permis la constatation de l’infraction avait été vérifié plus d’un an avant la date de ladite infraction, la Cour d’appel énonce que “des textes régissant la matière il ressort que la vérification des cinémomètres doit être effectuée chaque année sans tenir compte des dates anniversaires et qu’ainsi sa validité peut courir au maximum sur deux années pleines, année de la vérification et année immédiatement postérieure” ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’infraction a été constatée plus d’une année après la vérification du cinémomètre en cause, la cour d’appel n’a pas fait l’exacte application du texte susvisé ;
D’ou il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
Casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Pau en date du 19 mars 1985 et, pour être à nouveau statué conformément à la loi, renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de bordeaux, a ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil. »
Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 décembre 1985, n° de pourvoi: 85-92012
Tel a été encore le cas récemment devant le tribunal judiciaire d’Auch au mois de janvier 2024 qui a relaxé un automobiliste poursuivi pour une récidive de grand excès de vitesse (179 km/h retenus pour une limitation de vitesse à 90 km/h). Dans cette affaire la dernière vérification du cinémomètre remontait au 4 février 2021 pour une infraction relevée le 28 juin 2023…
Une vérification qui peut parfois un intervenir que tous les deux ans…
Le lecteur l’aura compris la vérification de la dernière date de vérification du radar est une étape incontournable au moment de la préparation de la défense d’un conducteur. Mais attention aux fausses joies, parfois une vérification remontant à plus d’un an n’est pas synonyme de relaxe…
« Pour les cinémomètres installés à poste fixe non déplaçable, les deux premières vérifications suivant la mise en service d’un instrument neuf peuvent être réalisées à intervalle de deux ans. »
Article 20 de l’Arrêté du 4 juin 2009 relatif aux cinémomètres de contrôle routier
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