Vice caché, défaut de conception , avaries chroniques… les titres de la presse automobile spécialisée comme Auto Plus, l’Auto Journal, l’Automobile Magazine, L’Argus… se font régulièrement à l’écho des problèmes récurrents sur certains véhicules. Un automobiliste victime d’une avarie similaire peut-il se servir de ces articles pour faire plier le constructeur automobile ? Les réponses et les conseils de Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit.
Des défauts de conception récurrents connus de tous
La chose n’est pas nouvelle et les magazines spécialisés se font depuis des années l’écho de certaines avaries affectant tel ou tel modèle automobile.
Les journalistes ont pu attirer l’attention de leurs lecteurs sur telle motorisation, qui connaîtra des défauts de lubrification, de turbo ou encore de courroie de distribution…
Ce que la presse écrite dénonce, bien sûr, sera repris sur Internet et l’on pense notamment à des forums, ou des groupes de discussion, des pages sur les grands réseaux sociaux comme Facebook.
Certains défauts sont si récurrents qu’il suffira à l’automobiliste en proie à des difficultés avec son véhicule de taper la marque et le modèle de sa voiture voire la motorisation pour retrouver, parfois, des dizaines de sites Internet détaillant les problèmes rencontrés par tel ou tel modèle.
Et effectivement, certains véhicules rencontrent des problèmes de conception qui amènent presque systématiquement à la survenance d’avaries au bout de quelques années.
Il sera dès lors relativement aisé pour l’automobiliste confronté à un problème largement relayé par la presse de documenter sa réclamation. Mais cela sera-t-il suffisant pour obtenir quelque chose, une prise en charge, une réparation, une indemnisation ?
Démarches amiables et vices cachés automobiles connus
Confronté à une panne mécanique ou une grave avarie, le premier réflexe de l’automobiliste sera d’en faire part à son concessionnaire et de solliciter de sa part du constructeur une prise en charge plus ou moins significative ou un geste commercial. Dans le cadre des échanges que le particulier pourra voir avec son concessionnaire ou le constructeur, quelques éléments et quelques documents pourront faire peser pencher la balance de son côté. L’automobiliste qui est aura scrupuleusement fait entretenir son véhicule (et notamment au sein du réseau) verra ses demandes souvent mieux traitées.
Dans ses échanges avec la concession constructeur, l’automobiliste pourra, bien sûr, faire état d’articles de presse ou de témoignages d’autres conducteurs pour faire comprendre à ses interlocuteurs qu’il a parfaitement conscience que le défaut affectant son véhicule relève d’un vice de conception par exemple.
Certains titres comme Auto Plus accordent d’ailleurs une large place aux problème rencontrés par leurs lecteurs et n’hésitent pas à publier les récits d’automobilistes malheureux en leur proposant des montants de prise en charge conseillés. Fort de l’avis publié dans le magazine, le lecteur pourra se rapporcher du constructeur qui très souvent reverra sa proposition commerciale à la hausse…
Au tribunal des coupures de presse insuffisantes pour prouver le vice caché.
Arrivé devant la justice, se prévaloir d’articles de magazines spécialisés, de témoignages d’autres conducteurs sur des forums ou sur des réseaux sociaux ne suffira pas à emporter la conviction d’un magistrat.
C’est ce dont on pourra se convaincre à la lecture de différentes décisions de justice comme celles rapportées ci-après.
« Attendu que pour conclure à une récurrence de la panne subie par le véhicule de M. X, M. Z s’est appuyé sur une analyse d’informations collectées sur des « sites, forums auto et revues auto sur internet » ; que de telles informations, que l’expert judiciaire n’a pu vérifier et dont la fiabilité est incertaine, n’ont aucun caractère probant ; que l’expert n’explique pas en quoi le système d’injection Bosch n’est pas adapté aux pistons montés dans le moteur du véhicule Nissan Patrol ; que si l’idée n’est pas excentrique, l’existence d’un vice de conception n’est pas pour autant certaine ;
Attendu qu’il ressort de ce qui précède que la cause de la défaillance de l’injecteur demeure indéterminée et que la preuve de l’existence d’un vice rédhibitoire n’est pas rapportée ; que dans ces conditions, M. X ne peut qu’être débouté de son action rédhibitoire ; que le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat de vente ; »
Cour d’appel de Grenoble, 10 novembre 2015, n° 13/01450
l’enquête réalisée par le magazine AUTO MOTO, pour intéressante et éclairante qu’elle soit, présente un caractère général et ne peut suffire à établir l’existence d’un vice caché, cette enquête étant connue de l’expert qui seul est à même de déterminer après examen du véhicule, si les difficultés relevées dans cette enquête peuvent s’appliquer au cas d’espèce, ce que l’expert n’a pas retenu, il a d’ailleurs dans ses conclusions et dans les notes aux parties rappelé qu’il existe des centaines de cas de défaillances qui paraissent similaires sans pour autant avoir les mêmes causes, il apparaît donc en l’état que l’expert au vu de l’ensemble des documents remis par les différentes parties et de l’examen du véhicule a estimé être en mesure de répondre de manière précise et circonstanciée aux différentes questions qui lui avaient été soumisses dans le cadre de l’expertise et que les éléments soumis au débat ne permettent pas de remettre en cause son impartialité, l’expertise sera donc retenue, (…)
l’expert ne retenant pas l’existence d’un vice caché, l’étude générale effectué par un magazine spécialisé et les différentes pannes ayant affecté le véhicule ne peuvent constituer des éléments de preuve suffisants pour retenir l’existence d’un vice caché, étant observé que l’avarie n’est survenu qu’au bout de 8 ans et de plus de 100 000kms, les demandeurs seront donc déboutés de leur demande de résolution de la vente,
Tribunal de grande instance de Nanterre, 2e chambre, 25 mars 2011, n° 10/03721
(confirmé par Cour d’appel de Versailles, 3ème chambre, 25 avril 2013, n° 11/03489)
Des articles de presse qui peuvent venir appuyer des éléments d’expertise
Sans expertise, même si tel défaut affecte de manière récurrente un modèle en particulier, les articles de presse ne suffiront donc pas à prouver que le véhicule objet du litige est bien affecté de ce problème, et d’un vice caché.
Le particulier ne devra donc pas zapper l’étape expertise même s’il peut faire état de nombreux cas similaires au sien largement relayés par la presse.
Mais l’automobiliste (ou plutôt son avocat) pourra communiquer ces éléments à l’appui de sa demande pour venir donner encore plus de poids aux constatations de l’expert en automobile.
Parfois ces articles de presse pourront même contribuer à inverser la vapeur lorsqu’un tribunal a débouté un automobiliste bien décidé à prendre sa revanche devant la Cour d’appel.
Tel avait, par exemple, été le cas devant la Cour d’appel d’Aix en Provence pour une affaire concernant une voiture mal née : la Renault Laguna 2…
Attendu qu’il résulte clairement des termes de ce rapport, même bref, l’existence d’un vice caché du turbo compresseur de cet engin automobile ; qu’en effet ce dernier a été peu sollicité, pour ne présenter qu’un kilométrage modeste de 62 850 km ;qu’il est totalement exclu par l’expert que la viscosité de l’huile employée par le C en ayant assuré régulierement l’entretien, puisse être à l’origine de la perte d’étanchéité constatée ;
Attendu qu’il est à relever de surcroît que M. X qui avait sollicité et obtenu dans un premier temps que l’intimée soit représentée à ses premières opérations d’expertise, n’a pas pu recueillir quelque observation de la part de Z L M ;
Attendu qu’il est à relever par ailleurs que la défaillance mécanique du turbocompresseur des premières Lagunas a fait l’objet d’une abondante littérature dans les journaux spécialisés (‘LAGUNA II (2001-2007) : TURBO responsable de l’aspiration de l’huile dans le moteur, il est à l’origine de coûteuses avaries mécaniques’ in L’automobile magazine – septembre 2008) en contrepartie de nombreuses innovations technologiques sur ce modèle ;
Que suite aux nombreux témoignages de conducteurs victimes de pannes mettant en jeu leur sécurité, l’association UFC-Que Choisir a mis en cause la fiabilité des moteurs 1,9 dCI des Z Lagunas, que la marque a dû reconnaître une ‘usure prématurée du turbo sur ces moteurs équipant les Laguna 2 et Espace 4 fabriquées avant juin 2003″, et a organisé le rapatriement de tous les véhicules de ce type fabriqués avant juin 2003 totalisant moins de 150’000 km et âgés de moins de cinq ans, ce qui tend à corroborer les constatations explicites de l’expert sur le véhicule en cause, même si ce dernier n’est pas équipé du même turbocompresseur ;
Attendu que l’acquéreur établit ainsi que le véhicule litigieux présentait déjà, avant la vente réalisée par Z L M SAS, un vice caché le rendant impropre à sa destination, l’auto- emballement inopiné du turbo entraînant des risques importants d’accident,
Attendu qu’il s’ensuit l’infirmation du jugement déféré ;
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1re chambre b, 5 janvier 2012, n° 10/23026
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