Le délai pour agir en matière de vices cachés automobile est de deux ans à compter de la découverte du vice, mais ce délai est lui même enfermé dans un autre délai de 5 ou 20 ans à compter du contrat. 5 ou 20 ans telle est la question qui agite les chambres de la Cour de cassation en ce moment. Dernières nouvelles du front avec une jurisprudence toute récente du Tribunal Judiciaire de Paris en date du 11 avril 2023 obtenue par le cabinet.
La question occupe les praticiens depuis un arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 8 décembre 2021 (n°20-21439) qui délaissait le court délai de 5 ans pour un délai plus protecteur pour les consommateurs de 20 ans sur lequel j’avais déjà eu l’occasion de m’exprimer ici en reprenant également le positionnement de quelques arrêts rendus par les juridictions d’appel postérieurement à cette évolution jurisprudentielle.
Au mois de mai 2023, le suspens demeure et les praticiens restent dans l’attente d’un positionnement de la Cour de cassation avec une intervention d’une chambre mixte qui mettra fin aux divergences entre 1ère chambre civile et 3ème chambre civile.
En attendant cette clarification de la part de la Cour de cassation, les décisions de justice se multiplient et se rangent souvent derrière l’analyse de la troisième chambre civile. En témoigne cette récente ordonnance du Juge de la mise en État du Tribunal judiciaire de Paris, particulièrement bien motivée et qui n’hésite pas à pousser le raisonnement jusqu’aux dispositions du Code du commerce. (pour être totalement transparent vis à vis du lecteur, il sera indiqué que la décision rapportée ci-dessous a été obtenu par le cabinet)
Vices cachés : un délai de 20 ans pour le Tribunal judiciaire de Paris
Selon bon de commande du 10 novembre 2015, la société N a vendu à M. A un véhicule d’occasion de marque Renault, modèle Captur. Le 8 mars 2018, M. A a revendu le véhicule à M. B. Prétendant que le véhicule était affecté d’un vice caché, M. B a, en septembre et novembre 2019, sollicité de M. A et de la société N la prise en charge des frais en résultant
M. B a notamment assigné M. A et la société N.
M. A a sollicité la condamnation de la société N « à prendre en charge les conséquences d’une résolution de vente et à prendre en charge la somme de 10.500 euros en contrepartie de la restitution du véhicule ».
Sur la prescription « la société N fait valoir pour l’essentiel que l’action résultant de vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur contre son vendeur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, tout en étant enfermée dans le délai de prescription quinquennale de l’article L.110-4 du code de commerce qui court à compter de la date de la vente et qu’en l’espèce, la prescription a commencé à courir à compter du 10 novembre 2015, date de la signature du bon de commande, de sorte que l’action initiée à son encontre par M. B est prescrite depuis le 10 novembre 2020. M. B oppose que le point de départ du délai de prescription quinquennale se situe au jour de la livraison du véhicule, soit le 20 novembre 2015, et non au jour de la signature du bon de commande, l’acquéreur ne pouvant pas avant cette date connaître l’existence du vice allégué et partant agir en garantie contre son vendeur, de sorte que son action n’était pas prescrite lorsqu’il a saisi le tribunal de céans par exploit du 19 novembre 2020. M. A soutient quant à lui que l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente.
Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 1648 du code civil, « L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. ». L’article L.110-4 I du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-619 du 16 juillet 2013, qui régit les actions entre commerçants, dispose : « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. ». L’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2008- 561 du 17 juin 2008, prévoit : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ». Selon l’article 2232 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, « Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. ». L’article 2234 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2008- 561 du 17 juin 2008, précise que : « La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. ». Pour les ventes conclues après l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, l’encadrement dans le temps de l’action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l’article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit et non pas à l’intérieur du délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce, qui courrait à compter de la vente initiale. En effet, l’article 2224 du code civil fixe le point de départ du délai de prescription au jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce qui annihile toute possibilité d’encadrement de l’action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l’article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.
La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription prévu par l’article L.110-4, I, du code de commerce, sans préciser son point de départ, celui-ci ne peut que résulter du droit commun de l’article 2224 du code civil. Il s’ensuit que le délai de cinq ans de l’article L.110-4, I, du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l’action en garantie des vices cachés relative à des biens vendus après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d’action récursoire, à compter de l’assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans résultant de l’article 2232 du code civil et courant à compter de la vente initiale. (3eme Civ. 25 mai 2022, pourvoi n°21-18.218, publié).
En l’espèce, le vice ayant été découvert par M. B au cours du second semestre 2019, son action n’était à l’évidence pas prescrite lorsqu’il a fait citer la société N devant le tribunal de céans par exploit du 19 novembre 2020. Au surplus et en toute hypothèse, même à supposer qu’il soit fait application du délai butoir de l’article L.110-4 du code de commerce, ce délai n’a pu commencer à courir qu’à compter du 20 septembre 2015, jour de la livraison et du transfert des risques et de la propriété du véhicule selon les mentions du bon de commande. La demande de garantie formée par M. A à l’encontre de la société N qui a constitué avocat le 29 septembre 2022 n’est pas davantage prescrite. La fin de non-recevoir soulevée par la société NDP sera par conséquent rejetée.
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